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Droits de douane américains et conséquences sur le retail européen

L'annonce du jeudi 3 avril 2025 d'une augmentation de 20 % des droits de douane par les États-Unis sur certains produits européens suscite des inquiétudes au sein du secteur du retail. Le point sur cette mesure qui pourrait avoir des répercussions significatives sur les distributeurs du vieux continent.

Publié par Jérôme Pouponnot le - mis à jour à
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Droits de douane américains et conséquences sur le retail européen
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Il l'avait dit... il l'a fait ce jeudi 3 avril 2025 ! Le président Américain Donald Trump a donc appliqué des droits de douane supplémentaires à de (très) nombreux pays, dont l'Europe. Un 3 avril qui fait office de date cruciale pour l'organisation du commerce entre les États-Unis et l'Europe, puisque l'augmentation de 20 % des droits de douane par l'administration américaine est considérée comme majeure. Une augmentation qui sonne comme une rupture (définitive ?) du mondialisme, tel qu'on le connait depuis les années 90.

Cette décision, qui s'inscrit dans la continuité d'une politique protectionniste renforcée sous la présidence Trump, vise à réduire le déficit commercial américain et à encourager la production nationale. Mais une décision qui ne va pas sans des conséquences profondes sur l'économie européenne, notamment sur le secteur du retail et qui soulève de nombreuses interrogations, pour ne pas dire inquiétudes, de la part des dirigeants d'entreprises.

Un impact direct sur les exportations européennes

Les États-Unis représentent environ 12 % des exportations totales de l'Union Européenne (UE), ce qui fait d'eux un partenaire commercial clé. En 2023, l'UE avait un excédent commercial en biens avec les États-Unis de 157 milliards d'euros, concentré dans des secteurs comme l'automobile, les produits pharmaceutiques, les boissons et les produits de luxe. Avec cette hausse des droits de douane, ces produits deviennent subitement 20 % plus chers pour les consommateurs américains, ce qui risque de réduire leur compétitivité et de faire chuter les ventes.

Côté Europe, selon l'Association du Commerce Européen (ACE), "Cette hausse brutale des tarifs douaniers pourrait coûter au secteur du retail européen plus de 5 milliards d'euros par an en coûts supplémentaires" (ACE, septembre 2024). Ces frais additionnels risquent de se répercuter à différents niveaux de la chaîne de valeur.

Par ailleurs, selon une autre estimation, cette mesure pourrait entraîner une baisse des exportations européennes vers les États-Unis d'environ 200 milliards de dollars par an, soit un tiers du total actuel (Centre For European Reform). Cette diminution pourrait avoir un impact direct sur le PIB européen, avec une perte estimée à environ 1 % (Centre For European Reform).

Compression des marges et hausse des prix

En outre, la première conséquence visible de cette mesure sera une pression accrue sur les marges des détaillants européens qui exportent vers les États-Unis. Les analystes de Morgan Stanley estiment que "Les retailers européens font face à un dilemme : absorber ces coûts supplémentaires au détriment de leur rentabilité ou les répercuter sur le consommateur final" (Rapport Morgan Stanley, octobre 2024).

Côté secteurs les plus touchés, selon une étude de PwC, le luxe, l'automobile et l'agroalimentaire devraient être impactés en fonction de la dépendance au marché américain. "Les marques de luxe européennes, qui réalisent en moyenne 20 à 25 % de leur chiffre d'affaires aux États-Unis, devront augmenter leurs prix de 5 à 10 % pour maintenir leurs marges actuelles", indique l'étude PwC, ("Impact des nouvelles barrières douanières", octobre 2024).

Restructuration des chaînes d'approvisionnement

Les droits de douane augmentés risquent également de perturber les chaînes d'approvisionnement mondiales. De nombreuses entreprises européennes dépendent de composants importés pour leurs produits finis. Selon CaixaBank Research, si ces composants deviennent plus coûteux ou moins accessibles en raison des nouvelles barrières commerciales, cela pourrait ralentir la production et augmenter les coûts opérationnels.

Face à cette nouvelle donne, nombreux sont les acteurs du retail européen qui envisagent de revoir leur stratégie d'approvisionnement et de distribution. "Un mouvement de relocalisation partielle de la production au sein même du marché américain pour contourner ces barrières tarifaires, a déjà commencé", explique Jean Dupont, économiste à la Banque Centrale Européenne (Interview, Les Échos, octobre 2024).

Cette tendance est confirmée par une enquête de Deloitte auprès de 200 directeurs d'enseignes européennes, révélant que 62 % des retailers européens considèrent désormais l'établissement d'unités de production ou d'assemblage sur le sol américain comme une priorité stratégique (Baromètre Deloitte du Retail International, 2024).

Accélération de la diversification géographique

La hausse des droits de douane américains pourrait également accélérer la diversification géographique des retailers européens. "Nous observons un intérêt croissant pour les marchés asiatiques et latino-américains, perçus comme des alternatives de croissance face aux incertitudes du marché américain", souligne Marie Lambert, analyste chez Eurex (Rapport sectoriel Eurex, septembre 2024). Une analyse partagée par European Parliament qui estime également cette situation pourrait pousser l'UE à renforcer ses partenariats commerciaux avec d'autres régions du monde afin de diversifier ses débouchés.

L'Inde et l'Amérique latine apparaissent comme les principaux bénéficiaires de cette réorientation. Bien avant les annonces du Président Américain, les investissements Européens dans ces régions ont augmenté de 35 % au premier semestre 2024, selon les données de la Commission européenne.

Des négociations commerciales sous tension

Cette situation place la Commission européenne dans une position délicate. "Nous sommes déterminés à défendre les intérêts des entreprises européennes et n'excluons pas des mesures de rétorsion proportionnées si les négociations n'aboutissent pas", a déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen (avril 2025).

L'Organisation Mondiale du Commerce a, quant à elle, exprimé sa préoccupation face à cette escalade potentielle, rappelant que "Le protectionnisme ne profite à personne sur le long terme et menace la reprise économique mondiale" (Déclaration de la Directrice générale de l'OMC, 2025).

L'Union européenne envisage donc des contre-mesures proportionnées pour protéger ses industries. Cependant, une escalade dans la guerre commerciale pourrait exacerber l'incertitude économique et freiner les investissements dans le retail européen (YouGov).

À l'échelle mondiale, les signaux "négatifs" envoyés par l'administration de Donald Trump et les risques d'une récession économique, ont été immédiatement perçus : l'ensemble des bourses mondiales ont en effet accusé un recul de plus de 3 %.

Perspectives pour les consommateurs européens

Pour les consommateurs européens, l'impact sera davantage indirect mais présent néanmoins. Le cabinet d'études Nielsen IQ prévoit une hausse moyenne de 3 à 5 % du prix des produits américains importés en Europe en raison des mesures de rétorsion probables ("Comportements d'achat face aux tensions commerciales" étude Nielsen IQ).

En contrepartie, cette situation pourrait favoriser les producteurs locaux européens, qui bénéficieraient d'un avantage concurrentiel face aux produits américains potentiellement plus chers suite aux éventuelles et probables mesures de rétorsion européennes.

Plus que jamais, face à ce nouvel environnement commercial, les retailers européens vont devoir faire preuve d'agilité et repenser leurs stratégies à court et moyen terme pour maintenir leur compétitivité sur un marché mondial de plus en plus fragmenté.

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