Qui sont les deep tech, ces start-up qui inventent le monde de demain ?
Deep tech? Des start-up fondées sur des avancées scientifiques majeures de nature à changer les modes de conception et production. Leurs défis, leurs besoins, leur appétit de collaboration... tour d'horizon de ces jeunes pousses pas comme les autres.
Je m'abonneInnover, c'est bien. Produire une innovation de rupture, c'est mieux ? C'est, en tout cas, la vocation des deep tech. Fondées sur des avancées scientifiques ou technologiques majeures, difficiles à reproduire, ces start-up sont au coeur d'un rapport1 de Hello Tomorrow, association d'acteurs du monde de la science et de l'innovation, et du Boston Consulting Group (BCG), cabinet de conseil en management et stratégie d'entreprise, dévoilé début avril 2017.
La spécificité des deep tech ? "La nature de ce qu'elles travaillent", révèle Philippe Soussan, directeur associé du BCG. Concrètement, les deep tech ne ciblent pas des produits existants - à l'image, par exemple, des start-up tech qui utilisent le digital pour optimiser l'expérience utilisateur - mais travaillent sur autre chose. En faisant cela, elles ne visent pas à révolutionner les usages mais à changer en profondeur les modes de conception et de production.
Généralement issues des laboratoires de recherche, les deep tech se caractérisent aussi par "des besoins en capitaux importants, des délais de mise sur le marché long et un passage à l'échelle industrielle délicat", énumèrent Hello Tomorrow et BCG.
"Une vague qui immerge tous les secteurs"
"Dans le monde et en France les entreprises de la deep tech sont en train de redevenir "à la mode''", note Xavier Duportet, président de Hello Tomorrow. Pour lui, ce regain d'intérêt tient notamment à "ce qui se passe aux USA, à des gens comme Elon Musk", patron de Tesla et SpaceX, qui cherche à repousser les limites de la technologie en matière de mobilité.
En parallèle, les start-up arrivent à maturité, les technologies ne cessent de faire des progrès, et, alors que le digital est travaillé depuis quinze ans, de nouveaux relais d'innovation sont recherchés.
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"On observe une vague qui immerge l'ensemble des secteurs d'activité, constate de son côté Philippe Soussan. On commence à voir dans le monde et en France un foisonnement qui va venir porter à maturité ces innovations de rupture". Ces innovations sont multiples (biotechnologie, réalité virtuelle et augmentée, intelligence artificielle, 3D...) et touchent tous les secteurs d'activité.
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Le défi du financement
Compte tenu de leur profil particulier, ces jeunes pousses sont confrontées à des défis spécifiques. Pour plus du quart d'entre elles (27 %), le challenge le plus crucial est lié au time-to-market. Le temps entre une découverte scientifique et son arrivée sur son marché peut, en effet, être extrêmement long. "40 % des chercheurs avouent l'avoir surestimé", précise Arnaud de la Tour, vice-président de Hello Tomorrow.
Deuxième défi, pour 25 % des start-up interrogées : le financement. Sans compter qu'"il leur faut lever encore plus de fonds que les autres start-up" afin de mener à bien leurs recherches, poursuit le dirigeant. Sur cette question, la France présente une particularité : le secteur public y est plus actif qu'aux États-Unis et que dans le reste du monde.
En pratique, les jeunes entreprises tricolores se financent grâce à leurs familles et amis (55 % des répondants ont été concernés), au secteur public (45 %) et aux business angels (21 %). Viennent ensuite les universités (13 %), les VC (capital investissement- 5 %) et les grands groupes (5 % également).
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"Aux États-Unis, les fonds qui étaient dans le digital commencent à investir dans les deep tech, remarque Xavier Duportet. Il y a aussi de plus en plus d'investisseurs étrangers qui veulent s'engager dans des entreprises françaises".
Un soutien des grands groupes jugé nécessaire
En pratique, les attentes des deep tech sont fortes non seulement en matière de financement (80 %) mais aussi d'accès au marché (61 %), d'expertise technique (39%), business (26 %) et de moyens accessibles (accès à des locaux, moyens humains) pour avancer dans leurs recherches. En France, une attention toute particulière est portée à l'acquisition de talents (34 %).
Dans ce contexte, elles ont besoin de soutien. Le rapport fait apparaître qu'elles considèrent les grands groupes - devant les VC, les business angels, accélérateurs et incubateurs, universités et acteurs publics - comme des partenaires privilégiés. "Ils couvrent l'ensemble de leurs besoins", indique Philippe Soussan. Ils sont même, d'après l'étude, les seuls à le faire.
Ainsi, 97 % des start-up souhaitent mettre en place des partenariats à long terme avec ce type d'acteurs. Même si dans les faits, elles sont simplement un peu plus de la moitié (57 %) à avoir réussi à en établir un (95 % et 51 % en France). Question de faisabilité ? En réalité, des craintes demeurent, notamment, par exemple, sur le niveau d'agilité des gros acteurs.
Ces partenariats peuvent prendre des formes très diverses. "Cela dépend de la maturité de la start-up. Au fur et à mesure que son produit devient complet, il est plus facile pour les grands groupes d'impliquer leurs équipes opérationnelles", explique Arnaud de la Tour.
L'intérêt à collaborer est d'ailleurs mutuel. "Pour travailler sur certaines adjacences à leur business, les grands groupes sont obligés d'aller chercher de nouvelles idées et de les porter", estime Philippe Soussan. C'est ce que fait par exemple le groupe L'Oréal, qui a identifié une cinquantaine de start-up dans des domaines aussi divers que les matériaux, le sensoriel ou encore la couleur, qui travaillent à des innovations qui pourraient intéresser l'industriel pour améliorer son offre.
"L'autre enjeu pour [les grands groupes] est de ne pas se faire distancer par les GAFA qui eux investissent dans les nouvelles technologies et même se disent intégrateurs naturels de deep tech", ajoute l'expert du BCG.
Un pari gagnant, à condition toutefois de respecter certains critères. "Partir du business, mettre en place des process agiles qui n'étouffent pas les start-up, et jouer la transparence", conseille en substance Arnaud de la Tour. Autant de bonnes pratiques prometteuses.
Témoignage : "Comment ma start-up deep tech se développe"
Presque vingt ans de l'invention à sa validation. Présidente de NovaGray, start-up spécialisée dans la détection d'effets secondaires chez les patients soumis à la radiothérapie, Clémence Franc connaît bien les problématiques communes aux deep tech. " Notre technologie a été mise au point en 1997, les premiers résultats cliniques sont tombés en 2005, les deuxièmes en 2015 ", illustre-t-elle.
Dans ce contexte, l'entreprise, cofondée avec un médecin, a été financée avec des fonds publics (versés à l'équipe académique non encore constituée en société) puis privés. Créée juridiquement en 2015, la SAS a, en avril 2016, levé 300 000 euros auprès de business angels. En ce moment, "nous commençons à discuter avec des VC", explique la dirigeante.
Si les débuts sont longs, le décollage ne se fait pas sans accompagnement. "Au fur et à mesure que la société avance, les besoins sont différents. Au début, ils portaient sur la R&D, après, sur le business, relate la dirigeante. La mise sur le marché est l'expertise des grands groupes."
Repères
Activité : tests médicaux
Siège social : Montpellier (Hérault)
Dirigeante : Clémence Franc, 26 ans
Raison sociale : SAS
Création : octobre 2015
Effectif : 2 personnes
CA 2016 : NC
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1 Rapport portant sur environ 400 start-up deep tech appartenant au réseau de Hello Tomorrow, tous niveaux de maturité, tous secteurs d'activité et issues de 50 pays, réalisé avec Boston Consulting Group et dévoilé le 4 avril 2017.