[Tribune] Les BSPCE, bon plan ou mirage pour les salariés ?
Conçus comme un outil d'optimisation, les bons de souscription des parts de créateur d'entreprise font partie des instruments d'intéressement favorisés par les entreprises en croissance. Grâce à ce dispositif, elles préservent leurs fonds propres, tout en accordant un complément de rémunération aux dirigeants et salariés sous forme d'actions.
Je m'abonneDans une logique de fidélisation, l'attribution de BSPCE permet aussi d'associer leurs bénéficiaires aux performances financières de l'entreprise. En pratique, ce mécanisme permet d'attribuer gratuitement des options aux dirigeants et salariés leur permettant, à terme, de souscrire à des actions de leur entreprise à un prix par action préalablement défini lors de l'attribution des options.
Le principal avantage des BSPCE consiste à permettre à leur titulaire de souscrire à des actions de l'entreprise à un prix inférieur à leur valeur réelle, en particulier en cas d'augmentation de la valeur de l'entreprise entre la date d'attribution des BSPCE et la date de leur exercice. Il en résulte que les BSPCE constituent le meilleur moyen d'associer les collaborateurs à la réussite de l'entreprise et d'harmoniser les intérêts des fondateurs et ceux des salariés.
Toutefois, afin de s'assurer de la contribution de leurs titulaires à la croissance de l'entreprise, l'exercice des BSPCE répond généralement à des conditions de présence dans l'entreprise ou encore à des conditions de performance. Ainsi, l'exercice des BSPCE est souvent soumis à un calendrier d'exercice (appelé "vesting") permettant au titulaire des BSPCE d'exercer ses options progressivement sur une période déterminée.
Un régime fiscal attractif
L'attractivité des BSPCE pour leurs titulaires tient principalement au régime fiscal qui y est attaché. Contrairement aux stock-options, les BSPCE bénéficient d'un régime social et fiscal favorable en France, accentué par la loi de finances pour 2018 ayant aligné le taux d'imposition applicable aux BSPCE, désormais soumis au Prélèvement Forfaitaire Unique, soit au taux global de 30%, dès lors que ces BSPCE sont détenus depuis plus de trois ans.
Pour ce qui est des entreprises, celles-ci ne payent pas de cotisations sociales sur les BSPCE, puisque ceux-ci ne constituent pas une rémunération.
Une plus-value incertaine
Comme indiqué précédemment, les BSPCE attribués en année "N" seront acquis progressivement aux dates prévues dans leur plan d'attribution, puis exercés au prix défini en année N+. Ainsi, c'est seulement dans l'hypothèse où la valorisation de l'entreprise augmente au cours de la période d'exercice que le bénéficiaire pourra souscrire des actions à un prix inférieur à leur valeur réelle au jour de leur souscription.
Le bénéficiaire percevra alors la "sur-rémunération" recherchée lors de la revente des actions résultant de l'exercice des options, à savoir la différence entre la souscription des actions et leur revente. Dès lors, en cas de performances financières insuffisantes, la possibilité de réaliser une plus-value en cas de revente est amoindrie, voire exclue si le prix de souscription des actions résultant de l'exercice des BSPCE est supérieur à leur valorisation réelle.
La décote, un mécanisme opaque
Pour tenter de pallier cette incertitude, la loi de finances pour 2020 a introduit la notion de "décote" sur le prix d'exercice des BSPCE au profit des salariés, pour les bons attribués à compter du 23 mai 20191 afin de réduire l'effort financier réalisé par le salarié.
Cette décote est toutefois soumise à la condition que les bénéficiaires des BSPCE disposent de droits qui ne "sont pas au moins équivalents" à ceux conférés aux souscripteurs de la dernière levée opération sur le capital réalisée par la société2. À cet égard, rappelons qu'en principe, le prix d'exercice des BSPCE doit au moins être égal au prix d'émission des titres fixé lors de la dernière levée de fonds, intervenue au cours des six derniers mois le cas échéant. Cela conduit, en pratique, à un prix d'exercice prohibitif lorsque la valeur de l'entreprise augmente, et ne prend en compte ni le caractère minoritaire ni la différence des droits attachés aux actions résultant de l'exercice des bons.
La notion de décote a ainsi été introduite par le législateur afin de refléter plus justement la valeur des actions issues de l'exercice des BSPCE, rendant justement le dispositif plus attractif. Reste qu'une décote supérieure à trente pour cent (30%) du prix d'exercice nécessite d'être justifiée auprès de l'administration fiscale, qui n'a à ce jour pas fait connaître sa position quant aux justifications admises.
À cet égard, il serait nécessaire de permettre aux sociétés émettrices de disposer de toutes les clés concernant cette décote afin de ne pas exposer leurs bénéficiaires à un risque de redressement fiscal.
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Un mécanisme abscons pour les salariés
Selon la plateforme Caption Market, assistant certains salariés dans le cadre de la gestion de leurs BSPCE, 75% des détenteurs n'activent ou n'activeront jamais leurs bons. Ce constat peut s'expliquer par l'échec de l'entreprise à croître ou par un départ du bénéficiaire avant l'exercice de ses bons - qui correspond à l'acquisition des actions.
Pour les bénéficiaires, les BSPCE ne sont évidemment attrayants qu'à la condition de réaliser une plus-value à la revente des actions. D'autant plus qu'une fois les bons attribués, il leur faut disposer de suffisamment de liquidités pour acquérir les actions, et trouver un acquéreur à qui les revendre. Cette vente ne pouvant effectivement se faire qu'à certaines occasions déterminées (rachat, levée de fonds ou encore introduction de l'entreprise en Bourse).
Par ailleurs, la liberté des bénéficiaires de céder leurs actions souscrites au titre de l'exercice de leur BSPCE peut être doublement restreinte. D'une part le bénéficiaire qui quitterait son entreprise avant l'expiration d'un certain délai (ou pour certains motifs) pourrait être tenu de céder les actions souscrites à un prix inférieur à leur valeur réelle ou égale à leur valeur nominale. D'autre part, celui-ci pourrait avoir souscrit un engagement de conservation de ses actions faisant obstacle à leurs cessions avant l'expiration d'une certaine durée.
Si la mécanique des BSPCE peut se révéler particulièrement attrayante, leur mise en place nécessite incontestablement un accompagnement juridique.
1. aux dispositions de l'article 103 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE).
2. selon l'article 163 bis G, III du Code général des impôts.