Internet donne des ailes aux imaginations les plus stériles
Avec 50 millions de pages vues par mois et 630 000 membres en Europe, une part d'audience de 86,5 % sur le marché des enchères français, iBazar Group fait figure de poids lourd dans l'univers de l'Internet. Pierre-François Grimaldi, son président, dévoile ses ambitions à quelques mois d'une introduction en Bourse pour le moins attendue.
Je m'abonneVous avez récemment fait l'acquisition d'un site suédois et d'un site belge d'enchères tout en levant 130 millions de francs. Quels sont vos objectifs au niveau européen ?
Nous sommes présents dans six
pays en Europe et leader dans quatre : la France, l'Italie, l'Espagne et la
Belgique. Mais nous ne sommes pas qu'européen, puisque nous sommes également
implantés au Brésil. En Europe, nous voulons faire des enchères notre coeur de
métier. Cela s'est, par exemple, traduit en mars dernier par la vente de notre
site de transactions boursières iBourse à la banque italienne Banca Populare di
Brescia-Carire, ce qui a représenté une rentrée d'argent de 350 millions de
francs. La réponse immédiate à cette vente a été le rachat du numéro 2 Suédois
des enchères en ligne, bamba.nu, et du numéro un Belge, opendeal.com. Nous
avons d'autre part lancé notre activité aux Pays-Bas en avril. Nous avons par
conséquent démontré que nous étions à la fois capables de créer une activité
grâce à notre propre potentiel, et que nous avions les moyens de racheter des
sociétés de valeur grâce à nos ressources financières. A titre indicatif, les
rachats de bamba.nu et d'opendeal.com ont été en grande partie payés par des
actions, ce qui montre qu'il y a une grande confiance du marché sur notre
entreprise, aujourd'hui valorisée à hauteur de 3,4 milliards de francs.
Vous semblez accorder beaucoup d'importance à cette valorisation, mais ce qu'attendent les consommateurs, ce sont avant tout des services et des informations pratiques, pas financières.
Communiquer sur notre
valorisation, c'est notre façon de signifier au marché que nous sommes présents
de manière forte et significative, et que nous souhaiterions que l'on parle un
peu plus de nous. Sur Internet, c'est celui qui crie le plus fort qui a le plus
de chance d'être entendu. L'occasion nous est donnée de le faire, par
conséquent nous ne nous en privons pas et, en retour, nous attendons d'être
pris au sérieux et reconnu comme le leader incontestable des enchères en ligne
en France et en Europe.
Justement, comment vous positionnez-vous par rapport à vos concurrents Aucland et QXL ?
Nous possédons une
part d'audience de 87 % en France, nos concurrents se partageant les 13 %
restants. Bien que leader, nous ressentons malgré tout la pression, mais nous
constatons que, jusqu'à présent, notre position n'a pas été sensiblement
altérée par la virulence de cette concurrence. Cela signifie que tout le monde
fait bien son métier, mais que nous le faisons sans doute un petit mieux que
les autres. Aujourd'hui, iBazar possède auprès des internautes français une
notoriété spontanée de 50 % et une notoriété assistée de 80 %. Nous n'avons
donc pas lieu de nous alarmer.
Pour quelles raisons avez-vous changé de modèle économique et décidé de prélever une commission de 2,5 % sur les objets vendus sur ibazar.fr ?
Un site gratuit d'enchères ne
peut pas se contenter de la publicité pour vivre. Dès le lancement du site en
octobre 1998, j'avais annoncé qu'à terme iBazar deviendrait payant. Cela nous
coûte quelques membres, c'est évident, mais dans des proportions finalement
moindres que ce que nous avions prévu. De toute façon, nous estimons que nous
rendons un tel service aux utilisateurs, que le fait d'avoir à payer 2,5 % sur
une affaire, et uniquement si elle se conclut, ne constitue pas pour eux un
frein majeur. Et puis, à l'heure où l'Internet gratuit suscite bien des
interrogations, j'estime qu'il est plutôt sain d'afficher clairement notre
volonté de rentrer dans une logique économique pour asseoir notre crédibilité.
Vous avez lancé à destination des entreprises une plate-forme B to B : iBazar Pro. Quel en est le concept ?
L'objectif d'ibazarpro.com
est d'offrir aux entreprises un espace d'enchères sur lequel elles peuvent
écouler leur matériel d'occasion et de déstockage. Le site cible tous les
professionnels, des grandes entreprises aux professions libérales, en passant
par les PME et les artisans. Les échanges sont organisés sur plus de 15
secteurs et s'effectuent sur un environnement sécurisé un peu plus restrictif
que sur le site grand public. Le formulaire d'inscription notamment est plus
renseigné puisque nous demandons aux entreprises leur numéro de SIREN. Nous
nous chargeons de valider l'enregistrement des sociétés, ce qui offre aux
acheteurs la garantie qu'ils ont bien affaire à des professionnels, que les
sociétés sont en règle avec la législation, et que la personne qui opère la
transaction est bien mandatée par l'entreprise pour acheter ou vendre. Les
enchères professionnelles sont un concept nouveau que les entreprises vont
devoir assimiler. Mais Internet donne des ailes aux imaginations les plus
stériles, et la crédibilité que nous avons acquise avec ibazar.fr devrait nous
permettre de convaincre les plus sceptiques.
Quelle vision avez-vous des enchères en ligne aujourd'hui ?
Le principe de
l'enchère peut être accommodé à pas mal de sauces. Nous avons, par exemple,
récemment ouvert un service d'achat groupé qui marche très bien. Début mars,
nous avons réalisé 1 million de francs de chiffre d'affaires en 15 jours et
établi 1 500 factures. IBazar possède aujourd'hui 341 000 membres, et nous
sommes en passe de démontrer que parler de portail de commerce électronique a
désormais véritablement un sens.
Quel regard portez-vous sur le commerce électronique en France ?
On distingue toujours les mêmes
faiblesses : le coût trop élevé de l'accès à Internet, et le problème de la
sécurisation des paiements qui, avec la polémique née en mars autour de la
vulnérabilité des cartes bancaires, n'est pas prêt d'être résolu. Le gros
potentiel de la France en revanche, c'est la grande distribution. La question
qui se pose désormais, c'est de savoir si le commerce électronique est
réellement une alternative à la grande distribution, ou si c'est la grande
distribution qui, au contraire, va mener la danse. Mais il y aura de toute
façon une redistribution des cartes, car d'ores et déjà, le leadership des
distributeurs est remis en cause par certaines marques issues du Web.
Biographie
Ingénieur de formation et diplômé de Centrale Lyon, Pierre-François Grimaldi, 45 ans, a débuté sa carrière en créant une société de distribution de matériel micro-informatique, puis s'est lancé dans l'aventure du Minitel et de la télématique en prenant la direction de Télestore en 1986. Il a notamment été un des représentants au sein du CST, l'autorité française de régulation des activités sur Minitel. En 1996, il investit dans le moteur de recherche Ecila, puis crée iBazar en octobre 1998.