E-commerce : la face cachée de la fraude au retour
La fraude dans le commerce en ligne ne se limite pas au paiement, mais inclut également la fraude au retour, un problème plus insidieux et difficile à contrer. Entre protection de leur rentabilité et maintien d'une expérience client positive, les entreprises devront trouver un équilibre même délicat.

Entre les opportunistes, les professionnels ou les bandes organisées, il y a de quoi faire en matière de fraude au retour ! En effet, dans l'univers du e-commerce, où environ 10% des commandes font l'objet d'un "problème" post-achat, un phénomène particulièrement préoccupant émerge : la fraude au retour.
Contrairement à celle au paiement, où l'objectif est de ne pas payer un produit, la fraude au retour poursuit un autre but : conserver le produit tout en étant remboursé. "Un phénomène qui s'intensifie notamment lorsque les systèmes anti-fraude au paiement se perfectionnent, créant un effet de vases communicants où les fraudeurs se déplacent vers des méthodes alternatives", explique Dominique Budny, Business Product Leader of Return chez Adeo. Selon les experts du secteur, dont la FEVAD, cette fraude ne représente qu'environ 1% des clients. Cependant, son impact financier et organisationnel reste significatif pour les entreprises.
Une typologie de fraudeurs bien identifiée
Selon Dominique Budny, trois catégories principales de fraudeurs dans le domaine des retours produits, sont "distinguées" :
- Le fraudeur opportuniste. Client ordinaire, il découvre, souvent par hasard, une faille dans le système. Par exemple, lorsqu'un e-commerçant comme Amazon propose de conserver un produit de faible valeur (moins de 10€) tout en remboursant le client, certains consommateurs peuvent être tentés de répéter l'opération.
- Le fraudeur professionnel. Plus problématique, ce profil s'informe via des tutoriels sur le dark web, ou des canaux Telegram, pour exploiter méthodiquement les failles des systèmes et des cadres juridiques, comme le droit de rétractation. Ces individus agissent seuls mais avec une approche systématique qui peut coûter cher aux entreprises.
- La fraude en bande organisée. Elle représente le niveau le plus dangereux. Ces réseaux disposent de moyens considérables, comparables à ceux mobilisés pour d'autres trafics illégaux. Leurs méthodes incluent l'usurpation de comptes clients légitimes pour bénéficier d'un bon historique de transactions, voire la corruption d'employés de services postaux ou de transporteurs pour falsifier les preuves de livraison.
Le dilemme des entreprises face à la fraude
Les grandes enseignes de la distribution se trouvent face à un dilemme : comment lutter efficacement contre la fraude tout en maintenant une expérience client fluide ? En effet, complexifier les procédures de retour pour tous les clients afin d'écarter les fraudeurs risque d'impacter négativement la satisfaction et la fidélité des clients honnêtes. "Or, une mauvaise expérience de retour peut avoir deux conséquences majeures : diminuer la fidélité du client à la marque et réduire sa valeur vie client (LTV - Long Time Value), un indicateur crucial pour les entreprises de distribution", souligne Dominique Budny.
Des stratégies graduées selon le profil du fraudeur
Face à cette menace, les entreprises déploient des stratégies différenciées. Pour les fraudeurs opportunistes, un simple signal "nous vous avons repéré" suffit généralement à stopper le comportement. Pour les fraudeurs professionnels, les enseignes mettent en place des contrôles renforcés : vérification minutieuse des produits retournés, analyse approfondie des historiques d'achat, et si nécessaire, actions juridiques.
Quant aux réseaux organisés, ils nécessitent une réponse coordonnée impliquant les services de sécurité internes et les autorités. Récemment, un reportage sur TF1 a d'ailleurs montré l'arrestation de réseaux de fraudeurs ciblant plusieurs enseignes, dont Leroy Merlin.
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L'intelligence artificielle comme solution d'avenir
L'une des difficultés majeures dans la détection de ces fraudes réside dans le manque de vision globale des comportements clients. Un fraudeur peut facilement cibler différents points de vente d'une même enseigne sans être repéré. "Pour remédier à ce problème, il est utile et important d'explorer la puissance d'utilisation de l'intelligence artificielle pour identifier des patterns suspects : changements soudains d'adresse de livraison, modifications des coordonnées personnelles juste avant un retour, ou fréquence anormale de problèmes déclarés", affirme Dominique Budny.
La lutte contre la fraude au retour s'annonce comme un enjeu majeur pour le e-commerce dans les années à venir, c'est un euphémisme. Grâce à une combinaison d'analyses approfondies, d'outils technologiques avancés et de collaborations internationales, il est néanmoins possible d'en limiter son ampleur, tout en préservant l'expérience client.
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