« Les facilités de paiement sont désormais bien ancrées dans les usages »
Arnaud Le Gall, directeur des partenariats chez Cofidis Business Solutions (activités B2B de la société), revient dans une interview accordée à Ecommerce Mag sur quelques-uns des enseignements majeurs des résultats de l'enquête paneuropéenne sur les facilités de paiement, réalisée en partenariat avec Harris Interactive.
Je m'abonneD'après votre enquête (1), 45 % des consommateurs européens pourraient avoir un comportement défavorable aux commerçants qui ne proposent pas de facilités de paiement. Les retailers et e-commerçants tiennent-ils suffisamment compte de cette évolution ?
Ce qui ressort de l'étude, c'est que le fait de proposer des facilités paiements constitue un véritable avantage et argument pour les commerçants. Ainsi, 20 % des consommateurs affirment que s'il n'y avait pas de facilités de paiement (règlement différé à 15 jours, paiement en 3-4 fois ou bien encore à crédit au-delà des opérations se faisant en 3-4 versements), ils se rabattraient sur un produit moins cher avec un effet sur le montant du panier moyen. Voire ils abandonneraient leur panier (effet sur la conversion des ventes). Cela signifie qu'un site ne proposant pas de facilités de paiement pourrait se retrouver avec des paniers moins élevés, moins de conversions et donc moins de fréquence d'achat.
78 % des Européens disent qu'ils fréquentent régulièrement les mêmes enseignes. En France, c'est 86 %. Nous observons une habitude à consommer et à revenir au même endroit. En revanche, si les consommateurs voient qu'ils n'y trouvent pas de facilités de paiement, ils ont tendance à changer de marque ou d'enseigne. L'impact est conséquent pour le développement du business. En France, nous avons environ 10 000 partenaires sur les facilités de paiement, que ce soit sur l'e-commerce, le retail ou l'habitat. Nos partenaires ont bien pris en compte ce nouveau phénomène devenu structurel et ancré dans les usages.
Les facilités de paiement sont plus souvent proposées aux consommateurs européens sur Internet, qu'en magasin. Une raison à cela ?
Il y avait déjà des offres de crédit en magasin, mais peu de facilités de paiement. Sur le web, depuis 2007, Cofidis propose le paiement en 3-4 fois par carte bancaire. Mais plutôt online donc. Après la pandémie et l'explosion des achats sur Internet, nous avons constaté une généralisation un peu partout sur le web des facilités de paiement. Ensuite, beaucoup d'e-commerçants pratiquant une stratégie omnicanale ont souhaité être en mesure d'offrir ces solutions à leurs clients également en magasins.
Selon le montant moyen à payer, les consommateurs, et les retailers eux-mêmes, vont naturellement s'orienter vers telle ou telle solution. Si je vends des voitures, par exemple, je ne vais pas forcément avoir recours au paiement en 3-4 fois. C'est quelque chose qui est devenu assez universel. Les usages ont évolué avec les profondes mutations intervenues dans l'univers des paiements sur internet.
Y a-t-il des seuils psychologiques en matière de montant qui déclenchent le recours à ces solutions ?
On part d'assez bas en matière de montants, un peu partout. En revanche, si nous regardons les montants moyens des facilités de paiement, en général, nous notons des écarts intéressants. Sur le paiement fractionné, en 3-4 fois, par exemple, le montant moyen en France, c'est 475 euros ; en Europe, c'est 734 euros. Cette orientation vers la tranche haute s'observe dans des pays du nord de l'Europe, notamment, comme le Danemark, la Suède, la Pologne aussi. Les consommateurs règlent ainsi des montants élevés avec ce type de solutions, alors qu'en France, on tourne donc plutôt aux alentours des 400 euros.
Le porte-monnaie électronique semble commencer à se démocratiser davantage avec 43 % des Européens qui y ont recours. Quelle est la situation en France ?
À l'heure actuelle, une part importante des paiements (43 %) se fait via des porte-monnaie électroniques en magasin. La majorité des transactions se fait sur Internet avec 64 % des Européens qui disent utiliser des wallets. Les Français se servent un peu moins des moyens digitaux en général et les wallets en particulier. De fait, l'utilisation de la carte bancaire est beaucoup plus fréquente. Néanmoins, sur internet, 62 % des Français affirment utiliser des porte-monnaie électroniques.
Historiquement, l'usage des moyens de paiement digitaux a progressé de façon un peu plus lente en France par rapport aux autres pays européens. Le « request to pay », paiement instantané sur Internet, est très utilisé dans le Nord de l'Europe. C'est d'ailleurs dans cette partie du Vieux Continent que l'on paye très peu avec sa carte bancaire sur Internet. Ce sont essentiellement des paiements instantanés. Dans l'Europe du Sud, on a une adoption plus rapide du digital avec peut-être un lâcher prise sur le sujet des données personnelles plus large peut-être que ce que l'on voit chez nous.
Quels sont les chantiers en cours chez Cofidis Business Solutions pour répondre à cette évolution ?
Nous nous efforçons de fluidifier le parcours client et d'améliorer en permanence la conversion des paniers de nos partenaires e-commerçants en achats effectifs. Nous continuons de travailler sur l'open banking aussi. C'est une pratique que l'on pourrait traduire en français par « l'ouverture des systèmes bancaires ». Via des solutions technologiques, on peut ainsi partager de manière tout à fait sécurisée des données collectées par les banques sur leurs clients avec d'autres sociétés qui sont intéressées par ces données. L'internaute, quand il veut faire des achats sur le net, peut payer simplement par prélèvement en quelques clics, tout en restant sur le site de l'e-commerçant, sans avoir à saisir son RIB qui pourrait être téléchargé et prérempli. Cette année, nous sommes en train de déployer un produit que nous souhaitons universel et qui va permettre à nos clients, au travers d'un wallet, de payer leurs achats en plusieurs fois.
Petit à petit, nous enrichirons ce dernier avec de nouveaux services, notamment des services qui vont permettre de prolonger ou de garantir l'utilisation des produits achetés pour éviter, quand il y a une casse par exemple, de devoir le racheter (services de réparation) mais aussi d'autres fonctionnalités permettant de faire des paiements entre particuliers. Nous allons donc intégrer toutes ces innovations ainsi que les préoccupations en matière d'achat responsable des consommateurs à l'intérieur d'une solution de paiement universelle qui pourra être utilisée chez nos partenaires, mais aussi en dehors, chez d'autres commerçants qui travailleront avec nous.
Les chiffres clés de l'enquête
Plus de 9 Européens sur 10 font attention aux prix des produits qu'ils achètent. Et près de 9 sur 10 réfléchissent également beaucoup avant d'acheter
73% des Européens affirment qu'ils ont réduit leurs dépenses en raison de l'inflation
45% des consommateurs ont changé leurs habitudes de paiement. Une tendance encore plus marquée chez les jeunes (60% des 18-34 ans), tous pays confondus.
La première raison de l'utilisation de facilités de paiement : la démocratisation des outils mis à leur disposition, pour 41% des consommateurs européens. Puis la baisse du pouvoir d'achat pour 36% (notamment en France pour 54%).
1 Européen sur 3 a déjà eu recours aux facilités de paiement lors d'achats en magasin, de même pour leurs achats sur Internet. Notamment en France, l'utilisation du paiement fractionné pour 46% en magasin et 44% sur internet.
La carte bancaire reste le moyen de paiement le plus utilisé par les Européens, tant en magasin (87% - 94% en France) que lors d'un achat sur internet (81% - 93% en France). Tandis que 75% payent encore en espèces
Finalement, 49% des Européens qui ont fait évoluer leurs habitudes de paiement envisagent de faire perdurer cette dynamique (55% des Français)
D'ailleurs, 45% des consommateurs européens pourraient avoir un comportement défavorable aux commerçants qui ne proposent pas de facilités de paiement
Pour consulter l'enquête, cliquez ICI
(1) Méthodologie de l'enquête : 9 872 interviews réalisées en ligne, réparties dans 10 pays européens, sur la période du 28 février au 8 mars 2024. Échantillons nationaux représentatifs selon la méthode des quotas : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région.