Cédric Dufour, Rakuten France : "Un modèle unique alliant diversité, économie circulaire et partenariats"
Rakuten France enregistre aujourd'hui 15 millions de visiteurs uniques par mois, plus de 200 millions de références produits, et un produit sur deux vendu sur la plateforme est de seconde main. Rencontre avec Cédric Dufour, CEO de Rakuten France et Rakuten TV, pour faire le point sur sa feuille de route, un peu plus de six mois après sa nomination.

Quel a été votre parcours avant d'accéder à la présidence de Rakuten France, et quels sont aujourd'hui vos principaux axes de développement ?
J'ai rejoint Rakuten il y a 10 ans en tant que directeur général adjoint. En 2021, j'ai pris les fonctions de CEO de Rakuten TV. En juillet 2024, j'ai été nommé président de Rakuten France, tout en conservant ma fonction de CEO pour Rakuten TV.
Ma feuille de route consiste à continuer à faire évoluer notre modèle en France, en améliorant l'offre et en créant de la valeur. Entre 2019 et 2025, la crise sanitaire du Covid a eu un impact très positif sur notre secteur. Aujourd'hui, le contexte inflationniste nous pousse à prendre davantage en compte les préoccupations liées au pouvoir d'achat des Français. L'essor du marché de la seconde main est une opportunité majeure, mais nous devons aussi faire face à une forte concurrence avec l'arrivée de plateformes asiatiques, qui reposent sur des modèles économiques très différents des nôtres.
Quelles furent les différentes étapes pour établir la feuille de route ?
Dès le premier mois après ma prise de poste, j'ai mis en place des sessions de travail avec les équipes afin d'observer les forces et spécificités de Rakuten et pouvoir anticiper. Notre ADN est très différent de celui de nos concurrents du fait que nous appartenons à un groupe japonais. Dans un contexte économique particulier, il nous faut miser sur nos singularités afin de confirmer notre positionnement en France.
Comment définiriez-vous l'ADN de Rakuten ?
Trois éléments sont importants et spécifiques à notre modèle. Tout d'abord, l'offre que nous proposons est inédite, puisque nous offrons à la fois du neuf, de l'occasion et du reconditionné. Nous avons donc des concurrents sur chacun de ces secteurs, mais peu proposent une offre aussi large que la nôtre, qui répond pleinement aux besoins du consommateur. Par ailleurs, la notion d'économie circulaire est particulièrement forte chez nous : nous proposons systématiquement à chaque acheteur de revendre l'ancien modèle dont il disposait. Nous lui apportons directement ce service. La force de Rakuten repose également sur son modèle partenarial. Nous comptons 120 000 marchands avec lesquels nous travaillons main dans la main, puisque nous ne leur faisons aucune concurrence, ne vendant rien en direct. C'est une valeur ajoutée historique de Rakuten, puisque son fondateur, Hiroshi Mikitani, a dès le départ pensé cette plateforme comme un système de mise en relation entre marchands et vendeurs. Et cela fait à présent 25 ans que ça fonctionne.
Comment entretenez-vous la relation avec les marchands ?
Nous sommes dans une stratégie d'accompagnement de ces derniers. Nous les aidons avec des conseillers présents afin de les aider à trouver les meilleurs prix, sélectionner les modalités de livraison, etc. Même avec l'IA, notre plateforme reste humaine pour être au plus près des demandes de nos consommateurs très variés : du petit libraire d'occasion du coin à Carrefour ou Darty. Ce qui nous importe est de créer des partenariats de confiance sur le long terme, sans désintermédiation. Nous souhaitons les accompagner en leur donnant une stratégie d'empowerment.
Côté acheteurs, comment les fidélisez-vous ?
Nous souhaitons répondre à leurs préoccupations liées au pouvoir d'achat. En ce sens, nous avons mis en place le Club R : un système qui permet de reverser du cashback aux clients, leur redonnant ainsi du pouvoir d'achat. Nous leur restituons entre 5 et 35 % de ce qu'ils ont dépensé. Nous ne pouvons pas influencer les prix des marchands, mais nous pouvons aider nos clients à retrouver du pouvoir d'achat grâce à un financement que nous leur apportons. Il s'agit d'un pari très important que nous entreprenons avec le Club R, et nous allons même plus loin puisque le marchand peut également proposer ce service à ses clients. Pari audacieux mais qui démontre que nous nous sommes à l'écoute des besoins de nos utilisateurs.
Le consommateur actuel devient également exigeant concernant les réglementations contre la fraude, notamment...
Tout à fait, à court terme, nous devons prendre en compte la question du pouvoir d'achat. C'est notre rôle d'assurer une juste répartition des valeurs entre les différentes parties : client, marque, logisticien, etc. Tout le monde doit y trouver son juste coût. Mais en effet, de l'autre côté, la législation prend une place de plus en plus importante. Nous avons la chance d'être un groupe qui a pu s'y habituer depuis 24 ans.
Notre rôle est celui d'un tiers de confiance entre le client et le vendeur. Nous assurons donc une protection parfaite contre les contrefaçons et les produits dangereux. L'IA nous aide beaucoup aujourd'hui. Nous travaillons également avec les douanes et les marques en ce sens. Nous n'attendons pas la législation pour agir.
Nous nous devons de répondre au besoin de confiance de l'utilisateur et de le rassurer lors de ses achats. Nous insistons sur le fait que ce n'est pas parce qu'il s'agit d'un produit d'occasion que l'expérience client doit être dégradée. La confiance de nos utilisateurs sera notre valeur ajoutée sur le long terme. Nous n'attendons pas de nouvelles normes pour offrir de la transparence à nos utilisateurs.
Comment utilisez-vous l'IA actuellement ?
Nous avons une approche très pragmatique de celle-ci. Nombreux de nos collaborateurs sont des ingénieurs, ce qui nous offre la chance de développer des solutions maison. L'IA va nous aider dans la relation client en permettant de mettre en place de meilleures recommandations, plus pertinentes, mais aussi pour cataloguer nos 60 millions de références. Au sein du service client, nous avons développé deux IA bien spécifiques, l'une pour le client et l'autre pour le vendeur. Aujourd'hui, 80 % des demandes sont traitées via des bots. Cela nous permet non seulement de réaliser des économies, mais surtout d'offrir un meilleur service client, accessible à tout moment de la journée et de la semaine, et dans différentes langues. Pour accomplir tout cela, je mets un point d'honneur à travailler sur l'acculturation des équipes aux différentes intelligences artificielles. L'IA sera demain notre nouveau Word ou Excel.
Concernant les enjeux RSE auxquels sont également sensibles les consommateurs, comment y répondez-vous ?
Nous sommes signataires de la charte initiée par le gouvernement pour un e-commerce plus vert. Nous avons signé, le 4 mars dernier, la nouvelle charte d'engagements pour la réduction de l'impact environnemental. En matière de logistique, Rakuten France continuera de promouvoir des solutions de livraison écoresponsables, notamment le Click & Collect et la livraison en point relais, qui permettent de limiter l'empreinte carbone associée au transport. Enfin, une sensibilisation accrue des consommateurs aux impacts environnementaux des retours sera mise en place, en réduisant la mise en avant des retours gratuits et en communiquant sur leurs conséquences écologiques, tout en respectant le cadre du droit de rétractation. Nous avons également le label Emmaüs. Ce que nous souhaitons est de créer un modèle d'e-commerce plus inclusif. C'est pourquoi, nous organisons des journées portes ouvertes pour permettre à toute personne de découvrir nos métiers, donner l'accès à nos professions. Nos engagements en matière de responsabilité sociétale font partie de notre identité et s'avèrent importants d'un point de vue éthique et business.
Comment souhaitez-vous travailler avec le consommateur de demain ?
Pour le consommateur de demain, je souhaite veiller à ce que son achat s'effectue dans un cadre pérenne et sur le long terme. Les modèles proposant des produits à 3 euros au lieu de 20 euros ne sont viables pour personne. Il ne faut pas seulement regarder le produit que l'on achète, mais l'ensemble de la prestation. C'est cela que l'on offre à un client : une prestation avec une juste répartition de la valeur. Cela me tient à coeur.
Sur le même sujet : Paul Smaïl : "La lutte contre la contrefaçon est devenue une priorité absolue pour Rakuten France"
Darty s'associe à Rakuten France pour renforcer sa présence digitale
Sur le même thème
Voir tous les articles Interview