La logistique, l'indispensable corollaire d'une croissance vertueuse
Optimiser leurs processus logistiques pour limiter leur impact environnemental, des défis auxquels les retailers tentent de trouver des réponses élaborées avec leurs partenaires, au premier rang desquels figurent les transporteurs. Un chantier de longue haleine à coconstruire impérativement !
Je m'abonneMême si, en matière de consommation, deux tiers des émissions de CO2 proviennent de la fabrication du produit, le transport et la logistique restent responsables de 10 % à 20 % des émissions de gaz à effet de serre, selon la distance parcourue, le mode de transport ou type de produit. Une épine dans le pied douloureuse des commerçants, on et offline.
Être smart en fixant des objectifs atteignables
Le défi de la décarbonation du transport est pris très au sérieux par Brico Dépôt. L'enseigne de bricolage low cost est engagée auprès de Fret21 et de l'Ademe depuis trois ans. "Dès 2021, nous nous sommes fixé un objectif prudent qui était de réduire nos émissions carbone de 5 % pour la fin de l'année 2024", explique Olivier Brize, responsable des opérations logistiques de l'enseigne Brico Dépôt. Un objectif atteint et même dépassé. Trois ans après avoir pris cet engagement, l'enseigne a réduit de 12,4 % son empreinte carbone liée au transport de ses produits au premier semestre 2024. "Nous avons optimisé nos chargements et, conformément aux exigences de la charte Fret21, nous travaillons avec des transporteurs labellisés qui, eux-mêmes font des efforts en ce sens."
L'optimisation des plans de transport, pour éviter les trajets à vide entre les différents sites logistiques de l'enseigne, a ainsi permis à Brico Dépôt de réaliser 86 % d'économies d'émissions de carbone. L'utilisation de carburants plus respectueux de l'environnement comme le B100 à base de composants végétaux, a également contribué à réduire de 62 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) de l'enseigne. Enfin, une diminution de 45 % des émissions de carbone a été obtenue en mutualisant les livraisons vers les dépôts et en ayant recours au co-chargement des camions.
Des carburants plus vertueux pour les flottes d'avions
Les entreprises de transport sont par définition des émetteurs de CO2. Comme beaucoup d'acteurs de ce secteur, la stratégie de DHL Express s'inscrit dans une trajectoire bas carbone à l'horizon 2050 avec un jalon intermédiaire à 2030 où le groupe ambitionne de descendre au-dessous des 29 millions de tonnes de CO2. "Pour y parvenir, nous allons travailler aussi bien sur l'empreinte carbone de nos bâtiments que sur le transport routier et aérien. Depuis 2021, tous nos bâtiments neufs de plus de 1 000 m² doivent ainsi répondre à un cahier des charges extrêmement précis en matière d'isolation, d'éclairage, de récupération des eaux pluviales et de mise en place des panneaux photovoltaïques", explique Christelle Meckler, manager en charge de la satisfaction client chez DHL Express. Mais c'est au niveau de la flotte d'avions que le chantier est titanesque car l'avion représente 90 % des émissions carbone de l'entreprise. "Notre ambition est que d'ici 2030, le besoin en carburant de notre flotte soit comblé à hauteur de 30 % par un carburant durable pour l'aviation (SAF) produit à partir d'huiles usagées", précise-t-elle. Ce type de SAF provenant de déchets et de résidus permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre jusqu'à 80 % au cours de son cycle de vie par rapport au carburant à réaction classique qu'il remplace, réduisant ainsi l'empreinte carbone du transitaire international.
Pour les e-commerçants, la gestion des retours prend de plus en plus d'importance dans leur réflexion logistique. "Dans ce domaine, nous avons développé une vraie expertise. Nous proposons des services de reconditionnement, de nettoyage, de remise à neuf des produits afin d'optimiser les retours et de remettre un maximum d'articles dans le circuit", affirme Géraud Pellat de Villedon, directeur RSE du groupe ID Logistics. La société offre aussi des solutions de revalorisation via des réseaux de revente en seconde main ou de revalorisation de matières.
L'emballage en BtoC encore très lié à l'image de marque
Les efforts pour amoindrir l'impact environnement des emballages butent parfois sur des fondamentaux du retail. "L'emballage est un vecteur essentiel de la relation client, en particulier dans l'univers du BtoC où il est plus difficile de promouvoir l'usage de cartons de seconde vie que dans le BtoB, plus ouvert à cette possibilité", note l'expert.
Même souci de la massification et de la densification chez le groupe Sterne. "Hormis dans quelque cas très exceptionnel, il ne peut y avoir de véhicules sur les routes pour un seul client. Au contraire, nous les massifions, nous augmentons la densité de points sur la même tournée, l'objectif étant de limiter les kilomètres parcourus entre chaque point", déclare Loïc Chavaroche, directeur RSE du groupe Sterne. Pour sa clientèle BtoB, le groupe, expert en reverse logistics, va jusqu'à déposer les pièces détachées dans le coffre de voiture du technicien, pendant que ce dernier dort tranquillement. "Avec ce système, nous avons réussi à faire économiser 6 tonnes d'équivalent CO2 à un de nos clients ascensoriste", note fièrement le directeur RSE.
Plus de stratégie, moins de vitesse : demain, une logistique (plus) douce ?
Fabien Jouvet est président du groupe Skipper, un logisticien présent sur les segments BtoB et BtoC. La société exploite neuf plateformes en Drôme-Ardèche, un site à Paris et deux hubs outre-Atlantique à Atlanta en Géorgie. "Le secteur de la logistique est confronté depuis 30 ans à une course à l'échalote effrénée pour livrer toujours plus vite, mais je sentais arriver un virage écologique dans mon métier", observe Fabien Jouvet, convaincu de la nécessité "de massifier et ralentir les flux". Un des piliers de la slow logistique est lié à la gestion des emballages. Il faut faire moins de colis, mieux les remplir et utiliser des matériaux bio et écosourcés. Des colis consignables et recyclables sont aussi un bon levier pour réduire l'empreinte environnementale du conditionnement.
Autre axe majeur d'optimisation : le transport, bien évidemment. "Si nous remplissons mieux nos camions, cela nous permet d'en mettre moins sur les routes. L'utilisation de carburants alternatifs comme le biogaz et le développement de l'électrique contribuent à alléger la note carbone. Sur de nombreuses destinations, nous arrivons ainsi à opérer un service en "full green", ajoute le patron de Skipper. Côté carburants moins polluants, Skipper utilise souvent du XTL, un carburant alternatif permettant d'abaisser jusqu'à 80 % l'impact CO2. Le XTL pour "X to Liquid" est un agrocarburant paraffinique de synthèse produit à partir de sources non pétrolières, via l'hydrogénation d'huiles végétales, par exemple. Il a l'avantage de pouvoir être utilisé avec tous les camions à moteur diesel.