Economie circulaire : place au consommateur-entrepreneur
Six Européens sur 10 (59%) déclarent acheter autant, tout en réduisant leurs déchets, en veillant à revendre, donner ou garder plus longtemps au lieu de jeter.
Je m'abonneLe Baromètre européen de l'Observatoire Cetelem montre un regain d'optimisme chez les Européens. Sur une échelle de 1 à 10 pour décrire la situation générale actuelle de leur pays, la note moyenne s'établit à 5,4, le plus haut score depuis 15 ans, même si des disparités notables demeurent entre pays du Nord et du Sud. La France (5,5/10), l'Espagne (5/10) et le Royaume-Uni (5,9/10) enregistrent la plus forte progression (+1,1 point). Le rebond est encore plus significatif concernant l'appréciation de leur situation personnelle. La note au niveau européen s'établit à 6,2/10, un niveau jamais observé depuis la création du baromètre il y a plus de 20 ans. En France, elle est légèrement au-dessus à 6,3/10 (+0,4 point). La crise sanitaire avait engendré un net recul de l'envie de dépenser au détriment d'une volonté d'épargner. En 2022, les intentions de dépenses retrouvent leur niveau d'avant pandémie, avec 41% (+7 points) des sondés qui déclarent vouloir augmenter leurs dépenses dans les 12 prochains mois.
Les Européens envisagent de dépenser plus en voyages et en loisirs (57%), c'est la plus forte hausse des intentions d'achat (+10 points). Les autres plus fortes progressions confirment la volonté des Européens enregistrée l'an dernier de privilégier leur intérieur, leur confort, l'aménagement de leur lieu de vie, signes de l'impact de la pandémie sur un recentrage personnel et familial. Les travaux d'aménagement et de rénovation (+3 points), l'achat de meubles (+ 3 points) et l'acquisition de produits électroménagers (+2 points).
À l'inverse des envies de dépenses, les intentions d'épargner se stabilisent d'une année sur l'autre, tout en restant souvent significativement supérieures à celles d'avant la crise sanitaire (+15 points en France entre le Baromètre 2019 et 2022). 54 % des Européens (44% des Français) entendent ainsi augmenter leur épargne. L'inquiétude et le besoin d'anticiper d'éventuels lendemains qui déchantent sont donc toujours dans l'air du temps.
Au niveau du pouvoir d'achat, si 34% des Européens considèrent qu'il a diminué en 2021, ils sont 45% à considérer qu'il est resté stable d'une année sur l'autre. Dans tous les pays, il y a une progression du sentiment que leur pouvoir d'achat a augmenté, c'est particulièrement notable en Suède et en Espagne (+7 points), en Belgique et Italie (+6 points).
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La France est LE pays où l'évolution positive du pouvoir d'achat est la moins sensible (+1 point) avec seulement 14% de Français qui considèrent que leur pouvoir d'achat a augmenté mais en hausse de 4 points par rapport à l'avant crise.
Relié à la question du pouvoir d'achat, le sentiment d'augmentation des prix connaît une importante croissance : 87% des Européens (+17 points) estiment que les prix ont nettement augmenté en 2021.
L'économie circulaire, un concept et des usages qui se développent fortement
Si le concept d'économie circulaire parle à près de 7 Européens sur 10 (64%), seulement un quart (25%) d'entre eux voit précisément ce dont il s'agit. L'image de l'économie circulaire est favorablement très positive : 80% des Européens en ont une bonne image, un chiffre qui atteint les 82% en France. Elle est associée à l'impact positif pour l'environnement (85%), louée pour sa capacité d'innovation (82%) et celle de créer des emplois (75%). Seulement 35% des Européens jugent l'économie circulaire comme un effet de mode, au contraire des Français (52%).
Les Européens déclarent mettre en pratique les trois R de l'économie circulaire : réduire, réutiliser, recycler. Le tri des déchets, et plus largement le recyclage, est la pratique qui mobilise le plus les Européens : plus de 6 d'entre eux sur 10 (65%) s'y adonnent régulièrement. La réduction des déchets est elle aussi souvent pratiquée (46%). Dernier des R mis en pratique, la réutilisation des produits, à travers leur vente, leur don ou leur réemploi, mobilise régulièrement 43% des Européens.
36% des Européens estiment que l'économie circulaire est développée dans leur pays, soulignant une évolution positive et vertueuse. Nord et Sud de l'Europe ont une perception différente de l'implantation dans leurs pays. Un Britannique (51%) et pratiquement un Norvégien sur deux (45%) affirment constater un développement, alors qu'au Sud on peine à l'observer. La France se place quant à elle entre ces deux pôles (39%).
Le consommateur-vendeur, entrepreneur de sa consommation
Six Européens sur 10 (59%) déclarent acheter autant, tout en réduisant leurs déchets, en veillant à revendre, donner ou garder plus longtemps au lieu de jeter. Ce chiffre est de 56% chez les Français. Derrière cette attitude, il faut sans doute voir une volonté de ne se placer ni dans le sens de la surconsommation, ni de la déconsommation, mais plutôt d'adopter un comportement qui puisse à la fois conjuguer la satisfaction personnelle et la responsabilité collective.
Si gagner plus d'argent constitue le "yin" de l'économie circulaire, dépenser moins en compose à l'évidence le "yang", avec 75% des Européens (75% également des Français) qui se placent dans cette perspective. A noter que 83% des plus de 50 ans envisagent de dépenser moins contre seulement 65% des moins de 35 ans.
Concernant les raisons qui poussent les consommateurs à acheter des produits d'occasion, c'est à 52% pour réaliser des économies (55% des Français). Préserver les ressources et l'environnement (36%) et accroître ou diversifier sa consommation (29 %) sont les raisons évoquées ensuite. Que devient cet argent " économisé " ? Il sera épargné à 52%, le reste sera consacré à l'achat d'autres produit (48%). Plus précisément, pour ceux qui le dépensent, pour acheter quelque chose dont ils ont besoin pour dans le quotidien (29%), pour maintenir ou améliorer leur confort de vie (71%).
Vendre des produits devient une pratique courante : 6 Européens sur 10 (62%) déclarent avoir vendu des biens d'occasion au cours de l'année, cette proportion s'élevant même à pratiquement 8 sur 10 (77%) pour les moins de 35 ans. Le revenu mensuel moyen tiré de la vente de produits d'occasion est de 77€ en moyenne en Europe, un complément de revenus non négligeable. Et les disparités s'affirment. La césure générationnelle est très marquée : dans le détail, c'est 103€ chez les 18-34 ans, 86€ chez les 35-49 ans et 42€ chez les 50-75 ans. En effet, 6 Européens sur 10 âgés de plus de 50 ans donnent des produits au lieu de les vendre. Les disparités géographiques sont fortes : alors que les Hongrois, les Tchèques et les Slovaques engrangent des revenus supplémentaires inférieurs à 40€, cette somme est quasiment triplée pour les Allemands et surtout les Britanniques, avec 115€. En France, le montant est de 67€.
Deux principales raisons sont invoquées pour vendre des produits d'occasion : " faire de la place chez soi " et " générer des revenus complémentaires " (39% chacune) sachant que les plus de 50 ans vont nettement privilégier le premier item (46%).
Qui aura la main sur le futur de l'économie circulaire ?
Jusqu'alors, l'économie, et plus précisément les échanges commerciaux entre ses différents acteurs, définissait avec une certaine clarté les rôles attribués à chacun. Cette étude met en évidence une redéfinition des rôles, avec l'affirmation d'un consommateur-vendeur qui devient entrepreneur de sa consommation. Dans ce contexte, les marques et les enseignes disposent de nombreux atouts pour séduire ces mêmes consommateurs, les garanties en matière de durabilité et de réparabilité, tout comme leur potentiel d'innovation s'imposant comme les plus efficaces.
Aux yeux des Européens, les tenants "historiques" de l'offre y tiennent un rôle conséquent, sans que cela soit vraiment prépondérant. 57% estiment que l'économie circulaire relève d'abord de produits proposés par les marques et les enseignes. Les moins de 30 ans sont plus enclins à souligner le rôle des particuliers notamment par l'entreprise des plateformes (48% vs 43% pour la moyenne globale). Avec l'économie circulaire, le jeu de la concurrence sera tout aussi intense qu'avec l'économie linéaire. C'est particulièrement le cas quand il s'agira d'acheter. En effet, les Européens déclarent qu'ils feront l'acquisition d'un bien d'occasion autant auprès d'une enseigne ou dans un magasin que sur une plateforme d'échanges entre particuliers (41% et 39%).
La perception de l'engagement des marques par les consommateurs est contrastée : le fait de reprendre les produits usagés pour leur donner une seconde vie est pour 82% un engagement des marques envers l'environnement. Pour 78% c'est une manière de se distinguer sur leur marché. Mais pour 77%, c'est une opportunité de faire encore plus de bénéfices. 86% s'accordent sur le fait qu'il s'agit d'une démarche innovante permettant de de recycler, réutiliser, et concevoir des produits.
Si 3 Européens sur 4 demeurent attachés à la possession, 70% sont prêts à payer plus cher si les indices de réparabilité et de durabilité figurent sur les produits et 4 sur 10 (41%) ont déjà acheté un produit reconditionné. L'économie circulaire est porteuse de promesses et ouvre sur une potentielle transformation structurelle de la consommation. Sa notoriété et ses pratiques ne cessent de se développer. Les marchés qui lui sont liés connaissent pour certains une croissance fulgurante. Les acteurs qui l'animent ont tous un rôle actif à y jouer. Si une légère majorité (38 %) des Européens pense que les nouveaux acteurs, spécialisés dans la seconde main, sont les mieux placés pour incarner ce futur, une proportion quasi identique (34 %) juge que les marques et les enseignes traditionnelles peuvent aussi le dessiner.
Méthodologie :
Les terrains de l'enquête consommateurs quantitative ont été conduits par Harris Interactive du 5 au 19 novembre 2021 dans 17 pays : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Danemark, Espagne, France, Hongrie, Italie, Norvège, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie et Suède. Au total, 15 800 personnes ont été interrogées en ligne (mode de recueil CAWI). Ces personnes âgées de 18 à 75 ans sont issues d'échantillons nationaux représentatifs de chaque pays. La représentativité de l'échantillon est assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, région d'habitation et niveau de revenus/CSP). 3000 interviews ont été réalisées en France et 800 dans chacun des autres pays.