Une étude révèle la valeur cachée des commerces de proximité
Une étude nationale vient de confirmer ce que beaucoup soupçonnaient déjà : les commerces de proximité apportent bien plus qu'une simple activité économique à nos territoires. Le projet de recherche-action EXCOM, mené par Paris Commerces, Datactivist et Altavia Foundation, avec le soutien de la Métropole Rouen Normandie et de partenaires du secteur de l'urbanisme, révèle l'ampleur des bénéfices non-marchands générés par ces acteurs du quotidien.

Sont-ils des gardiens de la cohésion sociale ? Il se pourrait bien à en croire les résultats de l'étude menée par recherche-action EXCOM (en collaboration avec Paris Commerces, Datactivist et Altavia Foundation). Les chiffres sont parlants : 93 % des commerçants entretiennent des discussions personnelles avec leurs clients, dont 70 % au moins une fois par semaine. Plus surprenant encore, 60 % d'entre eux ont déjà accueilli des personnes en situation d'insécurité dans leur établissement, et 45 % interviennent immédiatement face à un incident dans l'espace public.
Des rôles singuliers
L'enquête démontre que les commerces indépendants - représentant 89 % des répondants - jouent six rôles "informels" essentiels au-delà de leur fonction commerciale première :
- Animateurs de lien social : 93 % des commerces ont des discussions personnelles avec leurs clients, pour près de 7 commerçants sur 10 ces échanges ont lieu au moins une fois par semaine. De plus, 72 % prennent le temps d'expliquer plusieurs fois par jour leurs produits et 47 % organisent annuellement des moments collectifs.
- Piliers de la solidarité locale : 78 % des commerces sollicités par des personnes en situation de précarité apportent une aide comme l'accès aux toilettes, à l'eau et le don de nourriture. 44 % orientent vers des aides extérieures. 23 % des commerçants participant à l'enquête sont interpellés au moins une fois par semaine par des personnes dans le besoin.
- Moteurs de la vie de quartier : Les commerces de proximité sont des piliers essentiels à la construction d'une communauté locale dynamique et attrayante : 96 % rendent service à leurs confrères commerçants, 70 % apportent leur soutien aux habitants locaux, et 43 % participent à l'organisation d'événements de quartier.
- Garants de la santé et de la sécurité : 45 % réagissent immédiatement en cas de situation d'insécurité, et plus de 80 % ont déjà fait face à des urgences. 60 % des commerçants ont déjà eu affaire à des citoyens en insécurité qui se réfugient dans leur commerce.
- Acteurs engagés pour l'environnement : 71 % ont mis en place des initiatives pour réduire leur consommation d'eau et/ou d'électricité, tandis que 88 % agissent pour diminuer les déchets et 39 % sensibilisent leurs clients sur le sujet de l'environnement au travers de discussions informelles.
- Contributeurs à l'espace public : 77 % participent à des projets d'embellissement et 70 % assurent un nettoyage régulier des abords de leur commerce (au moins une fois par semaine). Enfin, 59 % des commerçants ont déjà interpellé les services techniques de la mairie pour signaler une dégradation ou du matériel public défectueux.
"Un résultat frappant de l'enquête est que ces effets se manifestent sur tous les types de territoires : grandes métropoles, petites villes, territoires ruraux... Partout les commerces ont un rôle de ciment social. Bien sûr, tous les commerçants contribuent différemment à l'amélioration du cadre de vie, et à des degrés divers, mais partout ils apportent collectivement à leur rue, leur quartier et ses habitants." indique Elise Ho-Pun-Cheung, chercheuse en sciences politiques chez Datactivist, rattachée au laboratoire Mésopolhis.
Une contribution économique invisible mais substantielle
L'originalité de l'étude EXCOM réside dans sa tentative de quantifier économiquement ces externalités positives. Dans une ville de 1 000 commerces, si 20 % d'entre eux consacrent seulement 10 minutes quotidiennes à une veille sécuritaire informelle, ils créent une valeur théorique de 414 000 euros annuels. De même, si 15 % des commerçants nettoient leur devanture 15 minutes par jour, ils contribuent à l'entretien urbain à une hauteur théorique de 467 000 euros par an.
Des chiffres qui entrent en résonance avec ceux publiés par la Direction Générale des Entreprises en février 2025, qui estimait déjà à 1,2 milliard d'euros la contribution "invisible" des commerces indépendants à l'économie française, via des services non facturés et des actions civiques spontanées.
Un simulateur pour objectiver cette valeur cachée
Face à ces résultats, les porteurs du projet EXCOM annoncent le lancement imminent d'un simulateur permettant de mesurer l'impact économique des commerces en chiffrant les mises en équivalence dans divers domaines comme la lutte contre l'isolement, la propreté urbaine ou la sécurité.
Cette initiative arrive à point nommé alors que, selon la Confédération des Commerçants de France, près de 15 000 commerces indépendants ont disparu en 2024, principalement dans les villes moyennes et les zones rurales.
Méthodologie
Entre avril et novembre 2024, 324 réponses ont été recueillies au niveau national, avec une diffusion en ligne complétée par des rencontres sur le terrain à Paris, Saint-Ouen, Marseille et dans la Métropole de Rouen. 89 % des commerçants interrogés sont indépendants et plus de deux tiers ont au moins un salarié.
L'échantillon de l'enquête a été déterminé en fonction d'une population de 300 000 commerces en France (source : https://www.insee.fr/fr/statistiques/4474959), avec une marge d'erreur de 5 % et un intervalle de confiance de 90 %. Une variabilité des réponses au sein de l'échantillon qualifiée de plutôt faible. Au total, plus de 500 commerçants ont été rencontrés grâce à au projet de recherche-action EXCOM, en combinant les entretiens en face-à-face et les questionnaires, dont certains ont répondu deux fois.
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