[Tribune] E-commerçants : comment lutter efficacement contre la fraude
Le montant des impayés bancaires sur les sites marchands français s'élevait à 125 millions d'euros l'an dernier. Soit 14% de plus qu'en 2012 et deux fois et demi de plus qu'il y a cinq ans.
Je m'abonneLe montant des impayés bancaires sur les sites marchands français s'élevait à 125 millions d'euros l'an dernier. Soit 14% de plus qu'en 2012 et deux fois et demi de plus qu'il y a cinq ans. En dépit de ces chiffres alarmants, les solutions actuellement mises en oeuvre par les e-marchands pour lutter contre la fraude s'avèrent relativement inefficaces et suscitent quelques interrogations.
Ainsi, quelles sont les solutions les plus courantes qui permettent de se prémunir contre la fraude? Peut-on se protéger des fraudeurs sans sacrifier l'expérience client? Et tout en maitrisant les coûts opérationnels? L'externalisation est-elle une solution? Si oui, quels en sont les avantages? L'entreprise TELUS International, qui est spécialisée dans le domaine des centres de contacts et du management de la fraude, tente de répondre à ces questions.
Des chiffres préoccupants
Dans un livre blanc intitulé " La lutte contre la Fraude vue par les e-marchands ", la Fevad (Fédération de la Vente à Distance) nous enseigne que les e-commerçants et les banques ne calculent pas le taux de fraude de façon identique. Ce livre blanc, paru en 2013, nous apprend en effet que les e-commerçants ne comptabilisent pas les tentatives de fraude lorsque celles-ci sont détectées avant la livraison du produit. Au contraire, la Banque de France comptabilise quant à elle ce type de transactions.
L'Observatoire de la Sécurité des Cartes de Paiement indique que le montant des fraudes en 2013 s'élève à 125 millions d'euros. Or, le montant en question ne se réfère qu'au montant des impayés bancaires - et non au montant total des pertes financières subies par les e-commerçants, qui est en réalité beaucoup plus élevé.
Le montant des pertes financières n'est toutefois pas connu avec précision en France. Ce que nous savons, en revanche, c'est que les e-commerçants français parviennent à bloquer, en moyenne, plus de 90% des tentatives de fraude. Cette estimation est confirmée par FIA-NET, dans un livre blanc paru en juin 2014. L'entreprise nous indique qu'il existerait 3,83% de tentatives de fraude pour 0,14% d'impayés.
Des coûts opérationnels importants et une expérience client dégradée
On constate que la " fraude organisée ", qui est également communément désignée par les expressions " fraude professionnelle ", ou " industrielle " représente, en valeur, la majeure partie des fraudes dont les e-commerçants français sont victimes.
Ces fraudeurs intensifient habilement leurs attaques pendant les périodes de l'année où les e-commerçants sont les plus fragiles : notamment lorsque ceux-ci doivent gérer les contextes opérationnels les plus difficiles, dont les périodes de fêtes et de soldes. Pour faire face à cette fraude organisée qui agit de manière adroite et ciblée, les e-commerçants mettent généralement en oeuvre quelques mesures préventives.
Au rang des solutions les plus courantes, on recense l'analyse manuelle d'un nombre plus important de commandes (jusqu'à 40% dans certains cas) ; la procédure systématique de demande de justificatifs de la part des clients (jusqu'à 10% des commandes) ; et l'augmentation de la part des transactions traitées en 3D Secure.
Néanmoins, la mise en oeuvre des solutions que nous venons d'énoncer entraîne à la fois des coûts supplémentaires pour le e-marchand ainsi qu'une expérience client parfois dégradée. Ainsi, le client a parfois l'impression de réaliser un véritable parcours du combattant avant de pouvoir se procurer le produit ou le service commandé, ce qui nuit à l'image de la boutique en ligne et dissuade même certains clients d'aller jusqu'au bout de l'achat, comme l'illustre l'infographique disponible à la fin de cet article.
Les tendances observables
Nous observons actuellement que deux catégories d'e-commerçants français se distinguent en matière de lutte contre la fraude. La première catégorie, qui est la plus répandue, a recours aux mesures de prévention que nous avons citées précédemment. Celles-ci permettent de lutter contre la fraude de façon ponctuelle et discontinue. La seconde catégorie compte en revanche en son rang les e-commerçants qui se sont engagés dans la mise en oeuvre d'une stratégie réfléchie et plus globale.
Cette seconde catégorie d'e-marchands ne se focalise pas uniquement sur la réduction des pertes financières dues à la fraude, mais intègre également les éléments suivants : impact sur le taux de transformation ; coût opérationnel du processus (coût de gestion des impayés inclus) ; et risques encourus en matière de notoriété et d'image (notamment par le biais des réseaux sociaux).
Selon nous, seule une stratégie de lutte contre la fraude qui prend en compte chaque phase du processus peut s'avérer efficace à long-terme. Cette stratégie doit ainsi intégrer chacune des étapes suivantes : ce qui se produit avant le paiement ; pendant le paiement ; après le paiement ; et, enfin, au cours de la phase d'investigation. Il appartient ensuite au e-marchand de définir des indicateurs de performance cohérents sur l'ensemble des étapes du processus, afin d'établir un premier diagnostic et de fixer les objectifs à atteindre.
Cette compréhension approfondie du processus de lutte contre la fraude permet aux e-commerçants d'évaluer la réelle valeur ajoutée apportée par la mise en place d'une solution plutôt qu'une autre. Pourtant, beaucoup d'e-marchands pensent encore pouvoir trouver une solution " miracle " sur le marché, sans avoir défini une stratégie claire au préalable.
Dès lors, il est important de faire la différence entre le choix d'une stratégie de lutte contre la fraude et le choix des solutions internes ou externes qui permettront l'exécution de cette même stratégie.
L'externalisation est-elle la solution?
De plus en plus d'e-commerçants réalisent qu'une lutte efficace contre la fraude peut parfaitement être menée de front en harmonie avec l'amélioration de l'expérience client et la diminution des coûts opérationnels. Il n'y a pas, en effet, d'incompatibilité et encore moins de contradiction entre ces trois démarches.
Lire aussi : Pierre-Yves Marteau (Camif) : "Nous travaillons exclusivement avec des partenaires français et européens"
Pour ce faire, les e-commerçants français qui souhaitent confier leurs processus de lutte contre la fraude à un partenaire externalisé sont de plus en plus nombreux. Les raisons qui incitent ces entreprises à envisager l'outsourcing sont multiples. Le besoin d'être accompagné dans la conception de la stratégie de lutte contre la fraude est un élément souvent décisif. Les sociétés comme TELUS International ont développé leur propre méthodologie, afin de comprendre la situation du e-commerçant et de mettre ainsi en oeuvre une stratégie cohérente et personnalisée sur l'ensemble des processus.
Une raison supplémentaire qui encourage les e-commerçants à envisager l'externalisation est le besoin d'une solution " one-stop-shop ", qui allie l'utilisation des meilleures technologies disponibles sur le marché (plateforme de détection temps réel, big data, analyse prédictive) ; des capacités d'externalisation de certaines activités (permettant notamment d'éviter d'abandonner des zones mal protégées) ; un accompagnement permettant d'accéder à un savoir-faire réactualisé et un auto-apprentissage continu ; et enfin, les indispensables homologations aux réglementations en vigueur (niveau PCI DSS 1 et ISO 27000, notamment).
Préconisations
Pour les e-commerçants, la clé du succès en matière de lutte contre la fraude repose plus que jamais sur le triptyque suivant: posséder un taux de protection efficace ; tout en parvenant à réduire les coûts opérationnels et en améliorant l'expérience client. Sur la base de notre expérience, l'externalisation constitue à la fois le moyen le plus rapide et le plus efficace pour atteindre ces trois objectifs.
Dans l'univers du commerce électronique, le management de la fraude est en train de devenir un métier à part entière. Désormais, les e-marchands n'hésitent plus à confier cette activité spécifique à des entreprises spécialisées, puisque celles-ci possèdent à la fois les ressources, l'expertise, les outils, les méthodologies ainsi qu'une expérience précieuse de la lutte contre la fraude - bâtie au fil du temps, en travaillant au service d'autres e-commerçants.