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DossierCrise sanitaire: quelle incidence sur les acteurs du paiement?

Hausse du paiement sans contact, retard dans l'authentification forte des paiements, adaptation des services: les e-marchands, banques et prestataires de paiement voient leur feuille de route bouleversée.

Publié par Stéphanie Marius le
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Crise sanitaire: quelle incidence sur les acteurs du paiement?

1 Les effets de la crise sanitaires sur le paiement en espèces et la DSP2

Une petite révolution s'est jouée dans l'univers du paiement à l'occasion de la crise liée au Covid-19: 78%(1) des transactions par carte bancaire sont désormais sans contact. Le groupement GIE CB, Mastercard et Visa relèvent le plafond des paiements sans contact dans de nombreux pays (42 pour Mastercard). "L'augmentation des plafonds répond à la volonté de digitaliser les paiements pour éviter d'utiliser des espèces et rassurer les clients sur les bénéfices du sans contact, affirme Frédéric Loos, Chief Merchant Officer de Worldline Global. Ce dernier a été mis en avant comme une bonne pratique par l'OMS. Le plafond a été relevé dans quasiment tous les pays d'Europe."

Selon une étude consommateurs publiée par Mastercard(2), plus de la moitié (51%) des Français recourt moins aux espèces depuis la pandémie. De même, 64% des Européens (57% des consommateurs français) affirment qu'il s'agit désormais de leur mode de paiement préféré en magasin. En France et au Royaume-Uni, le plafond passe de 30 à 50 euros (ou équivalent), tandis que la Suisse l'élève de 40 à 80 francs (37 à 75 euros). Le risque, en cas d'usage frauduleux, est assumé par Visa ou Mastercard, et non par l'e-marchand. Le cumul de paiement avant de devoir réaliser une transaction avec contact demeure à 150 euros en France. Autre méthode sans contact plébiscitée, les titres repas électroniques autorisent désormais une dépense de 38 euros journaliers, contre 19 auparavant.

Du côté des prestataires de paiement, il est devenu urgent d'élaborer de solutions dédiées à la mobilité pour leurs clients retailers: "Plusieurs d'entre eux possédaient seulement des terminaux de paiement sur un comptoir, nous en avons équipé certains gratuitement d'un terminal mobile", indique Frédéric Loos (Worldline Global). L'entreprise, à l'origine du rachat de la société cotée en Bourse Ingenico (spécialisé dans les terminaux de paiement en magasin), annoncé au mois de février et prévu après l'été, devrait ainsi se renforcer sur le service aux retailers physiques et aux banques.

Une avancée concurrencée par le paiement mobile, développé par les banques. En effet, selon Le Parisien/Aujourd'hui en France, BNP Paribas, en partenariat avec Thales, devrait être la première banque française à déployer une solution permettant de s'affranchir du plafond de 50 euros. Les nouvelles cartes nécessiteront que le client s'identifie via son empreinte digitale avant de réaliser le paiement. 10000 cartes devraient être émises à l'automne.

2 Et la DSP2?

Autre effet de la crise sanitaire, la montée en charge progressive de l'authentification forte en Europe, en lien avec la DSP2 (directive sur les services de paiement), prend du retard. Prévue jusqu'au 31 décembre 2020 par la Banque de France, la généralisation de cette mesure est repoussée de six mois au Royaume-Uni (14 septembre 2021). "Aujourd'hui, tous les acteurs s'accordent à dire qu'il faudrait une période de décalage, au vu des événements qui se sont déroulés. La Banque de France semble d'accord avec cela. Mais rien n'a été fait côté Commission européenne", juge Nicolas Engel, Director CyberSource Global Services (spécialiste de la sécurité des paiements).

Des tests sont menés, cependant, par les grands e-commerçants avec certains émetteurs, pour s'assurer que tout fonctionne bien. "Cela a déjà permis d'améliorer les outils et les serveurs: nous avions constaté que les traitements étaient un peu plus longs sur la nouvelle version que sur l'ancienne, ajoute Nicolas Engel. Nous comptons aujourd'hui environ 30% de transactions donnant lieu à un 3D Secure." Selon l'expert, certains e-commerçants de taille importante n'imposent toujours pas le 3D Secure à leurs clients (ou pas systématiquement) car ils possèdent des outils de gestion de la fraude qui leur permettent de conserver un taux acceptable, en dessous des radars des schemes (Visa, MasterCard) et des banques. L'un des projets phares de prestataires de paiement est ainsi la gestion des exemptions (paiements récurrents d'une même personne pour un même bien ou service, par exemple, jugés peu risqués). CyberSource Global Services travaille ainsi sur un outil permettant aux clients de gérer la demande d'exemption et l'optimisation du parcours. La sortie est prévue pour le mois de septembre.

Enfin, le "soft decline" (ou "rejet progressif"), permet aux banques émettrices, depuis le 31 mars, de ne pas refuser d'autoriser la transaction lorsque l'e-marchand n'a pas authentifié fortement son client. Il lui est simplement demandé de le faire afin que la transaction soit validée. Pour l'heure, seules 100 transactions par jour sont concernées environ. "Cela permet de tester la partie technique et d'inciter les marchands à migrer sur le 3D Secure, rassure Nicolas Engel. C'est un souhait de la Banque de France. Le soft decline sollicite la chaîne de bout en bout et aide à vérifier que l'ensemble de l'environnement technique soit prêt à recevoir le nombre voulu de transactions. Cela disparaîtra dès lors que la DSP2 sera pleinement appliquée. Le but n'est pas de rajouter un frein pour pénaliser l'économie!"

(1) Source: Mastercard Data Warehouse

(2) étude consommateurs menée en mai 2020 par Mastercard dans 8 pays d'Europe (Royaume-Uni, Espagne, France, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Pologne et Russie)

Les acteurs du paiement travaillent à de nouvelles solutions pour faciliter le paiement sans contact, tandis que la généralisation de l'authentification forte est retardée.

3 Stripe adapte son offre aux défis des marchands

Un exemple de bascule de vos services vers le commerce local?

Un peu partout, des initiatives ont vu le jour pour aider les petits commerces à vendre en ligne, la plupart s'appuyant sur Stripe pour la brique de paiement. L'un de nos clients, Wishibam, fournisseur de solutions de marketplaces à destination de grandes galeries commerciales, a ainsi opéré une transformation en moins de deux semaines à destination des commerces de proximité. Wishibam s'est notamment appuyé sur notre solution Stripe Connect. Les marchands qui se sont portés sur Wishibam réalisent désormais entre 10 et 30% de leur chiffre d'affaires en ligne. C'était inespéré.

Quels enseignements tirez-vous de cette crise?

La crise a validé plusieurs de nos hypothèses. Premièrement, n'importe quelle entreprise a vocation à basculer son activité en ligne dans un avenir proche. Il est donc critique pour nous de proposer un produit rapidement implémentable. Par ailleurs, Stripe a depuis longtemps fait le pari que la croissance du secteur passerait par des modèles économiques complexes (places de marché, abonnement...) avec Stripe Connect et Stripe Billing, nos solutions sur étagère pour les plateformes ou les entreprises qui nécessitent des paiements récurrents.

Quels sont vos objectifs d'ici à la fin de l'année?

Concrètement, nous concentrons nos efforts sur le lancement rapide de nouveaux produits en France. Nous accélérons aussi notre internationalisation. Nous permettons aux entreprises d'unifier leur infrastructure de paiement dans plus de 39 pays aujourd'hui. Stripe a levé il y a quelques semaines 600 millions de dollars.

Guillaume Princen, dg Europe Continentale de Stripe, revient sur les défis posés à l'entreprise et sur ses opportunités de croissance post-crise.

4 Checkout bat des records

Sur quels nouveaux produits travaillez-vous?

Nous pensons que les entreprises méritent de meilleurs services financiers et tout commence par les paiements. Jusqu'à présent, nous nous sommes concentrés sur la création d'un produit rentable. Il s'agit de permettre à des marques connues d'accepter les paiements de leurs clients dans plus de 150 devises, sur tous les principaux systèmes de cartes (Visa, MasterCard et Amex) ainsi que sur les méthodes de paiement locales les plus courantes. Notre prochaine solution de paiement de pointe permet aux entreprises de redéfinir la relation avec les consommateurs. Elle présente un intérêt particulier pour les entreprises fintech et les marchés de biens ou de services. Nous avons toujours travaillé main dans la main avec les sites marchands pour développer des solutions qui répondent à des problèmes réels et la fonctionnalité des paiements a été constamment citée comme problématique pour eux. Notre nouveau produit conservera la même granularité et la même fiabilité des données.

Comment Checkout a-t-il été affecté par la crise sanitaire et économique? Comment l'entreprise a-t-elle réagi?

Nous avons été plus occupés que jamais. La pandémie a accéléré les tendances que nous avions déjà observées au moment du passage au commerce en ligne. Le confinement à l'échelle mondiale a accéléré la croissance de Checkout.com car les entreprises ont rapidement basculé vers le commerce en ligne et se sont exclusivement concentrées sur les paiements en ligne. Entre mai 2019 et mai 2020, nous avons constaté une augmentation de 250% des transactions en ligne sur Checkout.com. Cela signifie que nous avons la chance de ne pas devoir licencier ou réduire nos équipes. En fait, depuis le début de la pandémie, nous avons embauché 177 personnes dans l'entreprise et 90 postes supplémentaires sont encore à pourvoir partout dans le monde.

Malgré le contexte international, le fournisseur de paiement Checkout.com boucle une levée de fonds record de 150 millions de dollars (environ 133 millions d'euros), consacrée notamment au développement d'un nouvel outil de paiement. Le point avec Jean-Marc Nourel, dg France de Checkout.

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