[Témoignage] Récit du lancement de My Web'Art, une plateforme internationale de ventes d'art en ligne
Bianca Hutin, jeune femme de 27 ans, a lancé en janvier dernier une plateforme premium de vente d'oeuvres d'art, My Web'Art, basée à Hong Kong. Son ambition est de bousculer le marché de l'art et de faire de son site une référence incontournable. Entretien inspirant...
Je m'abonneQuel a été votre parcours universitaire et professionnel ?
Après mon baccalauréat, je suis partie faire mes études supérieures à l'étranger : à Sydney où j'ai effectué un Bachelor business, puis un Master de marketing et communication à Madrid. À la fin de mes études, j'ai travaillé durant deux ans pour la maison de ventes aux enchères Sotheby's dans le département relations publiques et communication, puis chez LVMH pour la marque Christian Dior dans le même département, à Madrid. Je suis rentrée en France en 2011 où j'ai exercé dans une agence de communication culturelle.
Comment vous est venue l'idée de créer My Web'Art ?
En 2010, pendant mon Master en communication, j'ai monté pour l'un de mes cours le projet My Web'Art, soit le lancement d'une plateforme de ventes d'oeuvres d'art par le biais d'Internet. Mon professeur m'a alors beaucoup encouragé à le développer, mais j'ai préféré acquérir de l'expérience professionnelle. Puis l'an dernier, j'ai repensé à cette plateforme. Le déclic s'est produit lorsque l'un de mes amis m'a parlé du Web Summit, un concours mondial lancé par Google destiné aux start-up. J'ai été sélectionnée parmi des milliers de candidatures. J'ai alors démissionné de mon poste en juillet afin de préparer mon dossier. Les dirigeants de Google ont souhaité prendre part dans ma future société. J'ai décliné car ils voulaient être investisseurs à plus de 70% du capital. J'ai alors investi seule 20 000 euros pour la construction de mon site Web.
Au départ, j'envisageais d'avoir des oeuvres d'art bon marché jusqu'à 500 euros, mais il y avait des concurrents sur ce marché. Et, par rapport aux gens que j'ai rencontrés et aux artistes qui m'ont fait confiance, j'ai pris une dimension beaucoup plus premium que je ne l'avais pensé. En janvier dernier, My Web'Art était lancé. Nous avons ouvert le site avec plus d'1,5 million d'euros en terme de valeurs d'oeuvres d'art et une vingtaine d'artistes. Nous avons actuellement près de 7 500 oeuvres d'art. Les prix de vente sont autour de 5 000 euros et l'oeuvre la plus chère est à 320 000 euros.
Pourquoi le Web ?
Je voulais me lancer dans quelque chose de nouveau.
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Il y a un vrai marché de l'art qui est en train de s'installer sur le Web. Les prévisions sur le marché de l'art online sont énormes, elles triplent en l'espace de trois-quatre ans.
Certains collectionneurs sont capables de dépenser 50 000 dollars sur un site. Et je suis intiment persuadée que le monde de l'art et celui du Web ne feront bientôt plus qu'un.
Par ailleurs, lorsque les artistes travaillent avec des galeries, ils doivent leur verser plus de 50% de commission lors de la vente de leurs oeuvres, de même pour les ventes aux enchères. Et une galerie est très locale, l'oeuvre est vue dans la ville, voire dans le pays mais pas exposée à l'international. Les artistes veulent avoir une alternative.
J'ai lancé My Web'Art pour créer une plateforme internationale premium, avec des artistes et des oeuvres d'art de grande qualité. Les collectionneurs,qui viennent sur mon site proviennent des États-Unis, d'Asie, d'Amérique du sud, des Émirats.
Comment avez-vous fait pour démarcher les artistes ?
J'ai gardé de nombreux contacts professionnels de mes anciens postes et j'ai également la chance d'avoir un très bon réseau personnel. Cela m'a beaucoup aidé. Je suis allée voir les artistes en leur expliquant le concept de My Web'Art, je pensais avoir des réticences mais à ma grande surprise cela n'a pas été le cas. Nous avons commencé avec une vingtaine d'artistes et aujourd'hui ils sont une soixantaine. Les vingt premiers, je les ai choisis : ils appartenaient soit à mon réseau, soit je les ai rencontrés lors de Foires d'art contemporain, à Londres, à Paris et aux États-Unis. J'y suis allée au culot en leur présentant ma plateforme. J'ai également créé un comité de sélection des artistes, composé d'un galeriste londonien, de deux acheteurs et deux artistes, qui choisit les artistes et les oeuvres d'art qui seront présentés sur la plateforme. Il a pour mission d'assurer la qualité et la crédibilité des artistes présentés. La plateforme est divisée en deux parties complémentaires : les jeunes artistes prometteurs et ceux qui sont déjà reconnus. Nous n'avons aucune exclusivité sur les oeuvres qui sont présentées sur le site.
Vous avez 26 ans, est-ce que votre âge a pu être un frein auprès des artistes ?
Au contraire ! Tous ceux que j'ai pu rencontrer ont été séduits par ce projet, il faut être jeune pour comprendre l'univers du Web. Quand je parle aux artistes plus âgés cela les rassure, car ils savent que j'ai grandi avec ces technologies. Les jeunes artistes aiment le concept et sont moins intimidés que lorsqu'ils doivent passer par une galerie. Et j'ai un background chez Sotheby's et dans le monde de l'art, j'ai suivi l'École du Louvre. Enfin, mon comité de sélection est là pour crédibiliser ma démarche. Mes artistes, je les connais tous : je suis un véritable agent pour eux.
Comment avez-vous fait pour vous faire connaître ?
C'est très compliqué. Au départ, c'était beaucoup de réseaux, de bouche à oreille. J'ai essayé de démarcher la presse française spécialisée dans la culture et l'art mais sans succès. Les journalistes étaient très réticents. Contrairement aux médias étrangers, j'ai eu un article dans le magazine Entrepreneur Middle East, et Forbes China prépare un article sur moi. Aujourd'hui, je suis plus connue à l'étranger qu'en France. Néanmoins, je vise New York, Dubaï et Hong Kong.
Je travaille actuellement sur un partenariat avec le plus grand centre d'art au monde qui ouvrira en octobre prochain à Manhattan. J'essaie de me faire de la publicité sur des coups assez médiatiques. Acheter de l'art en ligne, c'est encore quelque chose de très nouveau dans l'esprit des gens, aussi j'organise des vernissages avec un ou deux artistes, où sont disposés plusieurs ordinateurs pour accéder à la plateforme. J'ai également investi près de 10 000 euros dans la publicité mais cela ne m'a rien apporté en terme de visites.
Le monde de l'art est un milieu fermé, comment avez-vous fait pour y entrer ?
Au culot ! Par exemple pour Art Basel, j'ai contacté les organisateurs jusqu'au moment où j'ai réussi à avoir un rendez-vous avec la directrice. Je lui ai présenté mon projet et ma démarche lui a plu. J'ai réussi à avoir mon invitation et ainsi côtoyé les artistes. J'ai fait la même chose pour Art Dubaï. Je pars également en septembre à Beyrouth pour la Foire avec un espace de 30 m2 qui me sera offert afin de présenter ma galerie virtuelle et les oeuvres. Quand vous arrivez avec un projet différent, vous ne pouvez qu'intéresser vos interlocuteurs.Et grâce à mon réseau familial, j'ai pu rencontrer le ministre de la Culture d'Abou Dabi, Cheikh Nahyan bin Mubarak Al Nahyan. Il est très intéressé par mon projet, d'autant qu'en 2020 le pays reçoit l'Exposition universelle. Je dois le rencontre à nouveau cet été pour lui présenter une pièce que j'ai en exclusivité : un collier unique d'une valeur de 320 000 euros réalisé par un joaillier français.
Comment se passe le paiement en ligne ?
Vu que les cartes bancaires ne passent pas au-delà de 3000 euros, nous utilisons Ingenico Payment Services, qui gère nos transactions sécurisées. Et nous avons trois prestataires logistiques. Nous utilisons UPS, qui a son propre service de "galerie", pour les oeuvres de petite dimension et dans des tarifs de première gamme de prix. Pour les grandes pièces, j'ai deux autres prestataires spécialisés dans les oeuvres d'art très haut de gamme, avec une livraison chez le client, et l'installation dans la pièce souhaitée. La tranche d'âge de ma clientèle oscille entre 30 et 55 ans, mes clients sont généralement des entrepreneurs qui ont créé leur société. Ce sont des personnes qui ont beaucoup voyagé, qui sont pour la plupart aux États-Unis, aux Émirats et en Asie.
Quel est votre modèle économique et vos objectifs?
Les artistes doivent s'acquitter de frais d'inscription annuels qui s'élèvent à 900 euros, cela leur permet de présenter leurs oeuvres pendant un an sur la plateforme. Et j'ai une commission de 30% pour la vente de n'importe quelle oeuvre. Tous les bénéfices sont réinvestis dans la société. Nous faisons actuellement deux ventes par mois, entre 5 et 10 000 euros.
Cette année est une année décisive, nous devons devenir une référence sur le marché de l'art en ligne. Nous sommes à ce propos en train de reformater le site en créant une page "Events", ainsi qu'une partie VIP consacrée à nos meilleurs collectionneurs, un cercle privé qui permettra de leur présenter des oeuvres d'art en exclusivité cet été. Nous allons enfin mettre en place un système de ventes aux enchères, de cotation des jeunes artistes....
Nous sommes aujourd'hui trois partenaires : je gère les relations publiques et celles avec les artistes. J'ai un partenaire qui s'occupe du site et le troisième travaille la partie juridique en tant qu'avocat.