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Shein, un empire de la mode qui inquiète

Shein est devenue en 2024 l'enseigne de mode où les Français ont le plus dépensé, selon une étude de l'application de shopping Joko. Cette nouvelle n'est pas passée inaperçue et tire la sonnette d'alarme pour nombre de professionnels du commerce et de la mode.

Publié par Elsa Guerin le - mis à jour à
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Shein, un empire de la mode qui inquiète

Plus de 7 200 nouveaux modèles de vêtements chaque jour, des prix dérisoires et une livraison gratuite permettent à la plateforme chinoise, arrivée dans l'Hexagone en 2019, de prendre à présent le lead sur le marchais français, détrônant même le site de seconde main Vinted.

Une hypercroissance en temps d'inflation

Plébiscitée pour ses vêtements à petits prix, Shein a connu une ascension fulgurante qui s'est traduite, entre 2023 et 2024, par une augmentation de 58 % des ventes en valeur. Elle n'est pas la seule plateforme asiatique à avoir performé, puisque son homologue Temu a quant à elle connu une croissance encore plus spectaculaire, avec une hausse de 178 % sur la même période. Une forte consommation qui se traduit par un chiffre qui en dit long : ensemble, Shein et Temu représentent, selon Philippe Wahl, PDG de La Poste, 22 % des colis traités alors qu'ils ne pesaient que moins de 5 % il y a cinq ans.

Un système économique qui interroge

Les critiques contre le géant chinois ne sont pas récentes et restent nombreuses : non-respect des normes de sécurité, impact environnemental catastrophique, conditions de travail déplorables, mais aussi concurrence déloyale. Bernard Cherqui, président de l'Alliance du Commerce, a déclaré mercredi 29 janvier qu'il s'agissait d'un véritable "changement systémique" et appelle les pouvoirs publics à "rétablir une concurrence loyale et équitable" face à ces géants chinois. Il dénonce notamment "le véritable scandale" de l'exonération des droits de douane dont bénéficient ces acteurs sur les colis de valeur inférieure à 150 euros. Les États-Unis ont d'ailleurs envisagé de modifier leur système de droits de douane pour les petites importations, tandis que six pays de l'Union européenne, dont la France et l'Allemagne, ont demandé à Bruxelles de renforcer la réglementation concernant ces sites.

Le président de l'Alliance du Commerce rappelle qu'à terme, nous prenons le risque de voir "des pans entiers du commerce disparaître" et n'hésite pas à faire le parallèle avec les défaillances qu'a connues l'industrie sidérurgique en France il y a quelques années. Peut-on parler de dumping économique ? Pour le président de l'Alliance du Commerce, cela n'est pas sans fondement si le gouvernement continue de retarder la prise de décisions.

Une loi anti-fast fashion qui ne voit toujours pas le jour

Votée à l'unanimité en mars 2024 à l'Assemblée nationale, la proposition de loi anti-fast fashion n'est toujours pas entrée en vigueur.

Sur son compte LinkedIn, Yann Rivoallan, président de la Fédération française du prêt-à-porter féminin, invitait en novembre 2023 les internautes à se mobiliser pour la relance du projet de loi : "J'ai besoin de vous. Pour que la loi anti-fast fashion soit votée [...] MAIS pour qu'une loi soit votée, elle doit être validée au Sénat. Or, l'agenda politique des derniers mois a ralenti ce passage au Sénat. Montrons au Premier ministre que ce sujet est important pour l'économie et la planète !"

En France, des lobbys comme la Fédération de l'e-commerce et de la vente à distance (Fevad) tentent d'alerter le gouvernement et d'influencer les décisions politiques depuis 2023. Sous la direction de Marc Lolivier, la Fevad s'efforce de faire reconnaître comme "déloyale" la concurrence exercée par les plateformes chinoises.

Une stratégie marketing qui illusionne

Le succès de Shein n'a rien de secret : des prix plus bas que le marché, grâce à des coûts de production réduits et des stratégies d'évitement des taxes douanières, mais aussi 7 200 nouveaux modèles de vêtements par jour et un algorithme performant qui optimise les campagnes marketing grâce aux données collectées sur la plateforme. Mais plus encore, Shein excelle en communication. Très présente sur TikTok, elle collabore avec des influenceurs de tout âge et soigne son image en recrutant des personnalités influentes.

En France, la plateforme s'est offert les services de l'ancien ministre Christophe Castaner pour assurer sa défense. Concernant la création d'une taxe visant à freiner le géant chinois, ce dernier a énoncé le 27 janvier dernier son opposition : "On est en train d'inventer une TVA sur les produits des plus pauvres. Moi, je trouve ça assez dégueulasse", estimant que "c'est vraiment un réflexe de fainéant de considérer que, quand il y a un problème, il faut faire une taxe".

Yann Rivoallan, président de la FFPAF (Fédération Française du Prêt-à-Porter Féminin), réplique en disant : "J'invite Monsieur Castaner à nous rencontrer. Je ne peux pas croire qu'il pense réellement que Shein permet à des classes populaires de pouvoir consommer ou s'habiller à moindre frais. Cela est une idée populiste. La plateforme crée un phénomène de surconsommation et ne fait que créer des besoins inexistants à coups de promotions flashs. C'est un système qui appauvrit et non l'inverse."

La Commission européenne a déjà réclamé à plusieurs reprises des informations aux deux plateformes afin de vérifier leur conformité aux règles européennes en matière de protection des consommateurs. En attendant, selon une information du Financial Times du 1er février, l'Union européenne envisage de rendre les plateformes d'e-commerce telles que Temu, Shein et Amazon Marketplace responsables des produits dangereux ou illégaux vendus en ligne, une autre façon de freiner l'ultra fast fashion.


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