La marche forcée des retailers américains face à Amazon
Aux États-Unis, les retailers prennent conscience qu'il leur est indispensable de se servir du on line pour générer du trafic en point de vente afin de lutter contre Amazon.
Je m'abonne Depuis le début de l'année, douze grandes enseignes américaines ont fait faillite sur les six premiers mois de l'année. La banque d'affaires Crédit Suisse prédit dans une note récente qu'un mall américain sur quatre cessera son activité d'ici 2022, soit 275 centres commerciaux. "Le premier semestre, aux États-Unis, a été un vrai coup de massue pour les retailers, souligne Laurence Faguer, spécialiste du retail outre-Atlantique. Ce n'est plus du futur du commerce qu'il est question, mais de sa survie." Ce Big Bang s'explique notamment par la hausse constante de l'e-commerce, qui a progressé de 15 % en 2016, alors que dans le même temps, la croissance des magasins n'a été que de 2,6 % sur 2016.
En une décennie, le Web a doublé sa part de marché aux États-Unis, à 11,5 % des ventes de détail.
Sur le premier trimestre de l'année, la part de l'e-commerce a encore augmenté de 14,8 %, selon le département du commerce américain.
Une croissance drainée par Amazon
Comment ne pas citer Amazon dans ce bouleversement du commerce ? Le géant américain a capté 40 % des ventes en ligne aux États-Unis en 2016, soit quatre dollars sur dix, et représente à lui seul un quart de la croissance américaine. "Lors du salon Internet Retailer (IRCE) à Chicago, en juin dernier, une journée entière de conférences a été consacrée à la façon de riposter contre Amazon. C'est la préoccupation numéro un des retailers", pointe Laurence Faguer.
Les chiffres sont impressionnants : un Américain sur quatre est adhérent au programme de fidélité d'Amazon Prime, soit 85 millions d'abonnés, selon l'institut Consumer Intelligence Research Partners (CIRP). L'acteur e-commerce numéro un est également passé devant Google en tant que moteur de recherche de produits : aujourd'hui, 55 % des Américains démarrent leurs recherches directement sur le site d'Amazon. Et la plateforme de Jeff Bezos ne s'arrête pas là : à présent, l'ancien pure player s'attaque à l'alimentaire avec le rachat en juin dernier de la chaîne de magasins bio américains Whole Foods.
"C'est très intéressant de la part d'Amazon, même s'il n'est pas simple de retraduire en magasin deux expertises qui ont fait son succès en ligne : la personnalisation et la recommandation, explique la spécialiste du retail américain. D'autre part, Amazon s'attelle, avec le commerce alimentaire, à l'un des segments les plus difficiles et aux marges faibles." La plateforme américaine a sûrement bien d'autres visées avec ce rachat de 12,3 milliards de dollars, le plus élevé que le groupe ait jamais fait.
En rachetant les 450 magasins de Whole Foods, Amazon s'offre également des centres de distribution pour aller toujours plus vite dans la livraison.
L'ogre américain va ainsi pouvoir optimiser ses filiales logistiques, notamment pour les courses alimentaires, Amazon Fresh et Amazon Prime Now. "Contrairement à d'autres retailers américains de la distribution, il peut prendre le temps de comprendre le modèle et de le rendre plus rentable", note Laurence Faguer.
Les retailers ont ainsi l'obligation de se démarquer d'Amazon en proposant des produits et des services différents.
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Jouer la continuité on line et off line
Sephora, aux États-Unis, s'est rendu compte que 80% des clientes qui viennent en magasin utilisent leur smartphone avant et durant leur shopping sur le point de vente. C'est pourquoi, pour prolonger en magasin le parcours entamé en ligne et faire en sorte que la cliente ne perde pas tout le travail de préparation fait avant la visite en magasin, l'enseigne propose aux consommatrices de retrouver dans leur appli mobile, lors de leur venue en boutique, l'ensemble de leur historique comme leurs produits favoris, les références de leurs derniers achats, la confirmation de leurs rendez-vous beauté, etc., ainsi que leurs données géolocalisées et en temps réel.
Autre exemple avec la marque de lingerie Simone Pérèle, qui a constaté que 30% de sa clientèle américaine apprécie de parler à une conseillère avant d'acheter. L'enseigne met ainsi fortement en avant sur son site américain un numéro de téléphone et un chatbot.
La personnalisation des produits adaptés à la clientèle locale
Mais la grande évolution en cours aux États-Unis est la sélection de produits adaptés à la clientèle locale, grâce à la data récoltée près et dans le magasin, via le mobile et les beacons. En conciliant les parcours on line et off line du client, les détaillants sont en mesure de proposer une personnalisation prédictive. Exemple avec Stitch Fix, pure player américain de mode en ligne, qui combine des algorithmes d'analyse de données avec l'expertise de stylistes pour fournir un service d'abonnement par le biais de box ultra-personnalisées. Créée il y a quatre ans, la société a généré 750 millions de dollars de chiffre d'affaires en 2016 et projette de s'introduire prochainement en Bourse.
"Comme il est compliqué de se battre contre Amazon, les retailers doivent mettre la puissance du digital au service des magasins en se servant de l'exploitation des données pour faire venir en magasin et déclencher une transaction off line qui aura, en général, une rentabilité bien supérieure à celle de l'on line", explique Laurence Faguer.
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Ainsi, la chaîne américaine de beauté Ulta Beauty, qui possède déjà 950 magasins et projette d'en ouvrir une centaine d'ici fin 2017, propose un programme de fidélisation qui compte 24,5 millions de membres aux États-Unis et représente 90 % du chiffre d'affaires de l'enseigne, entièrement géré dans l'application mobile. Le principe est simple : dès lors qu'une nouvelle cliente est acquise en ligne, tout est fait pour qu'elle se rende en magasin afin que les conseillères l'incitent à adhérer au programme de fidélité. L'application mobile contient des promotions, présente les nouveautés produits et les services proposés sont personnalisés selon les données saisies par la cliente. Un avantage certain, pour Ulta Beauty, tant en termes de connaissance clients que d'attractivité, alors qu'Amazon nourrit déjà de fortes ambitions sur le secteur de la beauté. Sa marketplace capte près d'un achat beauté on line sur cinq aux États-Unis.