Sacha Vigna : "Notre but pour Habitat est de reconquérir un public dès la fin de l'année"

Comment avez-vous vécu cette victoire aux Trophées E-Commerce 2024 ?

Un chef d'entreprise est avant tout un chef d'orchestre. Cette victoire vient récompenser le travail de toute l'équipe qui a permis à Vente-Unique.com de tenir le cap et de se développer depuis 18 ans dans un écosystème de l'e-commerce et du meuble compliqué. La fierté que l'on en tire tous rayonne sur la société dans son ensemble. Si, depuis la création de Vente-Unique.com, nous n'avons pas fait de méga levées de fonds, ni fait des milliards d'euros de chiffre d'affaires, cela fait bel et bien 18 ans que nous sommes en croissance et rentables.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les axes de relance de la marque Habitat ?

La relance d'Habitat devait se faire en deux temps. Dans un premier temps, il était impératif de venir en aide aux clients qui avaient été impactés par la liquidation judiciaire de ses magasins. Près de 9 000 clients avaient été impactés, ils avaient la possibilité de remplir un dossier. Nous avons ensuite étudié chaque cas individuellement pour leur proposer une solution. C'est vraiment sur ce point que nous nous sommes concentrés. Il faut noter qu'ils ont été agréablement surpris qu'une entreprise, avec laquelle ils n'avaient pas de relation contractuelle, vole à leur secours. En parallèle, nous travaillons à la remise en route de l'exploitation du site. Une deuxième phase de relance plus active s'ouvrira à la rentrée.

Relancer une marque, un site représente un grand chantier digital. Quel est votre plan ?

Le but est de redémarrer le site Internet, tel qu'il était auparavant. Nous apporterons toutes les forces de Vente-Unique.com à la relance d'une belle marque comme Habitat : la maîtrise de la logistique et de l'expérience client ainsi que notre culture digitale. Le design et le sourcing seront aussi au coeur du projet. Habitat était connue pour rendre le design accessible. Il va falloir que nous poursuivions dans cette voie avec de nouvelles réalisations en collaboration avec des designers et la réédition de produits iconiques qui ont fait la renommée de l'enseigne, comme la lampe Ribbon. Et il y en aura d'autres... Pour Habitat, notre but est de reconquérir un public dès la fin de l'année. L'annonce du plan de relance détaillé interviendra à la même période.

La déroute du secteur de l'habillement dans l'équipement de la personne ne vous a-t-elle pas fait craindre un mouvement similaire dans celui
de la maison ?

L'équipement de l'habillement et celui de la maison sont deux secteurs radicalement différents, notamment à cause de la logistique et du poids des produits transportés. Le secteur du prêt-à-porter a été réellement impacté par l'arrivée de retailers online chinois, très agressifs sur les prix et qui ont réussi ainsi à gagner une grande clientèle. Dans notre domaine, les barrières à l'entrée sont plus élevées, en raison de la complexité logistique. Cela étant dit, il faut prendre garde aux forces contraires au développement du business qui sont toujours à l'oeuvre comme le prix de l'immobilier, l'inflation, la perte de pouvoir d'achat, autant de paramètres pouvant peser sur le secteur. La décélération du marché immobilier avec la hausse des taux d'intérêt est aussi à surveiller.

Notre atout néanmoins est d'être une société qui travaille à l'échelle européenne. Aujourd'hui, nous faisons moins de 50 % de notre chiffre d'affaires en France. Notre modèle direct-to-consumer plaît à tous les consommateurs, qu'ils soient français, allemands ou espagnols. Le marché se digitalise sans relâche. Les commerces ne représentent qu'une petite partie de la chaîne de valeur. Il y aura toujours des clients à la recherche de prix compétitifs et Internet est une fabuleuse machine à comparer les prix. Il y a des professionnels sur Internet qui, comme nous, peuvent livrer des produits compétitifs avec une excellente expérience client. Quand votre client est content, vous avez déjà franchi la première étape d'un bon business.

Comment voyez-vous le futur de l'e-commerce en matière d'acquisition clients notamment ?

Ce secteur ne fera que continuer à croître car il répond à beaucoup de besoins : un choix le plus large possible, la recherche de prix compétitifs, la comparaison des produits et la facilité de se faire livrer. Nous avons, selon moi, encore beaucoup d'années de croissance devant nous. Dans l'absolu, il est assez "facile" de vendre sur Internet. En revanche, arriver à satisfaire les clients, c'est plus compliqué, surtout dans un domaine comme le nôtre où les produits sont volumineux et fragiles. Cela fait deux années de suite que Vente-Unique.com a été élu Service client de l'année en France dans la catégorie Mobilier et décoration. Nous allons continuer à aller chercher des preuves de notre savoir-faire et de notre excellence opérationnelle.

Quels sont les chantiers menés actuellement pour améliorer cette relation client ?

Il faut sans cesse s'adapter aux desiderata des clients. Nous travaillons ainsi à la mise en place de la relation client via des messageries comme WhatsApp. Historiquement, une grande partie de la relation client se faisait à l'oral mais nous allons développer l'écrit. À cet égard, l'intelligence artificielle (IA) peut nous aider à répondre plus rapidement et plus efficacement à nos clients. Avec l'IA, nous sommes en train de vivre une nouvelle révolution.

Comment vous est née cette passion de l'e-commerce ?

Cela m'est venu assez tôt quand j'ai fait mon MBA aux États-Unis en 1998. J'ai eu la chance d'étudier dans une université américaine où l'e-commerce, le digital marketing et les systèmes d'information étaient enseignés. C'est là que j'ai "attrapé le virus" car nous pouvions observer directement ce côté interactif en testant, mesurant et améliorant les opérations online. Quand je suis rentré en France, je me suis tout de suite lancé dans l'internet et je n'ai jamais arrêté. Le secteur est riche intellectuellement, que l'on parle d'IT, de logistique, de flux et d'exploitation des données ou encore de sourcing. Il faut être expert dans chaque maillon de la chaîne de valeur. Et dans chacun d'entre eux, plus vous êtes pointu, plus vous devez vous confronter à un degré de complexité accru. C'est une profession où il faut être bon dans toutes les disciplines, comme l'est un décathlonien, pour être meilleur que son concurrent et remporter la course.

Quels principes de durabilité appliquez-vous à votre sourcing de produits ?

Toutes les usines avec lesquelles nous travaillons sont auditées pour respecter un certain nombre de contraintes en matière de responsabilité sociétale et environnementale (RSE). Sur Vente-Unique.com, vous trouvez un label Good for Planet qui identifie les produits sourcés en Europe et en France pour les consommateurs en quête de ces critères. Nous nous acquittons bien sûr d'un certain nombre de taxes type éco-emballage, écomobilier sur chaque achat.

Cela fait plusieurs années que nous faisons don d'un certain nombre de nos retours produits à des associations. Cela contribue à leur donner une seconde vie. De plus, en tant que société cotée, ces critères sont surveillés par les investisseurs.

Quels sont les défis liés à la relance de la marque Habitat dans le domaine de la logistique ?

Ce qui est compliqué dans notre univers, ce sont les produits volumineux, fragiles et livrés en plusieurs colis. C'est exactement la même problématique pour Habitat que pour Vente-Unique.com. Le défi sera d'assurer la même expérience client, en garantissant que Habitat soit au rendez-vous dans ce domaine. Cette montée en puissance va devoir être cadencée en conséquence. Comme toujours, il faudra commander suffisamment - mais pas trop non plus - de marchandises pour faire renaître la marque. Nous disposons déjà de toute l'infrastructure logistique pour y parvenir.

Des recrutements sont-ils prévus pour réaliser ce chantier stratégique ?

Oui, ils sont planifiés. Nous avons déjà recruté une dizaine de personnes au siège qui travaillent activement à la relance de la marque. Et pour accompagner la montée en puissance logistique et le développement du chiffre d'affaires, nous ferons de même. Nous avons la culture du
"Do-it-yourself" au sein de notre entreprise donc pas de recours à des cabinets de conseil en stratégie. On n'est jamais mieux servi que par soi-même. Je m'attache tous les jours à recruter des collaborateurs intelligents car ils trouveront les solutions astucieuses. Il ne faut jamais craindre de recruter des gens plus talentueux que soi mais cela demande de franchir le pas.

Le partage de connaissances opérationnelles et la transmission du savoir-faire, est-ce fondamental pour vous?

La première mission d'un manager est de permettre à ses collaborateurs d'atteindre leur plein potentiel. Je les encourage à sortir de leur zone de confort. Je leur dis souvent : « Soyez audacieux, soyez énergique ». Ne pas avoir peur, être enthousiaste et prendre du plaisir à venir travailler tous les jours, ce sont des points essentiels car nous passons tous un certain nombre d'heures sur notre lieu de travail. En tout cas, c'est ce que je recherche d'un point de vue personnel et c'est aussi ce que je souhaite à mes collaborateurs.