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DossierNew retail: quand le retail physique et digital reprend des couleurs

Floutage des frontières auparavant antagonistes entre les canaux, déclinaison live de parcours "frictionless", implication en termes de rentabilité et de modèles économiques... autant de sujets soulevés par l'avènement du new retail.

Publié par Christelle Magaud le
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New retail: quand le retail physique et digital reprend des couleurs

1 La fin des frontières, une réalité?

New retail ! Le mot est lâché, en 2016, par Jack Ma, fondateur du géant Alibaba, numéro un de l'e-commerce en Chine. "Depuis, le monde entier est focalisé sur cette stratégie, qui consiste à éliminer toute frontière entre commerce en ligne et hors ligne, en proposant une expérience d'achat unifiée avec le client comme acteur central", indique, en souriant, Betty Touzeau, CEO de l'agence Paris2Beijing, spécialisée dans le digital et le marché chinois. Alibaba a donc véritablement montré l'exemple. Bien sûr, on peut citer ses fameux supermarchés connectés Hema, qui font aussi office d'entrepôts et de centres logistiques pour permettre aux acheteurs d'être livrés à domicile en 30 minutes.

"Mais Alibaba a su démocratiser ce concept en l'exportant", ajoute-t-elle. Par exemple, sur les quelque 200000 mom and pop stores (l'équivalent de nos épiceries de quartier) qui ont été digitalisés par ses soins pour permettre aux petits commerçants de proposer cette expérience new retail. Autre illustration avec 7Fresh, du groupe JD.com. Parmi les dernières innovations de ce concurrent d'Alibaba, les chariots intelligents et autonomes qui suivent les consommateurs, leur laissant les mains libres pour faire leur shopping. Ou encore les robots qui livrent à domicile. Une expérience de plus en plus connectée, qui devrait aboutir à de nouveaux standards d'innovation dans le commerce.

2 La nécessité d'une agilité technologique pour les retailers

New world, new technology... "Pour les retailers, la capacité à se réinventer devient essentielle, ne serait-ce que pour conserver leur place sur le marché", affirme la spécialiste. Pleins feux, par conséquent, sur les nouvelles expériences d'achat, tous circuits confondus. Dans ce domaine, la France ne démérite pas. C'est même le pays qui semble le mieux positionné en comparaison avec ses voisins européens: selon une étude PwC, 85% des enseignes françaises déclarent générer des revenus sur plusieurs canaux, soit le résultat le plus élevé en Europe, tandis que la moyenne européenne s'établit à 71%. À l'origine de ces développements figurent en pole position les pure players.

Comme Spartoo, qui "réalise 50% de son chiffre d'affaires (250 millions d'euros en 2018) en ligne et 50% en magasin, comme le souligne Boris Saragaglia, son p-dg et cofondateur. Nos premiers magasins, à enseigne Spartoo, datent de 2015, avant Alibaba donc. Nous avons su très vite que nous devions réhumaniser notre relation." Puis l'enseigne a racheté, en janvier 2018, les 120 points de vente André, pour réaliser ce qu'elle nomme un "mariage omnicanal".

"Spartoo a notamment doté les équipes en magasin de tablettes pour qu'elles soient capables de proposer des extensions de gammes via l'offre de Spartoo. Nous avons également fait en sorte que les clients de Spartoo trouvent chez André des points de retrait pour leurs commandes", témoigne Boris Saragaglia. L'idée est de proposer des expériences répondant aux nouvelles habitudes des consommateurs, qui ont définitivement intégré leurs tablettes et leurs smartphones dans leur quotidien: pour preuve, 41% des Français** font leurs courses de façon connectée, selon une étude Louis Harris Interactive et BudgetBox menée en 2018.

Même son de cloche du côté de Made.com, la marque digitale spécialiste du design. "Dès le départ, en 2011, nous avons considéré que nous devions ouvrir des showrooms (sept à date) pour prolonger l'expérience de la marque, tout en apportant quelque chose de différent, avec de la technologie et de l'humain", décrit Jessica Delpirou, sa directrice générale France. Avec moins de contraintes que les classiques points de vente: ici, pas besoin d'emplacement numéro un ni de grande surface pour exposer la totalité des produits, puisque 100% des transactions s'effectuent en ligne.

Depuis, Made.com a poussé plus loin cette dimension new retail en ouvrant son propre lab, pour dénicher des innovations "nouvelle génération". "Comme View it in Live, lancé en partenariat avec Go Instore, qui met en relation les clients avec les experts Made.com, grâce à un live vidéo dans les showrooms. On peut aussi citer Shop Instagram, flux commercial de visuels Instagram présentant des produits de la marque, à partir duquel on peut directement acheter les pièces voulues, conçu avec Theodo", énumère-t-elle.

Les pure players ont donné le "la" en France sur le new retail. Mais certaines enseignes dites traditionnelles ont opéré de larges transformations. Monoprix fait partie des plus actives en la matière et s'affiche aujourd'hui comme le spécialiste omnicanal du centre-ville. "Avec cette approche, réconciliant le meilleur du 'online' et du 'offline', nous voulons maximiser le plaisir et limiter les contraintes liées aux courses, indique Florence Chaffiotte, directrice marketing, digital et innovation chez Monoprix. Pour nous, le new retail c'est le magasin où chacun de nos clients se reconnaît. Il y a le consommateur qui a besoin de vivre un bon moment en magasin avec une expérience agréable. Mais il y a aussi celui qui a besoin de gagner du temps après son travail et, pour cela, il y a la livraison à domicile ou encore le service coupe-file. Il est donc indispensable d'investir sur les canaux physiques et digitaux pour continuer d'améliorer l'expérience clients."

L'un des derniers services lancés par Monoprix? Dans le cadre de son partenariat commercial avec Amazon, l'enseigne a installé des consignes Amazon Locker en points de vente. Un exemple de web-to-store parmi bien d'autres. "Ces dernières années, Monoprix a mis en place une dizaine de services innovants", confirme Laurence Chaffiotte. Le mouvement est lancé et commence à se généraliser, comme le note Nathalie Echinard, directrice retail de Cegid: "La plupart des enseignes ont déjà testé plusieurs dispositifs omnicanaux. Du Web-to-store (passer sa commande en ligne et la récupérer en magasin) au store-to-Web (prendre des commandes en magasin de produits non disponibles physiquement pour ensuite les faire livrer), en passant par le store-to-store (se rendre dans une boutique et recevoir le produit par le biais d'une autre boutique), les exemples sont légion. Maintenant, elles sont toutes dans une phase de rationalisation et veulent automatiser les services omnicanaux qu'elles jugent les plus intéressants."

3 L'omnicanal, source de revenus supplémentaires

À la question de savoir quels services sont jugés les plus rentables, les enseignes citent majoritairement l'e-réservation, qui permet de réserver ses articles en ligne, sans prépaiement. En effet, cette fonctionnalité valorise le stock présent en magasin, sans engendrer de coût logistique, et génère du trafic tout en favorisant l'upselling.

Il existe également des scénarios omnicanaux avec une rentabilité indirecte. C'est le cas de l'exposition en temps réel des stocks sur un site marchand. Cette fonctionnalité développe à coup sûr du business, en contribuant au déplacement des consommateurs en point de vente. "Convaincus de la rentabilité de ces nouveaux outils, les retailers veulent donc passer à la vitesse supérieure et les automatiser. Dans ce but, nous avons mis au point DOM (Distributed Order Management), qui permet une véritable orchestration des commandes basée sur différents critères (délai de livraison, coût logistique...). Le système indique d'où le produit doit partir pour que cela soit le plus optimal pour le distributeur et le client", détaille Nathalie Echinard.

Voilà pour la partie back-office. Mais en front-office aussi la technologie doit suivre pour que l'expérience omnicanale soit la plus automatisée possible. "Nous proposons une appli capable de traiter des paniers mixtes de scénarios omnicanaux. Par exemple, un client commande en ligne un produit, le récupère en magasin, décide de compléter sur place son achat par un accessoire complémentaire, et souhaite régler en partie en carte bancaire et en partie en bons de réduction. Un parcours complexe, en plusieurs étapes, mais au final, le client ne procédera qu'à un seul paiement", précise Nathalie Echinard.

Quel que soit le canal utilisé par le consommateur, l'objectif est qu'il bénéficie de la meilleure expérience client, grâce à un commerce connecté. Si l'omnicanalité donne au retailer la capacité de proposer une expérience unifiée, l'abolition des frontières deviendra, à n'en pas douter, on ne peut plus réelle.

* "Global Powers of Retailing 2018: Transformative change, reinvigorated commerce", Deloitte.

** Étude Harris Interactive et BudgetBox de septembre 2018.

Désormais, les consommateurs exigent une expérience sans couture et ne veulent plus choisir entre commerce online et offline. Les acteurs s'équipent donc afin de répondre à cette nouvelle donne.

4 Zoom sur quelques concepts innovants au pays du new retail

Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi... Rebaptisées BATX, ces tech companies deviennent aujourd'hui des retail companies. Pourquoi? Parce que l'implémentation de nouvelles technologies constitue un élément clé dans la mise en pratique du new retail, pour améliorer l'expérience clients. Illustration avec Xiaomi. Créée il y a neuf ans, cette marque est devenue incontournable en très peu de temps, réalisant 26 milliards de dollars de chiffre d'affaires. C'est aujourd'hui la quatrième marque de smartphones vendue dans le monde. Elle a bâti tout un écosystème avec plus d'une centaine de start-up, afin de commercialiser régulièrement des objets connectés inédits, destinés à attirer les clients en magasin. En Chine, tous ces produits sont disponibles sur la plateforme de commerce en ligne de Xiaomi et chacun d'eux est associé à un code QR.

Le luxe cède, lui aussi, aux sirènes du new retail et s'empare des outils numériques pour offrir à chaque client un service sur mesure. À l'image de LVMH, le numéro un mondial du luxe, qui a très tôt compris l'utilité d'Internet pour faire rayonner sa marque. En effet, la maison de luxe a lancé son site internet dès 1997. Depuis, elle a multiplié les expériences en ligne, tout en amenant du digital dans ses boutiques.

Du marketing expérientiel avec les hologrammes en vitrine de Guerlain au paiement sur Instagram avec Dior, en passant par la réalité virtuelle au sein de la Maison Francis Kurkdjian. La marque Fendi s'est, pour sa part, illustrée récemment avec sa Dream Room. Une expérience digitale immersive, où des miroirs interactifs font défiler les sacs de la dernière collection. Un miroir annexe, plus petit, permet, lui, de prendre un selfie avec un sac et d'y apposer un cadre hyper "instagrammable". L'innovation parfaite pour favoriser la viralité sur les réseaux sociaux.

"Chaque Maison agit selon son positionnement, son marché et ses habitudes de consommation, et selon les besoins de sa clientèle propre", souligne Ian Rogers, chief digital officer de LVMH. Mais la tendance de fond est bien de miser sur l'expérience digitale. Ce que confirme la quatrième édition de l'étude mondiale "Global Powers of Luxury Goods", publiée par Deloitte: "Alors que, jusqu'ici, les acteurs du luxe privilégiaient la rencontre physique du client avec le produit, désormais l'accent est mis sur l'expérience digitale." L'étude spécifie que "pour 37% des consommateurs, les produits de luxe et la technologie seront désormais encore plus étroitement liés".

5 LVMH donne le ton sur le luxe expérientiel

L'expérience client avant tout, tel est bien le leitmotiv de LVMH. "Tout notre travail consiste non pas à amener le luxe online, mais le client du luxe sur le online. Autrement dit à rendre l'expérience en ligne luxueuse", confie Ian Rogers. Pour ce faire, le groupe est constamment en veille sur les start-up: "Nous en sélectionnons quelques-unes qui ont intégré notre LVMH Luxury Lab lors de Viva Technology." Le but: dénicher des innovations qui créent de la valeur. L'une des dernières expériences est celle réalisée avec la marque Hublot. "Nous avons créé une boutique virtuelle, qui permet à nos clients d'avoir accès, depuis leur salon, à notre personnel de vente à distance, via Face Time ou Skype, qui leur répondent en temps réel, décrit-il. Nos clients bénéficient ainsi d'un service identique à celui existant en boutique." Voilà une belle illustration d'une interaction réelle qui efface les contraintes de temps et de lieu grâce aux technologies virtuelles.

En créant cette relation client en ligne, la marque renforce son lien de proximité avec le consommateur, tout en offrant une expérience nouvelle, en phase avec les nouveaux modes de consommation. Une fois conforté dans sa décision d'achat, le client a juste à confirmer par un simple clic qu'il souhaite acquérir la montre. Le personnel en boutique prend alors le relais et l'appelle pour finaliser la transaction.

Cet exemple montre bien à quel point le magasin s'affirme aujourd'hui comme la clé de voûte d'un new retail basé sur l'omnicanal. "Avec chaque fois en ligne de mire, une proposition au consommateur de parcours seamless (sans couture), insiste Ian Rogers. Dans cette continuité, nous développons en ce moment un POC (proof of concept) autour du visual search, avec la jeune pousse Slyce. Les clients prennent en photo un produit dans la vie réelle et le retrouvent - ou son équivalent - dans le catalogue de l'enseigne. C'est un ressort très efficace pour amener à l'achat."

Dans la distribution sélective, Sephora, autre enseigne phare du groupe LVMH, fait partie des meilleures marques au monde en matière d'expérience clients, se classant quatrième dans le Top 100 réalisé, cette année, par Brandwatch. Logique, c'est aussi l'une des enseignes qui s'est convertie le plus rapidement au "phygital", ce monde physique où l'on introduit énormément de digital afin d'améliorer l'expérience clients. Une évolution que Mathieu Staat, digital & customer marketing director EME chez Sephora, justifie par deux facteurs principaux: "Premièrement, le fait que nous soyons passés d'une relation au ticket (visite magasin) à une relation always on, dans laquelle le client est connecté en permanence. Deuxièmement, une accélération du time-to-market: le client veut une réponse quasi immédiate de la part de Sephora et peu importe le canal qu'il utilise pour entrer en relation avec l'enseigne. C'est pourquoi, plutôt que de parler d'omnicanal, nous insistons plus sur le 'no canal'. Pour le client, il n'y a qu'une seule entité, Sephora. À nous de lui offrir le meilleur service, la meilleure expérience sur chaque point de contact."

Ce qui passe par la mise en place de nouveaux outils "convenient", comme l'installation prochaine de lockers en magasin. Mais aussi par de nouvelles applications mobiles, qui permettent d'obtenir des conseils individualisés, à l'image de My Sephora. "Dernièrement, nous avons amélioré la qualité de notre appli Virtual Artist qui donne la possibilité de tester sur iPad ou sur un miroir connecté n'importe quel look... Ce type de services rentre en plein dans ce que nous appelons la New Sephora Experience. L'idée est de faire en sorte que le shopping beauté devienne un véritable jeu, agréable et plein de surprises. Pour contenter le consommateur, devenu un 'playsumer', en quête d'expériences inédites et fun", poursuit-il. La prochaine étape? "Le conversationnel avec l'assistance vidéo. La voix devient, depuis quelques années, la télécommande du client. C'est pourquoi nous avons monté un partenariat avec Google Assistance en 2017 et que, cette année, nous poursuivons avec Google Nest Hub", indique Mathieu Staat.

Au programme, la réservation d'un service beauté par un simple "OK Google... Je veux parler à Sephora". Mais aussi la possibilité de visualiser les étapes de tutoriels beauté... Le but du jeu étant de rester connecté en permanence avec la communauté. "C'est d'ailleurs la raison pour laquelle dans les nouveaux concepts magasins figure un Beauty Board, afin de liker et taguer les produits utilisés... et de partager ses looks sur les réseaux sociaux. Les photos des looks apparaissent également sur un écran en point de vente", complète-t-il.

Cela constitue aussi le moyen idéal pour remonter de la data et proposer des expériences toujours plus personnalisées. "Effectivement, le digital nous permet de mieux connaître nos clientes et de construire de véritables moments d'enchantement", confirme le digital & customer marketing director EME de l'enseigne de cosmétiques. Dans cette optique de personnalisation accrue de la relation client, l'intelligence artificielle va jouer un rôle clé dans les années à venir, en modifiant en profondeur l'usage et l'exploitation de la data. Certaines technologies d'IA, à l'image de la solution Realtime Crowd Insights, sont déjà capables de détecter les émotions en temps réel, permettant aux vendeurs ayant accès à ces données d'adapter leur comportement à l'état d'esprit du client. Encore de nouvelles expériences d'achat en perspective...

Le mobile, au coeur des expériences des new retail

Aux États-Unis, le mobile est à l'origine de la création de nouveaux modèles de commerce axés sur l'expérience clients, comme Poshmark, la communauté d'achat aux 40 millions de membres et aux 5 millions de vendeurs. Poshmark fonctionne comme un site de "social mobile commerce", l'entreprise cherchant à construire une communauté d'utilisatrices à travers une conversation digitale et physique, tout en proposant uniquement des transactions en ligne et une expérience personnalisée. Grâce à l'intelligence artificielle, les clientes reçoivent, en effet, des notifications personnalisées qui leur suggèrent des tenues.
Autre expérience new retail basée sur le mobile, celle du costaud des millennials, Boxed.com. "Via une appli mobile, le client achète et se fait livrer ses courses achetées en grande quantité, à prix réduits", décrit son fondateur et CEO Chieh Huang. Un modèle qui performe grâce à son format pensé pour le mobile et ciblant les millenials, et à son système de livraison rapide et gratuit, qui repose sur de solides compétences en logistique et traitement de la donnée. "Depuis le lancement en 2013, nous avons mobilisé plus de 250 millions de dollars pour offrir les meilleures expériences numériques à nos clients. Par exemple, notre fonctionnalité Smart StockUp utilise l'apprentissage automatique pour anticiper les moments où les acheteurs vont probablement manquer de produits, et faciliter ainsi leur réapprovisionnement", détaille Chieh Huang. 100% business garanti...




L'avenir du commerce n'est pas une question de canal (online ou offline), mais d'expérience. Tour du monde de concepts qui, en utilisant la data et la technologie, proposent une expérience issue du new retail.

6 New retail=new modèles économiques?

Cinquante milliards de dollars: c'est le montant des transactions annuelles réalisées sur la plateforme Pinduoduo, l'équivalent chinois de Groupon. En quatre années d'existence, il a réussi à se faire une place entre Alibaba et JD.com, les deux mastodontes du marché de l'e-commerce en Chine. Cette formule d'achats groupés a construit sa renommée, mais c'est le côté "social" qui a assuré son succès: en effet, Pinduoduo encourage ses clients à s'associer entre eux, avec amis et parents, pour décrocher des prix plus avantageux. "Ce nouveau modèle de business, basé sur une horizontalité relationnelle entre consommateurs et détaillants appartient à ce new retail, ce nouveau monde où la réalité de l'expérience du client doit être alignée avec le discours marketing de la marque", analyse Geoffroy Noël, consultant manager chez DiaMart.

Autre exemple intéressant à suivre, celui de Little Red Book, une application de social commerce. "C'est la deuxième appli la plus téléchargée après WeChat, et elle fait partie des unicorn chinoises les plus populaires, déclare-t-il. Conçue comme un Instagram light, elle oriente les lecteurs vers l'achat d'un produit à la fin d'un post. Idéal pour les marques, car Little Red book apparaît désormais comme une étape importante dans le parcours d'achat de nombreux consommateurs." De fait, les interactions sociales quotidiennes des utilisateurs servent l'activité des distributeurs. Le social commerce est bien, dans le new retail, un accélérateur de business. "Cela s'explique par le fait que la Chine ayant fait l'impasse sur le desktop, le pouvoir du mobile rend les réseaux sociaux d'autant plus importants", décrypte Geoffroy Noël.

Une tendance qui s'exporte. En France, déjà 30%(1) des internautes réalisent des achats via ces plateformes, cette année.

7 Livraison express et abonnement au service du new retail

L'évolution très rapide du new retail se retrouve également dans la place accordée à la livraison express. C'est véritablement elle qui a disrupté le retail en Chine, où 18% du commerce s'effectue en ligne. Un exemple marquant, celui d'Alibaba qui, lors du 11.11 Global Shopping Festival 2018, a livré son premier colis en... 12 minutes. Dans le commerce physique aussi, Alibaba excelle avec sa livraison en moins de 30 minutes depuis ses hypermarchés. Les employés remplissent les sacs avant de les hisser jusqu'à des crémaillères qui circulent au-dessus des rayons.

Concrètement, il s'agit de magasins-entrepôts, dans lesquels les salariés font les courses pour les clients qui ont passé commande via l'application du magasin (ces achats en ligne représentent plus de 50% du chiffre d'affaires). Les sacs disparaissent ensuite derrière un mur, où leur contenu est conditionné pour être livré. Pour mettre en place ce process, Alibaba a beaucoup investi: on estime à 1,5 million de dollars le montant moyen pour équiper chaque établissement avec des racks logistiques. Ce concept de magasin-entrepôt ayant fait ses preuves, il s'est propagé au non-alimentaire. Même des acteurs français comme Decathlon procèdent désormais de cette façon en Chine.

Mais ce modèle se développe également sous l'impulsion de l'abonnement. "Amazon Prime est passé par là, avec sa formule d'abonnement qui impose de nouveaux standards, analyse Philippe Nobile, directeur chez The Boston Consulting Group. De fait, alors que le commerce en ligne se banalise, payer au coup par coup pour chaque livraison devient de moins en moins acceptable pour les consommateurs. S'acquitter d'un forfait annuel, en revanche, fait sens. Ils peuvent alors faire leur e-shopping librement, sans se soucier des frais supplémentaires, comme dans un magasin physique."

Selon une étude, 29%(2) des consommateurs estiment qu'ils consommeront encore davantage par abonnement dans les deux prochaines années. En Chine, ce chiffre culmine à 53%. Preuve s'il en est que le business model basé sur l'abonnement est en train de se généraliser.

À savoir
Selon une étude d'eMarketer, les ventes de l'e-commerce passeront la barre des 4000 milliards de dollars en 2020. Cette croissance sera principalement soutenue par le développement de places de marché globales. Celles-ci constituent clairement un business model d'avenir pour les retailers! (rapport McFadyen Digital, 2018).

Livraison express, abonnement... tous ces services font partie intégrante du new retail aujourd'hui, où l'expérience d'achat dans son ensemble est transformée. "Le commerçant doit tout faire pour que son magasin devienne un lieu de destination, poursuit Geoffroy Noël. Pour plaire aux shoppers, il doit sortir de ses schémas traditionnels, délivrer de nouveaux services, mais aussi proposer une expérience divertissante." En Chine, cela passe beaucoup par le jeu. "Dans certains établissements, on trouve des box gaming, où les clients peuvent gagner des échantillons", indique-t-il.

À New York, Nike met l'accent sur l'aspect ludique, avec l'installation de terrains de basket dans ses flagships. En misant sur le jeu et l'affectif, les retailers confèrent une dimension relationnelle à la relation client. Des animations rentables qui leur permettent de se démarquer de la concurrence, tout en développant de l'engagement client. Bien sûr, il est plus facile pour les pure players s'équipant de réseaux de procéder à toutes ces transformations. N'ayant pas de passifs, ils sont plus agiles. Pas de barrières internes, ni intellectuelles, contrairement aux retailers traditionnels, obligés de réaliser des changements d'habitudes de fond.

"Or, la clé du succès réside dans la vitesse d'exécution. Ce qui suppose d'avoir les bonnes expertises. Ce qui veut dire qu'il faut s'organiser vite pour faire les recrutements nécessaires et se réorganiser en interne", prévient Philippe Nobile. Le premier distributeur mondial, Walmart, constitue une bonne illustration en la matière. En multipliant les acquisitions de DNVB (digital native vertical brands), comme Bonobos ou Modcloth, il intègre très vite des compétences clés dans le Nouveau Monde: relation client et animation de communautés, gestion des influenceurs, gestion de la data, logistique du dernier kilomètre... Et Philippe Nobile d'insister: "La rapidité de transformation est vitale. Sinon, c'est la faillite assurée: plus le retailer est lent à changer, plus il reste dans son business classique (qui connaît un trafic en berne et des ventes en baisse). Résultat, il ne trouve pas de relais de croissance sur l'e-commerce et l'omnicanal." C'est pourquoi il doit revoir son modèle et investir.

Dans les réseaux physiques, qui représentent encore entre 80% et 90% du business. "C'est pourquoi il faut consolider ces réseaux. Mais il faut aussi anticiper la montée en puissance de l'e-commerce, ce qui passe par la rationalisation du parc." C'est l'exemple du multispécialiste Argos, qui a fermé quelques magasins et en a ouvert d'autres, différents. "La logique est de travailler les formats pour optimiser les loyers, tout en ayant un impact commercial le plus important possible", conseille Philippe Nobile. Il faut aussi, bien entendu, investir dans l'omnicanal. La technologie s'avère la priorité numéro un, la logistique la seconde. Alibaba et Amazon, qui excellent dans les deux domaines et monétisent leur savoir-faire, vont proposer leurs services technologiques et logistiques à d'autres enseignes. C'est aussi le cas d'Ocado. De la même façon, il est possible de monétiser des espaces autour de médias. Cela fait partie des nouveaux modèles économiques. En France, on note l'arrivée des nouvelles régies publicitaires, ConsoRégie (Leclerc), Carrefour Média (Carrefour), Imediacenter (Auchan), Retailink (Fnac Darty)...

8 Conversationnel, la voie à suivre

Chercher des capacités d'investissement est le nouveau mot d'ordre des retailers: "Comme dans le développement de marques propres, indique encore Philippe Nobile. C'est particulièrement vrai dans l'alimentaire, car c'est idéal pour tirer parti de l'exclusivité de l'offre et faire de la marge. Mais les retailers doivent aussi regarder du côté des places de marché... pour capitaliser sur une marque forte et attirer un trafic de qualité." Le mouvement est d'ailleurs bien amorcé, comme le montre une étude publiée par Xerfi(3). Le poids des places de marché dans le volume d'affaires global des principaux sites marchands en France devrait ainsi atteindre 33% en 2021, contre 15% en 2013.

Reste le conversationnel. Recourir à la voix dans le commerce digital va aller de pair avec un nouveau modèle économique où le distributeur sera au domicile du client. "La voix sera très clairement le modèle économique de demain", prédit Philippe Nobile. Déjà, rien qu'en France, 21%(4) des consommateurs l'utilisent chaque semaine. Et pour 61% des répondants, la recherche vocale deviendra importante à l'avenir. "Plus cette technologie va se perfectionner, plus elle s'intégrera à nos habitudes quotidiennes de consommateurs", conclut-il.

(1) Baromètre 2019 des médias sociaux d'Harris Interactive.

(2) Étude de Zuora, spécialiste du secteur, menée par Harris Poll.

(3) "Les marketplaces BtoC et leur écosystème", Xerfi, 2018.

(4) "Uberall Voice Search Readiness Report", 2019.

L'abonnement a le vent en poupe

34% des personnes sondées à l'échelle mondiale envisagent d'intensifier leur recours à l'abonnement.
53% en Chine.
* Étude de Zuora, spécialiste du secteur, menée par Harris Poll.





Qui dit new retail dit distribution recentrée autour de trois éléments fondateurs: le social commerce, la livraison ultra rapide et la gamification. Ce qui impose aux retailers de revoir leurs business models.

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