Odigeo : objectif croissance et rentabilité
Résultats passés au vert en 2015, projets sur le mobile, la data, les services : Odigeo déploie sa nouvelle stratégie sur tous les fronts. Entretien avec Quentin Bacholle, son DG France.
Je m'abonne- Pouvez-vous nous présenter le groupe Odigeo ?
C'est un groupe leader dans la vente de billets d'avion sur Internet. Un champion européen qui est né de la fusion en 2011 de trois marques : eDreams, Govoyages et Opodo. Deux autres marques font partie du groupe, Travellink, une marque située dans les pays nordiques, et Liligo, un comparateur racheté en 2013. Odigeo est le groupe qui vend le plus de billets d'avion sur Internet avec l'inventaire d'offres le plus large, le meilleur prix et un accent très fort mis sur la qualité de service. Le groupe est implanté dans 44 pays, essentiellement des pays européens, plus un développement dans des pays plus éloignés comme les États-Unis, le Brésil, l'Argentine, l'Australie et l'Afrique. L'actionnariat du groupe est mixte entre les fonds d'investissement et une partie d'actionnariat qui revient au management.
- Quelle est l'origine du groupe ?
C'est un groupe européen multiculturel. Le siège du groupe est basé à Barcelone mais néanmoins, le groupe est né de la fusion de Govoyages, qui était très franco-français, d'Opodo, qui était implanté notamment en Angleterre et en Allemagne, et d'eDreams, qui était plus présent sur l'Europe du Sud, essentiellement en Espagne et en Italie. Quant au profil des personnes dans le groupe, il est très international. Notre CEO est américain, notre CTO canadien, notre CFO espagnol... Sur 17 personnes au comité de direction, près de 10 nationalités différentes sont représentées.
- Vous avez publié vos résultats le 31 mars 2016. Quels faits marquants de l'année écoulée marquent le retour à la croissance d'Odigeo ?
"Notre investissement technologique chez Odigeo est de plusieurs dizaines de millions d'euros tous les ans."
Ces résultats sont la confirmation que la stratégie mise en place par notre CEO, Dana Dunne, arrivé à ce poste en janvier 2015, fonctionne. Sur le dernier exercice, nous avons enregistré une forte augmentation des réservations (+ 10 %) et de l'EBITDA (+ 6 %). Le bénéfice net du groupe a atteint 20,10 M€ en augmentation de 50 % par rapport à l'année précédente. La stratégie est basée autour de quatre axes majeurs : la qualité du service au client, le mobile, l'offre dynamique - c'est-à-dire l'association au produit historique qu'est la vente de vols d'autres produits comme l'hôtellerie - et l'optimisation de nos canaux marketing. C'est autour de cette stratégie que le groupe a retrouvé une croissance et une profitabilité.
- Comment, concrètement, procédez-vous pour placer le client au centre de votre stratégie ?
Il y a de nombreux développements en cours. Nous souhaitons pouvoir accompagner le client dans toutes les phases de son parcours d'achat avec une qualité de service irréprochable. Lorsqu'un client appelle, on répond en moins de 40 secondes dans 95 % des cas. Une partie du service client est internalisée et l'autre externalisée. Nous répondons à 60 % des e-mails en huit heures et à 95 % en 24 heures. Je parle, bien sûr, d'une réponse qualifiée. Nous avons, pour parvenir à ce résultat, beaucoup investi et centralisé nos call centers, mis en place des outils communs sur l'ensemble des marchés et développé des bonnes pratiques repérées dans certains pays et répliquées sur les autres...
- Vous êtes innovant sur le canal mobile. Comment ?
Le mobile est en effet un autre axe majeur. Nous avons récemment développé un service qui indique aux voyageurs que l'enregistrement de leur vol est ouvert, leur comptoir d'enregistrement et leur donne des informations pratiques gratuitement via des notifications push. Nous offrons également des guides des destinations de voyage. L'investissement technologique d'Odigeo est de plusieurs dizaines de millions d'euros tous les ans. Et nous investissons en permanence car dans notre domaine, le service que nous devons apporter au client et la technologie évoluent excessivement rapidement. Enfin, nous avons développé des espaces dédiés à nos clients sur le site. Nous savons qu'un client a des habitudes et des destinations préférées. En se connectant, il peut retrouver ses commandes en cours, modifier ses billets, retrouver ses trajets favoris, et cela automatiquement. Un système de tchat a également été mis en place. Nous avons donc développé sur nos sites énormément de services et une offre qui répond aux besoins et attentes fortes de nos clients.
- Vous êtes leader sur la vente de billets d'avion, quels sont vos autres points forts ?
Outre la qualité du service client et nos actions sur le mobile, la stratégie du groupe repose également sur l'offre dynamique. C'est l'un des éléments forts que nous avons initiés il y a plus d'un an, maintenant. L'offre dynamique consiste à utiliser notre métier historique, la vente de billets d'avion, comme une porte de supermarché ou un parcours Ikea. Les clients qui réservent un voyage sur Internet ont l'habitude de réserver d'abord un billet d'avion puis un certain nombre de prestations. Nous voulons mettre en place un système vertueux pour le client, pour l'utilisateur et pour Odigeo. L'idée est de faire l'ensemble des opérations de préparation sur un seul site. Après la réservation du billet, vous allez pouvoir préparer un transfert, prendre une assurance, réserver des nuits d'hôtel, etc. Et cela de façon dynamique et sans contrainte.
- Vous revendiquez le placement prix le moins cher du marché. Mais la transparence des tarifs sur Internet rend toujours perplexes de nombreux consommateurs...
"Odigeo est connecté à 450 compagnies aériennes. C'est cette puissance de négociation sur des volumes importants qui fait que nous sommes les moins chers."
Nous travaillons avec les autorités de protection des consommateurs pour comprendre comment faire évoluer nos prix pour avoir un maximum de clarté pour nos clients mais nous collaborons aussi avec des associations de consommateurs comme l'UFC-Que choisir ou 60 millions de consommateurs... Ces canaux de remontée d'informations de la part des clients sont précieux. Nos affichages de prix au cours des dernières années ont considérablement évolué et cela toujours avec le souci d'être de plus en plus clairs. Odigeo est connecté à 450 compagnies aériennes. Nous négocions auprès de ces compagnies des tarifs avantageux que nous répercutons à nos clients. C'est cette puissance de négociation sur des volumes importants qui fait que nous sommes les moins chers.
- Comment faites-vous évoluer le site ?
Nous avons connu une grosse phase de changement, l'été dernier. C'est que nous appelons le "one front". Un nouveau site a été mis en place en mai 2015 pour Govoyages, en juillet 2015 pour Opodo puis en septembre pour eDreams. Nos sites ont évolué de manière très profonde dans le parcours d'achat qu'ils proposent. Nous avons parallèlement développé une technologie qui fait évoluer les sites rapidement en termes d'affichage, d'ergonomie... Autour de ce projet, nous avons déployé une organisation agile avec des équipes dédiées à certains sujets.
- Quelles sont les spécificités du marché français ?
La vente de voyages sur Internet, en France, est le marché le plus mature dans l'e-commerce. Plus mature que les médias, que la distribution de mode, etc. Aujourd'hui, sur ce marché, 49 % des clients réservent sur Internet. Cela laisse une marge importante de progression. À horizon cinq à dix ans, on peut imaginer qu'on sera proche des 70 %. Le marché n'est donc pas encore à saturation. Concernant le mobile, 19 à 20 % des gens réservent aujourd'hui via ce canal. Chez Odigeo, nous sommes à 25 % de réservations par mobile contre 14 % il y a un an. La croissance est très soutenue. On constate également que les Français continuent de voyager énormément. Il y a une forte demande pour les voyages, même si le budget se réduit. Enfin, le marché est mature en termes de distributeurs. De gros acteurs sont présents depuis longtemps.
- Quelles sont les synergies entre vos trois marques principales ? Sont-elles parfois concurrentes ?
Sur le marché français, les trois marques eDreams, Govoyages et Opodo sont présentes. Ce n'est pas le cas dans tous les pays européens. En Allemagne et en Italie, seules deux sont présentes. Nous nous sommes posé la question de savoir s'il était intéressant d'avoir trois marques. Et la réponse est oui. Assurément oui. Ces trois marques se sont en effet développées séparément et avec leurs propres caractéristiques. Aujourd'hui, lorsqu'on interroge les visiteurs de nos sites, ils sont toujours très attachés à cette identité des marques. Si je résume, Govoyages est la marque franco-française, très orientée famille, avec une offre de package importante. Opodo est la plus premium en France, celle qui vend la proportion la plus importante de long-courrier avec un panier moyen plus élevé. Quant à eDreams, en schématisant, c'est l'opposé d'Opodo. C'est une marque plus jeune et marquée low cost affectionnée par un large public d'étudiants. Les offres sur ces trois marques ne sont pas présentées de la même façon, car elles s'adressent à des visiteurs spécifiques. Pour autant, nous recherchons la profitabilité et les synergies entre ces différentes marques. La première synergie se fait sur la relation auprès des compagnies aériennes. La volumétrie d'un groupe comme Odigeo, sur la vente de billets d'avion mais aussi sur l'hôtellerie, est la plus importante. Cela nous donne un poids très important auprès des compagnies aériennes. La deuxième synergie se fait sur le back-office. Les technologies développées sont communes, ce sont des technologies propriétaires. Nous avons plusieurs centaines de développeurs dans nos équipes...
- Comment gérez-vous les datas ?
Tous les ans près de quatre milliards de recherches sont effectuées sur nos sites pour l'ensemble du groupe. Chaque heure, des robots font plus d'un milliard de calculs. Quand vous avez accès à autant de données, vous pouvez comprendre le parcours d'achat des consommateurs. Et chacun a le sien.
- Quelle est la structure du groupe en France ?
Le groupe Odigeo compte 150 personnes en France. Tous les métiers sont représentés : IT, développement, marketing, pricing, CRM, finance, RH. Et dans le monde, nous avons 1700 salariés. L'entreprise est jeune (moyenne d'âge entre 30 et 35 ans), passionnée, et chacun est capable de sortir de son domaine de compétence pour enrichir l'ensemble.
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