Comment Etam, Carrefour, La Redoute et Eram utilisent l'IA
Quel rôle de l'IA dans le commerce de demain ? Retours d'expériences avec Jean-Bernard Della Chiesa, directeur innovation du groupe Etam, Amélie Oudéa-Castera, directrice e-commerce et digitale du Groupe Carrefour, Eric Courteille, co-président de la Redoute et Renaud Montin, CTO d'Eram.
Je m'abonne"Nos métiers de commerçants nous obligent à nous transformer en permanence", pointe d'emblée Eric Courteille, co-président de la Redoute. Consacrée à l'intelligence artificielle, sur le thème "Vers un commerce performant et responsable ?", l'Alliance du Commerce, qui regroupe 27 000 enseignes d'habillement et de chaussure, a organisé mardi 2 juillet sa Rencontre annuelle, à Paris.
Eric Courteille, co-président de la Redoute, Jean-Bernard Della Chiesa, directeur innovation du groupe Etam, Amélie Oudéa-Castera, directrice e-commerce et digitale du Groupe Carrefour et Renaud Montin, directeur de la transformation numérique d'Eram ont présenté des cas concrets d'usage d'intelligence artificielle au sein de leur commerce.
L'enjeu de la data pour le prédictif
12 000 points de vente dans le monde, 4 000 en France, mais aussi 13 millions de transactions quotidiennes soit 4,5 milliards par an, l'enjeu de la data est clé au sein du Groupe Carrefour. "Parmi nos chantiers data, nous réalisons actuellement un travail de base sur les fondations, en mariant la connaissance client à travers les environnements digitaux et physiques, souligne Amélie Oudéa-Castera, directrice e-commerce et digitale du Groupe Carrefour. Néanmoins, nous avons la chance qu'historiquement notre Groupe ait bien réussi ses programmes de fidélité. Parmi nos 104 millions de ménages clients, 60 millions sont enrôlés dans nos programmes. Cela nous permet d'avoir une très bonne complétude de données sur ces consommateurs. Pour autant, l'organisation de la donnée chez Carrefour a pris beaucoup de retard."
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Dans le cadre du plan de transformation digitale Carrefour 2022, le distributeur français a noué un partenariat avec Google en créant un lab commun, à Paris, depuis un an. Les projets portent notamment sur l'intelligence artificielle et le machine learning dédiés au retail. "Nous avons déterminé 70 use cases prioritaires, avec dix cas très concrets comme la rupture en linéaire, l'optimisation de l'assortiment pour les formats de proximité, la personnalisation des coupons ou la prévision des ventes e-commerce pour préparer les commandes, la qualification automatisée de notre assortiment, indique Amélie Oudéa-Castéra. L'intelligence artificielle nous offre la possibilité d'aller plus vite."
De son côté, Etam se sert de l'IA pour sonder ses clients avant la même sortie du produit. "Nous avons tous le syndrome de l'acheteur qui se retrouve face à 2 000 propositions de ses stylistes et qui doit en sélectionner 200, choisir ses marchés, etc., explique Jean-Bernard Della Chiesa, directeur innovation du groupe Etam. Lorsque la décision est prise, une grande partie de la saison est jouée. Aussi, nous avons mis en place un Tinder des produits." L'objectif est d'analyser le comportement du client dans sa réaction face aux produits proposés, de façon anonymisée (a-t-il pris le temps de répondre, qui est-il ? à quel moment regarde-t-il le produit ? etc.). "Nous avons développé un machine learning afin de fournir ses informations aux chefs de produits pour identifier les futurs best-sellers", pointe Jean-Bernard Della Chiesa.
La démultiplication des capacités offertes par l'IA
"Nous nous sommes tous lancés dans la démultiplication des capacités offertes par l'intelligence artificielle notamment pour l'assistance au client sur internet ou avec les assistants vocaux", note Jean-Bernard Della Chiesa, directeur innovation du groupe Etam au chiffre d'affaires d'un milliard d'euros. L'autre enjeu est d'améliorer ce que nous faisons aujourd'hui : en commandant, en achetant et approvisionnant mieux nos magasins. L'IA entraîne une vraie remise en question du métier."
Concrètement, Etam a mis en place un algorithme qui détecte les signaux faibles de produits qui "marchent discrètement- car pas suffisamment mis en valeur ou en faibles volumes- mais font la différence", précise le directeur innovation. L'intelligence artificielle scrute alors en permanence tous les tickets de caisse des magasins et du site e-commerce. "Ces informations sont transmises en temps réel à l'ensemble de nos points de vente pour qu'ils puissent insister dans les ventes sur tel ou tel article ", souligne Jean-Bernard Della Chiesa.
Une transformation culturelle
"Le défi majeur de l'IA est culturel, analyse Eric Courteille, co-président de la Redoute. Tous ces outils permettent à l'ensemble des équipes de se poser de nouvelles questions. D'un point de vue managérial, nous avons la responsabilité de montrer à nos collaborateurs que l'IA ne doit pas être un repoussoir mais qu'il faut l'adopter à nos métiers de commerçants pour être plus performants. L'IA est un outil pas une fin en soi."
Jean-Bernard Della Chiesa alerte sur la mystification de l'IA. "Le mot intelligence artificielle est surfait, note Jean-Bernard Della Chiesa, directeur innovation du groupe Etam. L'IA est un système apprenant, elle doit absorber beaucoup de volumes pour qu'elle puisse constater quelque chose."
Même vision dans le Groupe Eram aux 1 000 points de vente. "Nous devons démystifier l'intelligence artificielle. Chez Eram, nous avons une approche très pragmatique et séquencée par rapport à ce sujet, explique Renaud Montin, directeur de la transformation numérique. Nous devons acculturer nos équipes. Le collectif est fondamental pour créer de la valeur. Nous sommes en train de réinventer des choses qui n'existaient pas." L'enseigne travaille ainsi sur la mesure des émotions sur son site e-commerce avec la start-up Datakalab. Cette solution est capable d'identifier les niveaux d'attention et d'engagement émotionnel pendant le parcours des clients sur le site. Ces métriques comportementales sont croisées avec les données collectées par IBM Tealeaf, son partenaire, sur toutes les interactions des visiteurs du site (clic, remplissage de champ de saisie, déplacement de la souris...). Pour Eram, l'objectif est de merchandiser différemment ses produits.