L'emballage se met au vert
Écoresponsabilité, ergonomie, packaging connecté et omnicanal... Les acteurs de l'emballage innovent et se divisent sur le "zéro plastique".
Je m'abonneAccusé de peser lourdement dans le bilan carbone, l'emballage contre-attaque et s'engage activement dans la voie de l'écoresponsabilité. "Nous sommes confrontés à quatre tendances de fond en pleine accélération, précise Alexis Clarke, directeur de l'offre et de la supply chain du groupe Manutan: le recyclé et le recyclable, l'ergonomie et l'évolution vers des packagings omnicanaux." Ainsi, sept Français sur dix se disent désormais préoccupés par le sujet des emballages, tandis que 60% estiment recycler davantage qu'il y a cinq ans, selon une étude menée par le papetier britannique DS Smith, en partenariat avec l'ObSoCo.
Les innovations en ce sens ne manquent pas: Manutan lance ainsi des particules de calage biodégradables fabriqués à partir de polystyrène recyclé et recyclable. L'ensemble contient 99,6% d'air pour 0,4% de polystyrène. De même, l'entreprise produit désormais un film étirable biologique composé à 50% de matières premières renouvelables issues de la canne à sucre. "Nous pensons que la législation évoluera à l'avenir pour taxer beaucoup plus fortement la production de matières insuffisamment recyclées", prévoit Alexis Clarke. Dans la même veine, le packaging Scelpac, à destination des e-commerçants et produit par Smurfit Kappa, autre poids lourd du secteur, est entièrement composé de fibres et contient un dispositif de calage capable de bloquer les produits à partir d'une feuille de papier collée au carton, que l'on froisse en refermant ce dernier.
"L'ensemble de la filière se sent concerné par son empreinte environnementale", renchérit Ulrick Parfum, directeur achats et marketing produits groupe de Raja. L'entreprise mise sur des packagings monomatériaux, plus faciles à recycler, à l'instar des coussins d'air (utilisés pour le calage des produits) en fécule de pomme de terre, une matière renouvelable. Les plaques de polystyrène sont supprimées et remplacées par des solutions en carton recyclé.
Pour ou contre le "sans plastique"?
Plus largement, la chasse au plastique est engagée. Ainsi, 77% des consommateurs européens accepteraient de payer plus cher pour recevoir leurs produits dans un contenant qui serait plus respectueux de l'environnement, selon une étude menée par DS Smith en Europe en 2019. Une voie vertueuse au regard du million et demi de tonnes de plastiques qui pourrait être remplacé chaque année par du carton. "Sur 20 millions de tonnes de plastique produits par an, 40% proviennent de l'emballage", confirme Armand Chaigne, directeur marketing et commercial de DS Smith.
Sur la suppression du plastique, les positions des acteurs divergent. Parmi les optimistes, Raja voit le plastique (du moins sa version monomatériau, via le polyéthylène et téréphtalates ou le rPET) comme une matière "en voie de normalisation", grâce notamment à l'extension des consignes de tri en 2025 en Europe. Gérard Mathieu, directeur marketing et innovation de Smurfit Kappa, affirme également que "le plastique n'est pas voué à la disparition", en raison de sa capacité à faire barrière aux gaz, pour la préservation de certains aliments.
À l'inverse, Manutan et DS Smith se posent en détracteurs du plastique, considéré comme totalement suppressible. En tant qu'élément de calage, il est remplacé par un carton parfaitement adapté à la hauteur du produit, afin de bloquer ce dernier lors de la fermeture. Ainsi, Manutan construit actuellement un entrepôt doté d'une chaîne automatisée, en supprimant purement et simplement tous les plastiques, y compris le plastique bulle. "En 14 jours, un emballage carton redevient un nouvel emballage, affirme Armand Chaigne. Il est sept fois recyclable et à 85% recyclé. Tandis que le plastique n'est recyclé qu'à 42%(1)." Une volonté nullement incompatible avec celle de créer des packagings expérientiels haut de gamme, à l'image de la collaboration entre DS Smith et une marque d'huile d'olive. Des impressions intérieures sont apposées sur le carton, via un contrecollage offset.
Faciliter la manutention et les retours
Autre tendance phare, la transformation du packaging en phase avec les évolutions de la supply chain (emballages omnicanaux) et les préoccupations ergonomiques. Ainsi, Raja développe des emballages aller et retour munis d'une double fermeture adhésive, permettant aux clients de renvoyer les produits sans détériorer le packaging. De même, l'entreprise développe des pochettes plastique opaques munies d'une poignée pour faciliter la récupération des achats dans les consignes, dans une logique de click-and-collect. Les emballages omni-canaux visent à éviter la surmanutention pour les drive, les drive piétons, la livraison à domicile, voire les magasins éphémères et sont facilement palettisables. "La France compte 10 millions de jours d'arrêt de travail dus aux TMS (source: INRS) pour un coût estimé entre 800 millions et un milliard d'euros de coût annuel", rappelle Alexis Clarke.Manutan étant spécialisé dans les matériaux et emballages B to B, au-delà des difficultés liées à la manutention, les innovations des acteurs visent à faciliter l'automatisation.
Ainsi, Smurfit Kappa développe la technique du "box-on-demand". De longues planches de carton plié en accordéon remplacent les boîtes. Les produits de chaque commande sont empilés et mesurés par une machine, qui crée un colis au bon format. "Cette tendance se développe surtout chez de gros opérateurs, tempère Gérard Mathieu. Si le box-on-demand a l'avantage de s'adapter à chaque commande, il possède tout de même de nombreux inconvénients: les équipements sont coûteux et nécessitent une volumétrie importante. L'expérience client est limitée et il est impossible d'insérer du calage automatiquement. Par ailleurs, ces contenants ne permettent pas le retour colis."
Enfin, l'emballage intelligent, longtemps annoncé, fait timidement son apparition, notamment dans le cadre de la lutte contre la contrefaçon. Ainsi, DS Smith imprime désormais un QR code unique sur chaque emballage afin d'identifier les packagings individuellement et non plus les palettes. De même, la start-up nantaise LivingPackets concilie écologie et smart packaging via la nouvelle version de son produit "The Box": utilisable pour 1 000 envois en moyenne, il intègre un écran affichant l'adresse du destinataire, le code-barres, le nom de la société de transport et peut être mis à jour via une application durant l'expédition (connexion 4G, GPS et Wi-Fi). Des capteurs d'ouverture, un vérificateur de température et une caméra embarquée permettent de surveiller le colis jusqu'à son arrivée. Ergonomie, écoresponsabilité et innovations technologiques ne sont donc pas forcément inconciliables.
(1) Étude DS Smith-White Space.
Seuls 36% des Européens pensent que les retailers et les marques agissent suffisamment pour créer des emballages écoresponsables(1).
2022: extension des consignes de tri en France: les emballages ménagers pourront être jetés dans la poubelle jaune.
7 Français sur 10 se disent dorénavant préoccupés par le sujet des emballages, majoritairement (55%) par les emballages en plastique.
Source: étude Obsoco et DS Smith, 2019