Quand la réglementation freine les initiatives des enseignes de la grande distribution en matière de durabilité
Les trois grands patrons des enseignes françaises de la grande distribution - Carrefour, Leclerc et les Mousquetaires - ont pris la parole lors du Perifem Day, organisé par la fédération technique du commerce. D'une seule voix, ils ont condamné l'empilement de lois et réglementations encadrant la RSE qui a, selon eux, un effet néfaste et contreproductif.
Je m'abonneÀ l'occasion de la 5e édition du Perifem Day, organisé par la fédération technique du commerce,, les enseignes de la grande distribution sont revenues sur leurs progrès en matière de développement durable. Pour Bertrand Swiderski, chief sustainability officer chez Carrefour et président de Perifem, les commerçants ont une responsabilité indéniable quant à l'empreinte carbone du pays : "Nous avons la chance d'avoir l'oreille des ministres et autres pouvoirs publics, c'est pourquoi il est de notre devoir d'innover et de trouver des solutionsa pour décarboner notre industrie."
Si la collaboration entre retailers est primordiale, Alexandre Bompard, PDG du groupe Carrefour, regrette les freins que représente la réglementation. Il illustre son propos avec l'exemple des normes régissant le photovoltaïque : "On nous demande d'équiper la majorité de nos points de ventes de panneaux solaires d'ici à trois ans, alors que nous n'en produisons pas en France. Il nous faudrait donc nous approvisionner en Chine, qui n'a même pas la capacité industrielle de produire le volume nécessaire. En matière d'impact du transport et de souveraineté, c'est catastrophique et c'est l'exemple parfait de l'absurdité à la française."
Le groupe n'a pas attendu que des lois régissent la baisse de consommation d'énergie pour se mettre au travail. Dans le cadre de son plan Carrefour 2026, l'enseigne a mis en place une "industrialisation de l'économie d'énergie", qui consiste à investir dans des solutions afin de réduire la facture. "En deux ans, nous avons baissé notre consommation d'énergie de 22 %, raconte Alexandre Bompard. Pour y parvenir, nous avons investi dans des LEDs, la fermeture de nos meubles froids ainsi que dans la formation de nos équipes opérationnelles..."
Pour Michel-Édouard Leclerc, PDG du groupe éponyme, la réglementation commence à poser un sérieux problème de temporalité. "Il y a une véritable inadéquation entre l'urgence climatique et le temps que nous devons passer à détricoter des lois qui finissent par nous empêcher de mener des actions positives." Il évoque l'installation de bornes de recharge électrique, qui sera sans doute rendue inutile par une nouvelle loi demandant des modèles différents : "Nous cherchons des solutions, nous nous mettons au travail et les producteurs de législation viennent régir des choses qui se passent bien, nous mettant ainsi des bâtons dans les roues." Pour lui comme Alexandre Bompard, la solution est simple : les pouvoirs publics doivent mieux communiquer avec les enseignes. "Ils veulent que nous décarbonions notre industrie et écrivent des textes sans nous consulter. Pourtant, nous connaissons notre secteur, ses contraintes et ses besoins, nous sommes les mieux placés pour porter l'innovation qui nous permettra d'atteindre le net zéro."
La RSE ne doit pas se répercuter sur les prix
Si la complexité des normes françaises et leurs contradictions représentent des freins à l'innovation, ce n'est pas le seul problème pour Thierry Cotillard, PDG du groupement les Mousquetaires. Il dénonce des législateurs qui posent des contraintes sans apporter d'aides : "Nous manquons encore d'équipement dans 30 ou 40 % de nos points de ventes en France, c'est dommage que le gouvernement n'ait pas renouvelé l'aide fiscale qui nous servait à cela", s'amuse-t-il. Pour la décarbonation de ses magasins, le patron des enseignes Intermarché et Netto prévoit un investissement entre 6 et 10 milliards d'euros. Un coût qu'il estime ne pas pouvoir porter seul : "Si les pouvoirs publics ne nous aident pas, pour que nos entreprises continuent à fonctionner, cet investissement va se répercuter sur les prix, gonflant encore l'inflation et venant pénaliser une fois de plus le consommateur."
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Une éventualité inadmissible pour Alexandre Bompard, qui insiste sur le fait que le rôle des enseignes est de trouver des solutions écoresponsables accessibles à tous : "la RSE est une véritable attente chez les consommateurs, la durabilité doit donc être à la portée de toutes les bourses."