[Focus] L'e-commerce au Brésil à la loupe
bpost International, spécialiste des solutions de livraison à l'international à destination des e-commerçants, partage sa dernière étude pays en exclusivité avec les lecteurs d'E-commerce Magazine. Cap sur le Brésil.
Je m'abonneOn connait avant tout le Brésil pour son carnaval, sa samba et ses prouesses footballistiques, mais le pays n'est pas en reste sur le plan de l'e-commerce et il fait d'ailleurs partie des pays émergents à surveiller.
Il représente à lui seul la moitié du territoire de l'Amérique du sud et partage des frontières avec tous les autres pays qui la composent, à l'exception?du Chili et de l'Equateur. Ce qui fait de lui un marché opportun et un acteur important du sous-continent américain. Les 8,69 milliards d'euros de recettes générées en 2013 placent l'e-commerce brésilien en 10ème position dans le classement mondial et en font le plus important marché d'Amérique latine. Selon les prévisions, il devrait même atteindre les 18,17 milliards d'euros en 2017.
Historiquement, on a tendance à attribuer le succès de l'e-commerce aux classes les plus aisées ou à la croissance de la classe moyenne. Désormais, les consommateurs?les moins nantis pratiquent également le shopping en ligne. Les cyberacheteurs dotés d'une éducation supérieure ne comptent d'ailleurs plus que pour 37%.
Les e-shoppers brésiliens seraient au nombre de 32,9 millions, et représentent 36,4% des acheteurs en ligne de toute l'Amérique Latine.
Il convient de préciser que 65% des ventes en ligne seraient faites à crédit.?Concernant la répartition hommes-femmes, elle est légèrement favorable à ces dernières (55% contre 45%). L'âge moyen se situe quant à lui entre 30 et 39 ans.
Un énorme cyber appétit et des opportunités pour la publicité en ligne
Par rapport à leurs voisins d'Amérique du sud, 88,4% des internautes brésiliens passent énormément de temps sur des sites d'information et des blogs, principalement à?la recherche d'informations sportives. Dans ce domaine, le Brésil occupe d'ailleurs la première place du classement des pays émergents BRIC (composés du Brésil, de la Russie, de l'Inde et de la Chine) et se situe loin devant la moyenne mondiale de 76,1%.
Les annonceurs sont d'ailleurs bien conscients de cette énorme consommation et?on assiste à un glissement des investissements publicitaires en faveur des?" paid searchs advertisings" (référencement payant). En 2014, on s'attend dans ce secteur à des investissements de l'ordre de 850 millions d'euros. Et lorsqu'on voit que?les taux de clics sur ces publicités sont particulièrement élevés (2,4% en moyenne, alors qu'à titre de comparaison ils n'excèdent pas les 2% aux Etats Unis), on comprend que ces investissements devraient continuer à augmenter de 57,3% d'ici à 2017.
Cette habitude de recherche d'informations se ressent également dans le taux de fréquentation des sites d'e-commerce qui concerne 77,3% des internautes brésiliens, largement au-dessus de la moyenne mondiale de 74,4%.
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Mais fréquentation et achats ne vont pas encore forcément de pair et, à titre d'exemple, les ventes en ligne dans le secteur du voyage ne représentent aujourd'hui qu'un quart des ventes totales du secteur. Ce qui atteste du potentiel latent de l'e-commerce au Brésil. Les principaux freins seraient des craintes nourries par rapport à la confidentia- lité et la sécurité. Ces chiffres devraient cependant augmenter de 34,2% en 2014 sous l'impulsion de la frénésie brésilienne autour du football et le fait que la coupe du monde aura lieu dans 12 villes largement dispersées dans le pays.
Et lorsqu'il achète effectivement en ligne, qu'achète l'e-shopper brésilien ? Comment paie-t-il et quelles sont ses attentes en matière de livraison? Jusqu'en 2012, en termes d'achats domestiques, les appareils ménagers venaient en tête des catégories les plus achetées. Par contre, en 2013, ils ont été supplantés par la mode et les accessoires.
Concernant les achats cross-border, les Brésiliens inversent la tendance que l'on retrouve dans de nombreux marchés : la mode et les cosmétiques se voient dépassés par les appareils informatiques. Les Brésiliens se procurent?principalement leurs gadgets aux Etats-Unis et en Chine.
Pour revenir au marché domestique, on y retrouve une très forte propension à souhaiter
la livraison gratuite. En 2012, plus de 50% des commandes ont été livrés gratuitement.
Comme nous l'avons vu plus haut, une grande quantité des achats est effectuée à crédit. Pas étonnant donc de retrouver la carte de crédit comme principal mode de paiement, suivie par le système local de la Banque Centrale Brésilienne, Boleto Bancario. Lancé en 1993, ce système de paiement en ligne génère aujourd'hui 3 milliards de transactions par an, ce qui représente 30% du volume des paiements en ligne.
L'économie en ligne brésilienne pourrait-être qualifiée de mixte. Contrairement à certains autres pays émergents, aucune tendance nette ne se dégage. On ne constate pas non plus d'écrasante majorité d'acteurs locaux comme en Chine. De même qu'on?n'y retrouve pas non plus une invasion d'acteurs étrangers, comme en Espagne, en raison d'un éventuel retard local.
L'explosion du mobile et ses chiffres impressionnants
Le mobile est littéralement en train d'exploser au Brésil, ainsi qu'en attestent ces résultats impressionnants :
- Les connexions mobiles ont augmenté de 80% en cinq ans.
- Fin 2013 on comptait 18% de connections2G en moins, pour 75,9% de 3G en plus, ?par rapport aux chiffres du début de l'année.
- Les connexions prépayées déclinent, en passant de 22 à 19,5% entre 2012 et 2013, ?en faveur des contrats postpaid.
- Les ventes de téléphones portables traditionnels chutent de 33%,alors que celles ?de smartphones ont augmenté de 147% de 2012 à 2013.
- Fin 2013 on estimait à 53,5% des internautes étant également 'mobilautes'. ?Si, comme on s'y attend, cette tendance persiste en 2017, 60% de la population surferont sur internet via une connexion mobile. ?
Les tablettes ne sont pas en reste puisqu'elles constituent le 4ème appareil pour accéder internet et affichent un taux de pénétration de 39%. En 2013, pas moins de 7,9 millions de tablettes auraient été vendues, ce qui représente une croissance de 142% par rapport à l'année précédente. Avec 95% des ventes en 2013, les tablettes Android dominent littéralement le marché.
Il est intéressant de noter qu'en termes de pure navigation, le mobile semble faire tomber les barrières socio-démographiques puisque l'utilisation est assez comparable d'une classe sociale à l'autre. Pour le m-commerce en revanche, les consommateurs aux revenus plus élevés, qui étaient déjà des early adopters de l'e-commerce, semblent se sentir plus à l'aise à l'idée de dépenser leur argent sur mobile.
Pour clore ce chapitre longuement consacré au sujet, il convient de souligner qu'au Brésil le surf " mobile " ne veut pas forcément dire " sur la route ". En effet 95,6% des propriétaires de smartphones utilisent leur connexion mobile à leur domicile et 87,2% au travail.
Les points communs relevés entre les success stories brésiliennes sont résumés comme suit par Internet Retailer : la capacité à attirer de nouveaux clients et à les fidéliser avec des bonnes affaires, beaucoup de stocks et un marketing ciblé efficace. Nous verrons que c'est bien le cas en évoquant les webmarchants du classement ci-dessous.
Le plus grand groupe d'etailers brésilien est B2W Inc, lequel existe depuis 1999 et possède deux des plus grands sites de marchandise de masse, Americanas.com et Submarino.com (qui se situe à la 6eme place du classement repris ci-dessus). A l'instar d'Amazon, B2W pratique un modèle hybride puisqu'il vend ses propres produits tout en laissant d'autres marchands vendre leur marchandise sur ses sites. B2W est en compétition avec Mercado Libre, la plus grande place de marché de l'Amérique latine, et Wal Mart. Ce dernier a lancé Wal-Mart Latin America en tant que magasin à part et organisation e-commerce distincte afin de capitaliser sur cet e-commerce brésilien en croissance. Initiative qui s'avèrera judicieuse et payante puisqu'il se retrouve dans le top 5. Les principaux points d'investissement pour le groupe ont été la technologie,la logistique et le service à la clientèle.
En réponse à cette rude concurrence qui vient d'acteurs internationaux, B2W a diversifié ses services en proposant l'exécution et la livraison directes des commandes (direct order fulfillment and delivery), et en facilitant les échanges de données entre?la place de marché et les systèmes comptables des vendeurs. B2W a également ajouté quatre nouvelles lignes de marques privées concernant les produits de santé et beauté, les articles pour animaux domestiques, la papeterie et le mobilier. Parallèlement à ces nouveaux services, le géant brésilien a également fait l'acquisition d'une société de développement de systèmes de plateformes e-commerce, de développement?de recherche avancée et d'application de recommandations de produit, ainsi que de logistique et de fulfillment.
Preuve que la croissance de l'e-commerce ne bénéficie pas qu'à un petit groupe de privilégiés, l'expansion record de Kanui (25ème dans le classement d'e-commerce en Amérique Latine), un 'pure player' dont le site .com.br de vêtements et d'équipements sportifs a connu une croissance de 9000% !
Du ciblage à succès grâce au crédit accordé aux médias sociaux
Lors de notre analyse du marché nous avons relevé l'importance d'un marketing ciblé, et les médias sociaux constituent un outil totalement approprié à ce ciblage. Ils le font d'ailleurs déjà de façon efficace puisqu'en avril 2013 une étude démontrait que 69% des internautes brésiliens avaient acheté un produit ou un service suite à une publicité vue sur les médias sociaux.
Le succès des médias sociaux au Brésil est incomparable. En 2012 déjà, Comscore rapportait que 97% des internautes brésiliens utilisaient les réseaux sociaux. Et lorsqu'il s'agit de produits, ils avouent faire davantage confiance aux posts de leurs amis et/ou?de leur famille qu'aux commentaires des spécialistes. Ils sont d'ailleurs 31% à trouver que les médias sociaux sont une bonne source pour y trouver des informations sur des expériences envers des marques.
Une énergie positive autour de la chaîne logistique
Il y a peu, on aurait mis en garde les futurs intéressés par l'e-commerce brésilien sur le manque de régularisation et sur la lenteur des livraisons. Le Brésil n'occupe d'ailleurs que la 65ème place dans le classement de " l'indice de performance logistique " (Banque Mondiale) qui mesure l'efficacité du transport, des ports et du transfert de marchandises dans la chaîne logistique de 160 pays. De plus, la logistique n'échappe pas au fameux " Custo Brasil ", surnom donné aux coûts élevés qui entravent la production du pays et freinent sa croissance et son développement.
Mais la logistique ne sera plus le talon d'Achille de l'e-commerce brésilien très longtemps et on sait que la forte affluence de touristes drainée par la coupe du monde va obliger le pays à booster son aviation et son infrastructure de transports terrestres. Ce qui aura d'inévitables et heureuses répercussions sur l'e-commerce, la livraison des colis étant simplifiée et accélérée grâce à l'amélioration de l'infrastructure.
Autre signe d'une énergie positive autour de la livraison : fin 2013, l'opérateur postal national, qui est responsable de la livraison des produits de 93% des webshops brésiliens, a annoncé le lancement de son nouveau système de gestion de l'environnement. Celui-ci fait partie de la nouvelle stratégie nationale de développement durable de la poste brésilienne, visant à la gestion des déchets, la réduction des émissions de dioxyde de carbone et la protection des ressources nationales.
On assiste également à l'émergence de " passerelles de fret " qui permettent aux e-commerçants d'améliorer leurs services vis-à-vis de leurs clients finaux, allant jusqu'à la livraison gratuite. Elles permettent ainsi de combler le fossé qui existait entre les webshops, les places de marché et les transporteurs opérant dans le secteur de l'e-commerce.
A l'instar d'une passerelle de paiement, la " passerelle de fret " intègre toutes les données de la chaîne logistique et le webshop peut ainsi mettre à disposition plusieurs options pour le transport et la livraison, y compris la livraison en bureaux de poste. Les cyber- marchands utilisant l'outil voient alors le taux de conversion de leur boutique en ligne augmenté par des clients rassurés.
Et enfin, vu l'ampleur qu'a pris l'économie en ligne, le gouvernement brésilien a également compris la nécessité de mettre à jour ses règlementations, bien qu'en matière de douane nous sommes loin d'une situation favorable à l'e-commerce. Les mesures sont relativement peu stables et comptent des taux à l'importation assez élevés.
Mais geste encourageant, nous avons quand même assisté à l'instauration d'une obligation de fournir un numéro d'enregistrement et des coordonnées complètes pour le confort des clients.