Big Moustache, le pure-player qui a tout d'un grand
Créé en février 2013, Big Moustache propose de recevoir ses produits de rasage directement chez soi à des prix inférieurs à ceux de la grande distribution. Son ambition ? Bousculer le monopole de Gillette et Wilkinson. Nicolas Gueugnier, co-fondateur, nous explique cette stratégie.
Je m'abonne"Nous sommes un peu les David contre Goliath !" Il est vrai qu'en s'attaquant au monopole du rasoir mécanique en France, le défi est de taille pour la start-up parisienne Big Moustache. Si le marché est juteux avec près de 100 millions de rasoirs vendus par an, soit un chiffre d'affaires global de 550 milliards d'euros, il est détenu à 85% par les grands deux acteurs Gillette et Wilkinson et à 95% par la grande distribution."Fin 2012, nous faisions le constat avec mes amis que nous utilisions toujours le même rasoir que Gillette nous avait distribué à la sortie de la fac sans nous poser de questions", explique Nicolas Gueugnier, co-fondateur de Big Moustache.
Au même moment, une start-up américaine Dollar Shave Club propose aux États-Unis de recevoir ses produits de rasage directement chez soi dans une enveloppe. Nicolas Gueugnier et ses quatre amis associés copient l'idée pour l'appliquer au marché hexagonal dont les habitudes de consommation sont similaires. "Nous nous sommes mis à plusieurs pour aller vite car sur le web la place de leader se fait souvent au démarrage. En plus, deux autres personnes travaillaient sur le concept", précise-t-il. Très vite, Nicolas Gueugnier est le seul opérationnel tandis que les autres restent associés au projet. Ils investissent ensemble la somme de 45 000 euros.
Une communication web
Deux mois et demi plus tard, en février 2013, le site Big Moustache est lancé avec pour ambition de proposer à un prix inférieur des rasoirs (et autres produits associés) de même qualité que ceux de la grande distribution, livrés à domicile, sous forme d'abonnement sans engagement. Après un premier essai mitigé avec un fournisseur allemand, ils choisissent une filiale de Wilkinson. Ainsi en fonction des modèles, Big Moustache propose des économies de 40 à 70%. "Nos rasoirs sont moins chers car nous n'avons pas de distributeur. La grande distribution capte en effet la plus grosse partie de la marge. Et nous éliminons tout le marketing dédié aux stars ! ", indique Nicolas Gueugnier.
Pour faire le buzz, ils lancent une vidéo de présentation du concept sur YouTube qu'ils diffusent à tous leurs réseaux, mais aussi auprès de blogueurs et des médias. "Nous avons surfé sur les box découvertes, tout en travaillant avec des marques comme le Parc Astérix, IDTGV à l'occasion de la Fête des pères." Un joli coup de com' car leur offre se limitait au rasoir. "Nous avons joué sur le côté : c'est nouveau, c'est sympa et cela parle à tous. Cela a plutôt bien marché", souligne-t-il. Ils créent également leur page Facebook suivie par près de 15 000 fans, ainsi que sur Twitter avec 1 500 followers et Instagram. Ils investissent sur Google adwords pour le référencement payant. Pour leur plateforme e-commerce, ils la font eux-mêmes afin d'être totalement flexible. "Il n'existait pas de solution qui traitait de l'abonnement."
Pendant un an et demi, Big Moustache s'occupe seul de sa logistique. Quand les volumes sont devenus trop importants, la start-up a fait appel à la société coopérative et participative EBS Espérance, une filiale d'Emmaüs, qui permet à des hommes et des femmes de se réinsérer. "Ils s'occupent de la préparation des enveloppes, de la mise sous pli et de l'envoi auprès de la Poste. Nous ne voulions pas travailler avec un prestataire classique, cela fait partie de nos valeurs."
Le sitepropose aujourd'hui huit produits. Le modèle 5 lames le "Terminator" est le rasoir le plus vendu. "C'est celui qui fait 30% des ventes dans la grande distribution, chez nous c'est 70%. Il est très cher au supermarché." La crème à raser, jugée moins desséchante que les gels et mousses à raser, est leur best-seller. Quant au panier moyen, il est de 7 euros par mois sur les abonnements, le premier coffret est à 20 euros et le complet à 45 euros. Si le développement d'une application n'est pas encore d'actualité, Big Moustache travaille sur un site mobile. "Le mobile ne représente pour le moment que 10% du trafic".
Un site décalé
Pour son site, la start-up s'est beaucoup inspirée d'un autre acteur américain du secteur, Harry's. Le ton se veut léger et décalé comme le packaging des produits. "Nous voulons prendre le contre-pied des mastodontes du secteur qui ne parlent que de la perfection au masculin ! Nous pensons que notre façon de communiquer et notre service sont plus adaptés aux hommes d'aujourd'hui", jauge Nicolas Gueugnier.
Big Moustache s'est ainsi créé un univers rétro-romantique mais grand public. "Nous souhaitons nous adresser à tous : ni être sur le hipster ni sur un positionnement prix". Répartis partout en France, l'âge moyen des clients est de 41 ans. "Il faut plusieurs années pour réaliser le budget consacré au rasage", souligne-t-il. Dans leur communication, les femmes sont de plus en plus sollicitées. "Nous avons plus de visiteuses que de visiteurs sur Big Moustache. Le client final est à 90% un homme mais c'est souvent par sa compagne que l'achat se fait."
Depuis le démarrage du site, le site privilégie la proximité avec ses membres en leur demandant notamment chaque mois des retours sur les produits. Actuellement, Big Moustache compte 7 000 abonnés et une communauté de 30 000 membres qui achètent occasionnellement. "Nous n'arrivons pas encore à convertir tout le monde dans l'abonnement." Après un chiffre d'affaires de 250 000 euros en 2014, Big Moustache a pour objectif d'atteindre les 10 000 abonnés en 2015 pour être rentable. "Ce point mort devrait être atteint en juin prochain. Nous avons très peu de désabonnement."
Le site est également disponible en Belgique, en Suisse et au Luxembourg. "Ces pays représentent entre 5 et 10 % de notre chiffre d'affaires. Nous commençons à regarder l'Allemagne, le Royaume-Uni mais aussi l'Espagne". Des choix qui se feront en fonction des opportunités.
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Première levée de fonds en 2014
Lancer Big Moustache à l'heure de la mode des hipsters, est-ce un choix surprenant ? "La question ne s'est pas tellement posée. Certes, il y a une mode de la barbe dans les zones urbaines mais moins en dehors de Paris. Obtenir 1% du marché, c'est déjà énorme en termes de volume." Les associés ont même décidé d'en jouer. "Quand on a une barbe il faut l'entretenir avec un rasoir mécanique pour les finitions. Nous tentons de rapprocher la barbe de la moustache", enchaîne-t-il. Et le marché féminin, la prochaine étape ? "Nous avons un rasoir féminin 5 lames interchangeables, mais le rasage féminin en France représente que 5% du secteur de l'épilation."
Parmi ses prochains objectifs, la start-up Big Moustache va lancer au second semestre trois nouveaux produits : un après-rasage, une huile de rasage et un nouveau savon à barbe. Autre projet, le lancement cette année d'un manche au logo de la marque et d'une trousse de toilette pour la Fête des pères. Après une première levée de fonds en 2014 de 300 000 euros sur la plateforme de crowdfunding Anaxago, Nicolas Gueugnier a démarré un road show pour chercher de nouveaux investisseurs et faire un deuxième tour de table entre 750 000 et un million d'euros. "Le but est de développer les budgets marketing et communication pour aller faire de l'acquisition clients et financer de nouveaux produits." Et fin mai, Big Moustache lancera une nouvelle opération avec un barbier ambulant à travers un triporteur dans les rues de la capitale. "Nous serons à la Foire de Paris. Les réservations se font sur le web." Un projet décalé à l'image de l'entreprise...
Conseils
La qualité principale dans l'e-commerce est d'avoir une forte capacité d'écoute. Il ne faut pas s'entêter dans ses idées et entendre les avis des premiers clients. Il est indispensable de se remettre en question en permanence. Quand on lance le site c'est là que tout commence, il faut être très réactif, changer un produit et même son offre de base si nécessaire, et surtout ne pas avoir peur des critiques.