[Tribune] E-retail media : la nécessité de standardiser dans un monde post-cookie
Le retail media connaît un essor fulgurant. Les données clients récoltées par les retailers offrent un ciblage précis, très apprécié des annonceurs. Cependant, la fragmentation des normes et des outils de mesure freine le développement du secteur. Une standardisation est nécessaire pour permettre aux marques d'évaluer plus facilement les performances de leurs campagnes et d'optimiser leurs investissements. L'enjeu est de créer un écosystème publicitaire plus transparent et efficace, où les données first-party jouent un rôle central.
Je m'abonnePar Benoit Sétif, Directeur Exécutif - Retail & Services fifty-five
Le retail media s'impose aujourd'hui comme une pièce maîtresse dans la stratégie des marques pour capter l'attention des consommateurs quels que soient les univers de consommation et les objectifs visés : notoriété, conversion... En France, cette forme de publicité représente environ 12 % du marché de la publicité digitale, avec des investissements atteignant 1,1 milliard d'euros en 2023, en hausse de 24 % (Observatoire de l'e-pub SRI).
Le retail media propose en effet des données first-party très précieuses, particulièrement pertinentes dans un contexte de disparition progressive des cookies, en proposant des inventaires digitaux et in-store au plus proche de l'acte d'achat. Malgré cette très forte dynamique et la pertinence de ces offres, quelques obstacles persistent encore pour permettre aux marques de capitaliser pleinement sur ce nouveau levier. La fragmentation des acteurs, des normes, des outils de mesure et des modes d'achat ralentit l'usage de ce levier par les marques. À l'heure où les alliances se multiplient dans l'industrie, l'harmonisation et la standardisation apparaissent plus que jamais comme essentielles pour permettre aux annonceurs de positionner sereinement leurs budgets.
La montée en puissance des données first-party
Bien que Google ait renoncé à supprimer ses cookies tiers, la nécessité pour les annonceurs de réduire leur dépendance aux identifiants publicitaires persiste. Dans un futur où près de 90 % (eMarketer) du trafic web aux États-Unis pourrait fonctionner sans cookie, cette transition vers des alternatives cookieless est primordiale et redessine le paysage publicitaire.
Les retailers, qui autrefois hésitaient à exploiter pleinement leurs données clients first-party, réalisent désormais leur valeur stratégique. Collectées directement à partir des interactions des consommateurs avec les retailers, ces données offrent un ciblage précis et constituent une ressource précieuse, aujourd'hui largement plébiscitée. En effet, environ 90 % (IAB Europe) des acheteurs média sont attirés par la possibilité d'accéder à ces données.
Ce pivot vers les données first party redéfinit ainsi le rôle des retailers, qui deviennent des partenaires de confiance dans l'écosystème publicitaire, capables de fournir des sources de données fiables, conformes aux réglementations sur la vie privée et activables au sein des wall-garden. En Europe, le récent déploiement d'Amazon Marketing Cloud, la data clean room d'Amazon montre bien cette capacité des retailers à mettre à disposition ces données et l'intérêt des marques à les exploiter.
L'impératif de la standardisation des mesures
Près de 60 % des annonceurs et agences citent la fragmentation des réseaux de retail média et le manque de standardisation comme des obstacles majeurs à cet investissement.
Actuellement, chaque retailer impose ses propres normes - en matière de formats, de méthodes de mesure et de modèles d'achat - rendant difficile une évaluation homogène des performances et l'activation massive des campagnes retail media. Cette disparité complique la tâche des annonceurs et des agences, qui peinent à établir des comparaisons fiables et à optimiser leurs investissements publicitaires. L'absence de standardisation freine l'automatisation et limite la transparence, fragilisant ainsi la confiance des annonceurs quant à la fiabilité des résultats.
Pour répondre à cette problématique, les échanges autour de la création de normes unifiées se multiplient dans l'industrie. Elles visent à offrir un cadre cohérent permettant aux annonceurs de naviguer plus efficacement entre les différents environnements publicitaires des retailers. Des initiatives visant à aligner les principes de mesure, comme celles de l'Interactive Advertising Bureau (IAB), pourraient jouer un rôle déterminant dans l'harmonisation des pratiques : d'abord par une forme de convergence des métriques, suivies puis par la définition de méthodologies de mesures adoptées par l'industrie.
L'enjeu est de taille : la standardisation favoriserait une analyse plus précise des performances, permettant aux annonceurs de maximiser le retour sur investissement et d'optimiser leurs stratégies à grande échelle. Elle permettrait également aux régies retail media d'être comparées efficacement à d'autres leviers média et d'attirer des budgets publicitaires aujourd'hui investis sur les grandes plateformes ou sur les médias off-line.
Le retail media est à une nouvelle étape de son développement. Pour se pérenniser, il doit surmonter le double défi de la standardisation des mesures et s'adapter aux attentes du marché publicitaire. Les acteurs capables de prendre ces virages et d'innover dans ce contexte auront un avantage stratégique indéniable, préparant le terrain pour une nouvelle ère du retail media, plus unifiée et orientée vers l'avenir. Pour les annonceurs, les retailers et les acteurs technologiques, l'enjeu est désormais de bâtir cette vision commune, où transparence et performance se conjuguent pour nourrir la relation entre les marques et les consommateurs.