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Jean Cassegrain, CEO de Longchamp : "Je suis totalement agnostique en termes de canal de vente"

Publié par Martine Fuxa le - mis à jour à
Jean Cassegrain, CEO de Longchamp : 'Je suis totalement agnostique en termes de canal de vente'

Nouvelle plateforme de marque lancée en 2019 et étendue en 2020, triplement du chiffre d'affaires e-commerce, lancement de services omnicanaux, engagement dans une économie durable... La maison Longchamp,marque française iconique de maroquinerie de luxe, fait rimer tradition et modernité. Les explications de son CEO, Jean Cassegrain.

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Pas moins de 1 300 points de vente dont 300 en propre, plus les points de vente en ligne. Comment la crise Covid a-t-elle modifié les ratios entre "on" et "off line" au sein de votre entreprise ?

La crise sanitaire a accéléré la transformation digitale. Globalement dans le monde, nos ventes en ligne ont triplé en 2021 par rapport à 2019. Il s'agit d'une très forte accélération. La vente en ligne nous a permis de maintenir un lien, un canal d'achat ouvert pour nos clients à des moments où tout était fermé. Alors que depuis 2020, se succèdent des épisodes d'ouverture et de fermeture qui ne sont pas toujours au même moment selon les pays, l'e-commerce nous a permis malgré ces difficultés de maintenir un niveau de vente partout dans le monde. Pour autant, quand les magasins rouvrent, les clients repartent-ils vers les points de vente ? On se rend compte que les consommateurs continuent à acheter beaucoup en ligne. En Europe, les magasins physiques ont rouvert mais les chiffres d'affaires de la vente en ligne continuent de progresser à des rythmes soutenus. Je crois que les confinements ont poussé les clients à découvrir et à étendre leur pratique de l'achat en ligne à de nouveaux segments.

Comment abordez-vous vos différents marchés ?

Les Françaises sont notre première clientèle. Notre marque, née en 1948, reste dans cet esprit français et parisien. Or, l'image de la Parisienne fait rêver beaucoup de femmes dans le monde. Après les Françaises, notre deuxième marché est la Chine, les États-Unis, le Japon, l'Angleterre... En termes de ventes en ligne, les pays ne sont pas tous au même degré de maturité. Les plus avancés sont probablement les Américains, les Anglais et, en Asie, les Chinois et les Coréens.

Un mot de vos résultats et de vos ambitions sur l'année 2022, et à plus long terme ?

Nous ne prévoyons pas de retour à la normale rapide et, pour 2022, nous avons des prévisions prudentes dans le contexte actuel. Le canal des points de vente physiques continue en effet de souffrir. Longchamp a une image qui est fortement associée au voyage. Et nos produits sont beaucoup achetés dans les aéroports. À ce jour, beaucoup de ces magasins commencent seulement à rouvrir et la reprise prend du temps. En revanche, notre marque se développe très fortement sur les clientèles locales.

À quel rythme votre activité dédiée à l'e-commerce se développe-t-elle ? Est-ce un canal stratégique selon vous ?

Nous investissons beaucoup dans l'e-commerce car nous pensons que dans les années à venir, la croissance de nos ventes en ligne continuera d'être supérieure à la croissance de nos ventes dans les magasins physiques. Cela étant, je suis totalement agnostique en termes de canal de vente. J'ai comme conviction que notre rôle de marque est de donner accès aux produits de la façon qui convient le mieux à nos clients. En 2019, nous avons lancé une nouvelle version du site, totalement repensé. Et pendant l'année 2020, nous avons fait le "roll out" ( déploiement à de nouveaux utilisateurs, NDLR ) de la plateforme. Nous vendons maintenant en e-commerce dans de nombreux pays, une vingtaine. Et chaque site est opéré dans la langue du pays, avec un service consommateur local, une politique tarifaire adaptée...

Sur quels types de services innovants travaillez-vous ?

Nous avons mis l'accent en 2020, sur le développement de fonctions omnicanales qui viennent un peu brouiller les frontières entre l'expérience on line et l'expérience vécue en magasin. Ainsi, dans certains pays, en Europe et aux USA notamment, nous utilisons une application qui permet à nos vendeurs en magasin de prendre les demandes "tchats" de clients du site Internet. Nous estimons que les personnes les mieux qualifiées pour répondre à une question sur un produit sont vraiment les vendeurs, en magasin. Ce sont nos meilleurs experts ! De plus, ils peuvent avoir le smartphone dans une main et le produit devant eux... Cela demande un peu d'organisation. Certains vendeurs sont très intéressés et sont volontaires. La difficulté est d'orchestrer ces échanges avec les clients qui sont physiquement dans le point de vente mais, globalement, l'expérience est plutôt positive.

Quels autres services omnicanaux développez-vous ?

Désormais, les acheteurs en ligne ont accès au stock de toutes nos boutiques. En fin de saison, quand certains magasins peuvent faire face à des ruptures, le client qui est à Perpignan par exemple peut recevoir son produit, expédié par la boutique de Strasbourg, sans qu'il s'en aperçoive. Nous implémentons également cette année le "store to web", qui va permettre à l'inverse, quand on est en magasin, de faire une commande sur le web et de se faire livrer à domicile ou en magasin. Les scénarios sont relativement complexes à organiser mais ils permettent de ne pas rater des opportunités de vente. Enfin, nous croyons depuis longtemps aux fonctionnalités de personnalisation des produits. Nous avons lancé le service "My Pliage", qui permet de personnaliser son sac en ligne depuis 2003. Nous allons bientôt fêter les 20 ans de ce service de personnalisation. Nous étions précurseurs sur le sujet et nous avons même commencé la vente en ligne par cela, car à l'époque, il y a 20 ans, nous voulions inventer un produit qui ne serait pas en concurrence avec les réseaux physiques. La beauté d'internet en ce cas est d'instaurer un dialogue direct entre le client chez lui et l'atelier de fabrication...

La maison Longchamp prend des engagements forts sur l'économie durable et met en place un projet RSE ambitieux. Comment cela se traduit-il ?

Nous avons en effet donné un peu plus de visibilité à ces engagements mais le sujet est inscrit dans notre ADN de longue date. Nous sommes un fabricant et nous sommes reliés aux matières, et à la "physicalité" du produit. Nos ateliers sont situés dans l'ouest de la France et cet esprit d'atelier marque notre culture interne. Par exemple, en atelier, personne n'aime gaspiller, c'est un état d'esprit propre aux artisans. Actuellement, nous réparons quantité de produits mais nous l'avons toujours fait. C'est devenu très à la mode, mais il y a une période où c'était difficile de convaincre les gens de faire réparer leurs articles. Pour autant, cela est inscrit dans notre culture depuis longtemps. Autre engagement fort, nous avons pris la décision de changer le mode de fabrication de notre gamme pliage. Nous utilisons désormais du polyamide recyclé. C'est très significatif car ce sont des produits à gros volumes, et il s'agit donc d'un véritable projet industriel. Toute la difficulté consiste à passer du polyamide vierge au polyamide recyclé sans que personne ne puisse voir la différence. Cela fait partie de nos engagements forts pour une économie plus durable.

Quelles grandes évolutions percevez-vous dans les habitudes de consommation de vos clients ?

On constate un bruit de fond qui reste quand même assez présent ! Mon point de vue est que notre responsabilité de marque, la raison pour laquelle les consommateurs nous achètent, nous préfèrent, c'est qu'ils nous font confiance. À mon sens, la confiance est le ressort principal de l'existence d'une marque. Ce contrat va de plus en plus inclure désormais les dimensions de responsabilité sociale et environnementale. Cela va devenir un prérequis attendu par les consommateurs. Pour notre part, nous nous mettons en position de pouvoir répondre aux questions que l'on nous pose et d'être fiers des réponses que nous apportons.

 
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