Adapter sa supply chain face au Brexit
Le Brexit et la fin de l'union douanière impliquent de nombreuses formalités pour les e-commerçants transfrontaliers. Retards et surcoûts sont à prévoir en matière d'approvisionnement et de livraison.
Je m'abonneLe Brexit et la fin de l'union douanière entre le Royaume-Uni et l'Union européenne depuis le 1er janvier 2021 complexifient les règles régissant l'e-commerce transfrontalier pour les acteurs français. D'abord, le Royaume-Uni ne constitue plus une entité homogène: si l'Écosse et l'Angleterre sont sorties de l'union douanière, ce n'est pas le cas de l'Irlande du Nord, laquelle bénéficie du marché unique, bien qu'elle ne fasse plus partie de l'Union européenne. Concernant les marchandises autorisées à l'import au Royaume-Uni, "les seules restrictions pourraient être d'ordre sanitaire (pour des végétaux, notamment)", note Roland de Heere, directeur général du comparateur de transport de colis Upela.
Selon l'expert, l'élément le plus important pour exporter vers le Royaume-Uni en toute sérénité est une facture commerciale comportant les éléments suivants: l'adresse et le contact de l'expéditeur et du destinataire, la raison d'exportation et les Incoterms (responsabilités et obligations d'un vendeur et d'un acheteur dans le cadre d'un contrat international) choisis, le pays d'origine, la valeur de la marchandise, la description de celle-ci ainsi que les codes douaniers (ou HS codes) et un numéro EORI. "Suite à une campagne d'enregistrement massive et automatisée mise en place entre mars et avril 2019, certaines entreprises possèdent déjà un EORI valide", précise Roland de Heere.
Afin de vérifier la validité de son identifiant, un e-commerçant doit créer un compte à l'adresse douane.gouv.fr, accéder à la demande d'autorisation douanière et fiscale Soprano, déposer une demande dans la rubrique "nouveau dossier". Il convient ensuite de renseigner le service compétent dans la liste déroulante et d'y entrer son numéro de Siret. Le numéro EORI sera envoyé par e-mail dans les trois heures. En effet, pour livrer une commande à un particulier, l'e-commerçant doit obtenir un numéro EORI FR et non anglais. "Il faut, en revanche, un numéro de TVA anglaise, lequel s'obtient auprès de l'administration fiscale britannique, explique Laurent Cayet, P-dg d'IMX France, acteur de la livraison internationale. Le numéro EORI britannique est uniquement nécessaire pour une filiale basée au Royaume-Uni."
En cas de doute, l'État français a mis en place un outil d'autodiagnostic très complet à l'adresse www.votrediagnosticbrexit.fr. Attention toutefois, le site indique le caractère informatif du dispositif: "L'autodiagnostic ne vous confère aucun droit, mais propose des conseils adaptés à votre situation singulière".
Quel impact attendu en termes de tarifs, de délais de livraison, de baisse des envois?
L'impact de ce rétablissement des frontières et des formalités douanières inquiète et divise. Alors que Carine Moitier, dirigeante de la plateforme Cross-Border Ecommerce Europe, anticipe une baisse de l'e-commerce transfrontalier français vers le Royaume-Uni de l'ordre de 15%, Laurent Cayet (IMX France) juge "les constats sur les deux premières semaines de janvier plutôt rassurants, avec un retard de livraison d'un à deux jours ouvrés". De même, aux yeux de Roland de Heere (Upela), "la fin de l'union douanière ne devrait pas rallonger les délais de livraison. Toutefois, en cas de démarches administratives incomplètes, les colis se verront soit bloqués à la frontière, soit retournés à l'expéditeur." À noter, en cas de groupage de marchandises soumises à des réglementations différentes au sein d'un même camion, l'ensemble de la cargaison sera retardé ou bloqué. Cependant, après la difficulté des débuts, les experts ne prévoient pas de baisse substantielle des envois vers le Royaume-Uni à moyen terme car le marché demeure trop important pour être mis de côté et les solutions de dédouanement devraient s'améliorer progressivement. "Les acteurs les plus touchés sont ceux qui ont des concurrents locaux au Royaume-Uni, proposant une même gamme de produits et des paniers modestes, car l'impact du coût de transport sur le coût global devient plus important", prévoit Laurent Cayet (IMX France).
Lire aussi : Les Britanniques Avask et Kata lancent une solution de gestion de la supply chain omnicanale de bout en bout
Comment fluidifier ses envois?
Pour minimiser les retards et blocages dus à une mauvaise application des formalités, la douane française édite plusieurs guides, un service dédié aux entreprises en difficulté, mais surtout une "frontière intelligente" a été mise en place. Le dispositif repose sur un système de codes-barres: à la frontière, le camion est identifié via sa plaque d'immatriculation. Le chauffeur détient un code-barres correspondant au contenu du camion et indiquant les déclarations douanières effectuées par les marchands. Le conducteur est alors aiguillé automatiquement en fonction du statut de ses marchandises vers une file verte (le camion peut passer) ou orange. "Ainsi, la très grande majorité des camions peut circuler sans même avoir à s'arrêter", précise Laurent Cayet (IMX France).
À l'export, un poids lourd n'ayant pas accompli les formalités douanières ne pourra pas quitter le territoire de l'Union européenne ou le Royaume-Uni. Autre simplification, l'harmonisation de la TVA pour tous les pays européens sera en application à partir de juillet 2021. Un "One stop shop" ou "SS" permettra de remplir une seule déclaration de la TVA pour tous les pays européens en une seule opération au lieu de devoir reproduire cette opération pays par pays. Les livraisons seront toujours taxées avec la TVA du pays d'arrivée.
À noter, les sociétés de transport peuvent agir en tant que RDE (représentants en douane enregistrés) et transmettre les données aux autorités douanières. Enfin, il est possible de rechercher un partenaire pour mettre en place une solution DDP (taxes douanières et TVA payables à la livraison par le destinataire). "Cela présente deux inconvénients, conclut Laurent Cayet (IMX France). Le client final a la désagréable obligation de payer un supplément au moment de la livraison et l'e-commerçant se voit contraint d'intégrer la TVA dans son prix de vente pour les paniers inférieurs à 135 livres (150 euros) et de ne pas l'intégrer pour les commandes d'un montant supérieur, ce qui est source de confusion." Une complexité à même de décourager les acteurs les moins matures.
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