Shrinkflation : tous les détails sur cette pratique commerciale décriée
Nouvelle cible des politiques et des associations des consommateurs, la shrinkflation ne se limite pas aux produits alimentaires. Des produits d'hygiène comme les couches et les lessives sont également concernés. Quelques conseils pratiques permettent aux consommateurs de lutter contre ce phénomène.
Je m'abonneSelon les chiffres de l'INSEE, le niveau d'inflation en France se situe à 4,8% au mois d'août. Alors que l'inflation pénalise les ménages modestes et les ruraux, un autre phénomène vient peser sur les paniers des français. Ces quelques mois, les journaux parlent de « shrinkflation », un terme anglais qui désigne une diminution de la quantité achetée alors que le prix augmente. Les associations des consommateurs ont identifié une centaine de produits. Du côté des distributeurs, Carrefour a recensé 26 produits. L'ampleur du phénomène est telle que les politiques se saisissent de l'affaire. La Première ministre Élisabeth Borne annonce déjà des mesures à partir du mois de novembre.
Shrinkflation : une pratique qui inquiète les consommateurs
Shrinkflation est un anglicisme issu de la contraction entre deux mots. « Shrink » signifie « rétrécir » ou « réduire » en français tandis que « inflation » possède le même sens. Shrinkflation désigne une pratique commerciale décriée par les consommateurs en France. Elle se manifeste par une diminution de la quantité des produits alors que le prix augmente.
À l'origine de cette pratique se trouvait une volonté de masquer l'effet de l'inflation. Lorsque le grammage est réduit, les distributeurs maintiennent un prix psychologiquement acceptable aux yeux des consommateurs.
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Prenons l'exemple d'un poulet de un kilo, dont le prix a augmenté à 8 euros en raison de l'inflation. Ce prix est très élevé pour un consommateur lambda. Le producteur décide alors de proposer un emballage de 750 grammes à 7 euros. Cette réduction, bien qu'elle ne soit profitable, est mieux perçue chez l'acheteur.
L'industrie agroalimentaire s'empare de la pratique, certains producteurs en profitent pour augmenter leur prix. Lorsqu'ils arrivent dans la grande distribution, les produits sont vendus plus cher pour une quantité réduite.
Une enquête de BFMTV a permis de mettre en avant près de 122 produits. La plupart d'entre eux appartiennent à des marques de référence comme Pepsico et Nestlé.
Shinkflation : une pratique qui n'a rien de nouveau
Bien que cette technique soit légale, le gouvernement se saisit de l'affaire en pleine période d'inflation. Certains spécialistes le considèrent comme une arnaque légale. Les marques affichent les bonnes informations sur leurs étiquettes. Seulement, elles comptent sur le manque de vigilance des consommateurs.
La pratique prend de l'ampleur à partir de 2008 lorsqu'une directive européenne lève le voile sur les obligations sur certains produits. En effet, suite à cette directive, les producteurs ne sont plus obligés de proposer les produits dans un emballage de 250 g, 500g ou encore un kilo.
La faute aux producteurs et industriels ?
Selon les spécialistes, le shrinkflation est un terme à relativiser. Il ne faut pas condamner les industriels d'emblée, certaines hausses sont recevables. Prenons l'exemple du fromage Kiri. L'industriel a réduit la portion à 18 grammes au lieu de 20. En même temps, la recette a été affinée, les ingrédients sont moins nombreux. Le produit subit ainsi moins de transformation et s'oriente vers la simplicité. Seulement, ce changement a un cout. Au lieu d'augmenter le prix, l'équipe marketing a décidé de réduire la quantité d'une portion.
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Si certains industriels peuvent justifier leur acte, d'autres en profitent. En effet, des marques n'ont apporté aucun changement à la qualité de leur produit. Face à la hausse des couts, elles ont seulement décidé d'augmenter les prix.
Cependant, les industriels ne peuvent pas se permettre d'afficher une hausse importante. Il s'agit d'une question de prix psychologique. Lorsque le prix est trop élevé, cela entraine un mauvais positionnement par rapport à la concurrence. Par contre, si la quantité est réduite et le prix légèrement en hausse, le changement passe presque inaperçu aux yeux des consommateurs.
Pour les spécialistes, les premières victimes de la shrinkflation sont les consommateurs. Bien que le phénomène ne touche pas tous les produits, une centaine d'articles ont déjà été identifiés. En parallèle, le pays accuse déjà 22% d'inflation en deux ans.
Les politiques s'emparent du problème
La shrinkflation suscite de nombreuses réactions. Au-delà des journalistes, de nombreuses personnalités politiques ont réagi à la nouvelle. C'est le cas du ministre de l'Économie Bruno Le Maire. Ce dernier considère cette pratique des fabricants d'arnaques et de tromperie.
À l'occasion de son interview, il annonce même la présentation d'un texte de loi dès le mois d'octobre. Cette loi prévoit l'affichage évident des réductions de contenu par les industriels. Ainsi, les consommateurs sont pleinement avertis avant un achat.
La Première ministre réagit à son tour dans le journal Le Parisien. Elisabeth Borne déclare à propos du shrinkflation, qu'à partir du mois de novembre, les marques doivent signaler sur leurs étiquettes ces changements de quantité.
Outre la politique, Carrefour prend les devants. L'enseigne est prête à ajouter un fond orange à toutes les étiquettes des produits concernés. Ainsi, les consommateurs pourront désormais voir sur le packaging l'indication suivante : « ce produit a vu son grammage baisser, et le tarif pratiqué par notre fournisseur augmenter ».
Les produits concernés par la shrinkflation en France
Carrefour n'a pas attendu les réactions du gouvernement pour agir. Le distributeur a recensé 26 produits coupables. Désormais, un article devrait afficher une étiquette informant les consommateurs du changement de prix et de quantité.
La liste est composée majoritairement de produits alimentaires : glace, café, chips, etc. Parmi les glaces, Carrefour a identifié les marques La Laitière, Oreo, Milka ou encore Viennetta. Plusieurs produits de Pepsico figurent dans la liste également. Le paquet de chips Lay's par exemple, sa quantité vient de passer de 300 g à 250 g. Pourtant, le prix a augmenté, de 2,9 à 3,2 euros. De son côté, le fameux fabricant de thé glacé, Lipton, a réduit sa bouteille de soda de 1,5 à 1,25 litre. Pourtant, le prix a augmenté de 40%.
D'après le rapport de Carrefour, l'augmentation des prix va de 4,28% à 43,53%. Ce dernier chiffre concerne justement les glaces Milka.
Au-delà de la liste de Carrefour, les associations des consommateurs ont identifié d'autres marques. Parmi eux, on retrouve les fameux bâtonnets de glace Magnum. La marque vient d'enlever 56 g par paquet alors que le prix a augmenté de 23,4%.
La shrinkflation ne concerne pas uniquement les produits alimentaires, les produits d'hygiène sont également touchés. C'est le cas de la lessive à la résine de pin St Marc. L'industriel vient d'enlever 200 g de son contenant tout en augmentant le prix de 4,3 euros à 5,96 euros. Une autre marque de lessive suit la tendance. Dash réduit le nombre de capsules dans son emballage.
Les produits pour bébés ne sont pas épargnés par la shrinkflation. Les couches Pampers ont accusé une hausse de 30% de son prix alors que la marque a diminué le nombre des couches de 62 à 58.
De son côté, la pratique de Mars est plus subtile. Contrairement aux autres, la marque a réduit le prix de sa barre de chocolat. Il est passé de 2,38 à 2,28 euros. Les journalistes ont quand même constaté une diminution du grammage de 270 g à 225 g. Ainsi, le client ne profite pas réellement d'une baisse puisque le prix au kilo a augmenté.
Conseils pratiques pour ne pas subir la shrinkflation
Un sondage révèle que 72% des répondants ont constaté la baisse de la quantité dans les emballages alors que le prix augmente.
Si les mesures ne sont pas encore appliquées pleinement, les consommateurs peuvent déjà suivre ces conseils simples pendant leur course :
Vérifier le prix au kilo
Les consommateurs les plus avisés connaissent déjà cette technique. Au lieu de regarder le prix d'un emballage, il faut faire attention au prix au litre ou au kilo. Les industriels ne peuvent pas tricher sur ce chiffre. L'indicateur permet de comparer plusieurs produits, un ancien achat à un nouvel, etc.
Bien lire les étiquettes
L'enseigne Carrefour a déjà pris les devants en informant ses consommateurs sur les étiquettes. La pratique est saluée par ses concurrents. Néanmoins, l'association 60 millions de consommateurs dénonce un acte calculé.
Connaitre les types de produits concernés
Avoir des informations sur les marques pratiquant cette méthode procure un avantage. De nombreuses associations et ONG ont déjà publié leur liste pour dénoncer la pratique. C'est le cas de l'ONG Foodwatch. Il revient aux consommateurs de bien se renseigner avant de faire leurs courses.