La grande distribution revoit ses référentiels
Tant au niveau des outils que des processus, les systèmes de référencement des enseignes de la grande distribution se digitalisent. Hautement stratégique pour le distributeur comme pour la marque, la fiche produit et les précieuses données qu'elle véhicule, méritent toutes les attentions.
Je m'abonneEn matière de digitalisation, la grande distribution a surtout mis l'accent sur ses canaux de vente mais moins sur ses SI achat, ce qui explique que les acteurs de l'agro-alimentaire n'en sont pas tout à fait au même niveau de maturité que d'autres secteurs du tertiaire, comme la banque ou l'assurance par exemple. Le partage et la transmission d'informations entre clients et fournisseurs ne fait pas historiquement partie de la culture du secteur. C'est sans doute pourquoi les travaux sur la qualité des données n'ont démarrés qu'assez récemment. Pourtant l'enjeu est de taille. "Avec le développement de stratégies commerciales omnicanales, les distributeurs comme les marques ont tout intérêt à dématérialiser leurs flux d'informations et à partager des données de qualité dans une chaîne de valeur globale" a souligné Sébastien Trichet, président d'Agena 3000 en ouverture du Connect2Day qui a réunit distributeurs et industriels en ce mois d'octobre.
Pour les distributeurs, c'est le moyen de faire converger les différents canaux de distribution. Il est donc logique que tous les efforts se concentrent sur le référentiel produits. Pour les unités commerciales des distributeurs qui comprennent les équipes achats, marketing et communication, l'adoption d'une solution de référencement unique et la simplification des processus devraient faciliter les échanges avec leurs fournisseurs et permettre à ces derniers de mieux maîtriser les données produits. A l'heure où certaines applications tiers comme Yuka (qui permet avec un simple smartphone de scanner un produit pour en connaître l'impact santé selon certains critères), séduisent de plus en plus de consommateurs, garder la main sur les informations produits devient un enjeux économique majeur.
La dématérialisation des échanges est donc à l'oeuvre au sein des principaux groupes de distribution. L'objectif? Passer d'une gestion manuelle de la donnée avec échange de mails et de fichiers Excel à une gestion automatique établie selon un standard commun interopérable pour que les différentes parties prenantes chez le distributeur comme chez le fournisseur parlent un même langage. Autrement dit, passer à la GDSN (Global Data Synchronisation Network). Mais aussi améliorer la qualité des données B to B (description de la fiche produit, informations logistiques et tarifs) pour, par ruissellement, améliorer les informations consommateurs et favoriser le B to B to C.
Réorganisation et simplification
C'est entre autres la démarche d'Auchan Retail qui travaille depuis début 2018 sur un programme de référencement unique. "Le projet s'inscrit dans une réorganisation plus globale en termes de gouvernance et de SI, indique Eric Guilbert, chef de projet référencement pour les données entrantes chez Auchan Retail. Nous avons regroupé nos différents canaux de distribution (drive, Chronodrive, les concepts de proximité, super, hyper et e-commerce) sous la bannière Auchan Retail pour faire converger nos outils et nos structures de manière à avoir une entité unique de référencement fournisseurs et un management des catalogues plus global." A terme, la simplification des circuits de référencement doivent permettre de mettre en place une procédure unique. Un fournisseur ne recevra plus qu'une seule demande par produit pour toute la galaxie Auchan, ce qui lui permettra de mettre à disposition plus rapidement ses fiches produits. Car la qualité des données et la réactivité sont deux paramètre importants. "La problématique de notre secteur est que l'information naît chez le fournisseur et s'affiche chez le distributeur. Pour qu'il profite aux deux parties, le niveau d'information doit être de qualité", souligne Eric Guilbert.
Auchan n'est pas le seul à plancher sur la question. Le groupe Casino est lui aussi en train d'effectuer un passage à la GDSN pour en finir avec les fichiers Excel entre acheteurs et fournisseurs. Pour cela un PIM (product information management) est en cours de déploiement. "Nous avions besoin d'un PIM pour augmenter notre capacité à gérer les données. La question est maintenant de savoir si nous conservons un référentiel pour les données logistiques et tarifaires en plus d'un PIM pour les données marketing et visuelles ou si nous nous servons du PIM aussi comme outils de pré-référencement pour gérer les appels d'offres", indique t on chez Casino.
Quant à ITM Alimentaire (Intermarché), le groupe est également en train de passer d'une gestion manuelle des données à une gestion automatisée basée sur le standard international GS1 qui définit les attributs qui doivent figurer sur les fiches produits. Encore en phase transitoire entre l'ancien process et le nouveau, le groupement fait pour le moment encore, coexister deux solutions de transmissions des données sur sa plateforme de référencement afin de permettre aux fournisseurs de prendre le virage de la digitalisation sans sortie de route. "Tous les chefs de projet et acheteurs sont mobilisés au côté des fournisseurs pour les accompagner dans le nouveau processus dématérialisé", relate Bruno Chauveau, responsable des référentiels de l'enseigne qui ne peut s'empêcher de rappeler l'importance de dématérialiser aussi l'envoi des visuels produits. "A date nous avons environs 700 fournisseurs connectés dont 400 avec qui les échanges ne se font plus que par voie numérique. Mais si 80% des marques nationales sont embarquées seuls 21% des photos sont dématérialisées", souligne-t-il.
Contrairement à d'autres secteurs plus avancés, la grande distribution n'en est qu'au début de la phase de déploiement et tâtonne encore avec ses fournisseurs. Mais il faut bien admettre que la particularité de la grande distribution est d'avoir à gérer une volumétrie de données importante mais aussi des process de référencements multi-acteurs. Le référencement sera tantôt pris en main par les magasins, le marketing, les achats, la logistique et bien sûr les fournisseurs. Si l'objectif de chacun est bien de mettre en place une gouvernance de la donnée au service d'une stratégie commerciale pour faire de la donnée une force et non plus une contrainte, le chemin est encore long et implique un changement culturel profond de la part des enseignes comme des marques d'ailleurs.
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