[Enquête] Mutation digitale : faites évoluer votre PME ou disparaissez !
Interview
"La transmission numérique implique de la transdisciplinarité"
Serial entrepreneur et ancien président du Conseil national du numérique, Gilles Babinet représente aujourd'hui la France auprès de la Commission européenne sur les enjeux du numérique. Il vient de publier, avec l'Institut Montaigne, l'étude "Pour un New Deal numérique".
Le gouvernement a lancé, en septembre, une grande concertation sur le numérique, en vue d'un projet de loi attendu courant 2015. Ces annonces s'inscrivent dans un mouvement de promotion de la transformation numérique des entreprises. En quoi consiste-t-elle ?
Gilles Babinet : Le premier point à avoir en tête est que le numérique n'est pas l'informatique ! Il intègre une notion de rupture culturelle, des changements de processus, d'organisation et de méthodes de travail. Traditionnellement, les entreprises continentales sont très hiérarchisées et organisées en silos. Leur système d'information est cloisonné par fonction et chacune - direction financière, R & D, marketing - possède ses propres outils. A contrario, les entreprises californiennes ont un fonctionnement horizontal, où toute l'activité est articulée autour d'une plateforme centrale qui concentre et "distribue" les informations. C'est vers ce modèle qu'il faut tendre.
Comment un dirigeant de PME peut-il engager efficacement cette transformation ?
G.B. : Il faut casser le paradigme qui consiste à dire "je vends un produit", pour aller vers "je vends un service client". Par exemple, un fabricant de literie ne vendra plus des matelas mais du sommeil de bonne qualité. Plutôt que de mettre au point le meilleur ressort au monde, il insérera des capteurs dans ses matelas pour suivre l'évolution du sommeil de ses clients au cours de la vie de son produit. Dès que l'on pense "hors les murs", il est facile de revisiter l'organisation de l'entreprise.
Quels processus de l'entreprise s'en trouveront modifiés ?
G.B. : Tout d'abord, penser "hors les murs", c'est décloisonner. La transition numérique implique de la transdisciplinarité. Les projets doivent être menés par une équipe réunissant des membres du service commercial, du marketing, de la R & D, du service informatique, de la comptabilité... Ensuite, le changement demande aussi de privilégier l'agilité à la rigueur des processus. Le fondateur de LinkedIn a un jour déclaré : " si vous n'avez pas honte de votre produit lors de son lancement, c'est que vous l'avez lancé trop tard ". Avec le numérique, on produit plus vite mais cela demande d'abandonner certaines lourdeurs. Enfin, "hors les murs", c'est en dehors de l'entreprise : les consommateurs et les partenaires sont les meilleurs contributeurs d'une société.
Quels freins persistent dans les PME ?
G.B. : Déjà, la culture du dirigeant. Si celui-ci est tourné vers le numérique il donnera à sa société l'impulsion qui mènera à la transformation. L'autre bémol est le temps. Même s'ils avaient la trésorerie nécessaire, beaucoup de chef d'entreprise n'engageraient pas ces changements.
Si elles ne s'investissent pas dans cette transformation numérique, les entreprises risquent de voir chuter massivement leur activité. Au cours des deux premières révolutions industrielles, 80 % d'entre elles ont disparu et seules quelques-une ont réussi leur mutation. Le numérique constitue une révolution face à laquelle les entreprises doivent s'adapter ou disparaître.
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