Les limites du drive
IRI dresse un portrait de l'état des lieux du drive : croissance spectaculaire depuis deux ans, 2% de PDM sur les principales familles de PGC... Mais l'institut s'interroge sur l'essoufflement de ce nouveau format et sur sa viabilité à long terme.
Je m'abonneC'est, selon IRI, " LE grand évènement au sein de la distribution alimentaire depuis au moins une décennie, du moins avec l'évolution de la législation (LME)". Grâce à son historique de deux ans (*), IRI dresse un solide état des mieux du drive, au delà de tout ce qui peut se dire ou s'écrire sur ce nouveau mode de distribution qui a révolutionné la distribution en général et le e-commerce des GSA (grandes surfaces alimentaires) en particulier.
Quelques enseignements de cette étude
La structure du parc des drives montre la suprématie de l'enseigne Leclerc en termes d'effectifs (près de 40% des points de vente du e-commerce GSA), devant Carrefour avec ses deux enseignes (Carrefour et Carrefour Market) qui réunit aujourd'hui tout juste 1/3 des effectifs. Monoprix arrive en troisième position (11%), suivi d'Auchan (9%) et de Cora (6%).
La croissance du drive est très spectaculaire depuis 23 mois. Entre janvier 2012 et aujourd'hui, le parc a quasiment triplé, passant de 312 magasins à 988 en décembre 2013. Cette croissance, note IRI, est assez régulière et le rythme moyen d'ouvertures est de l'ordre de 30 par mois. Cette croissance vient surtout du nombre d'ouvertures au sein du groupe Carrefour. A titre d'exemple, le parc de l'enseigne d'hypermarchés était anecdotique en janvier 2012 (une dizaine de magasins), il dépasse aujourd'hui la centaine d'unités.
Selon IRI, l'activité drive est saisonnière : sa PDM est très faible sur la période estivale (comme pour les grands hypermarchés) en raison des flux migratoires, notamment de la part du coeur de cible (les familles avec de jeunes enfants). L'activité est aussi affectée sur le mois de décembre, vraisemblablement par le retour en magasin pour les fêtes de fin d'année.
La performance par rayon et par catégorie varie. Le poids du e-commerce GSA en 2013 varie de moins de 1% pour la beauté et les alcools à plus de 5% pour l'alimentation infantile (et pratiquement la même part de marché pour la volaille libre service/LS), soit un écart de 1 à 6. Variations encore plus fortes par catégories : les ventes en drive sont totalement marginales pour des produits tels que la coloration ou le maquillage (0,1% ou 0,2%) pour monter à près de 7% pour les viandes élaborées au rayon frais.
Cependant, sur les principales familles des PGC, en dehors bien sûr des alcools et des produits de beauté, la part de marché du drive atteint ou dépasse aujourd'hui le seuil des 2%.
Les PDM des MDD sont en moyenne de 30% en valeur et 40% en volume en hypermarchés et supermarchés. Dans le e-commerce, elles sont respectivement de 41% et de 52%. Ce qui donne un différentiel de l'ordre de 11 points qui s'explique, bien sûr, par un phénomène d'offre.
La proportion de produits MDD dans l'assortiment frôle en effet la barre des 40% dans le drive alors qu'elle dépasse de peu 25% dans les magasins physiques. Un écart qui monte à près de 13 points sur la part d'offre.
Sauf cas particulier (Cora notamment), l'assortiment des magasins e-commerce GSA est un assortiment restreint. Un peu plus de 5 000 références, contre 20 000 en HM et 10 000 en SM.
Entre 2012 et 2013, la PDM du drive est passée de 1,44% à 2,18% du marché total HM+SM+HD+e-commerce. Dans ce même temps, les hypermarchés et supermarchés ont plutôt bien résisté, contrairement au hard discount qui continue sa chute. Mais, on ne peut, indique IRI déduire qu'il existe un transfert entre les deux formats. En effet, le HD ne recule pas plus sur les catégories dans lesquelles le e-commerce GSA gagne le plus de terrain. A l'inverse, le drive ne gagne pas plus de part de marché sur les catégories sur lesquelles le HD s'effondre que sur les catégories sur lesquelles il résiste.
En ce qui concerne l'évolution du drive, le white paper d'IRI montre que les nouveaux drives reproduisent la structure d'achat des drive plus anciens et que les drives installés ont du mal à améliorer leurs performances sur des catégories éloignées de leur positionnement initial ou historique.
En examinant les magasins drive accolés à un magasin physique, IRI déduit à une cannibalisation globale. Le drive représente désormais 11% de l'activité du couple magasin+drive. Il a donc pris 6,5 points sur le magasin physique, soit plus de la moitié de son activité. le drive continue de progresser dans la contribution ) l'activité du couple mais de façon marginale, sans dynamique du couple.
Les études shoppers ne distinguent que peu de spécificités entre l'hypermarché et le drive fréquenté.Les deux magasins deviennent rapidement assez substituables à un instant T, notamment sur le type de courses effectué. La fréquentation à un moment donné dépendra donc essentiellement des conditions particulières en termes de proximité au moment de la commande et surtout de la future récupération (domicile/travail), de disponibilité en termes de temps et enfin de la nature des achats envisagés (liste des courses).
Chaque format de magasin dispose cependant de points forts qui peuvent les rendre complémentaires. Pour les hypermarchés, le contact direct avec les produits, le choix, les promotions plus perceptibles et le plaisir des courses. Pour le drive : l'efficacité (gain de temps) et le confort (éviter le transport des produits pondéreux). Les utilisateurs fidélisés au drive équilibrent leurs achats entre le magasin traditionnel et le magasin virtuel. Et IRI estime qu'ils continueront à avoir recours à ces deux points de vente.
Même si le drive est un événement majeur dans l'histoire de la distribution, il a, selon IRI, du moins dans sa configuration actuelle quelque peu figé ses limites. L'institut s'appuie sur plusieurs niveaux :
- Sur les deux derniers mois de 2013, son rythme de croissance semble se ralentir, malgré la croissance continue de son parc.
- Le phénomène de cannibalisation semble de plus en plus fort sur les drives qui s'ouvrent aujourd'hui. Les gains de trafic s'effectuent surtout sur certaines catégories mais parfois avec une perte d'activité sur les autres familles.
- Sa viabilité à long terme est très dépendante de sa rentabilité. Même si le format peut s'avérer rentable à partir d'un certain niveau d'activité et grâce à différents cadrages, logistiques notamment, le doute plane toujours sur les aspects législatifs et réglementaires.
- Son succès restera conditionné par sa gratuité pour le consommateur final. "Peut-être jusqu'à ce que l'acheteur en magasin ne réclame une réduction (ou une ristourne) pour réaliser lui-même ses courses !!", conclut IRI. A suivre...
(*) IRI couvre en e-commerce GSA, les enseignes suivantes :
- Auchan Drive
- Carrefour et Carrefour Market Drive
- Cora Drive
- Leclerc Drive
- Monoprix et Monoprix.fr
L'institut couvre les ventes, en census, sur l'ensemble du parc de ces 988 magasins sur un parc total de plus de 2 500 entités offrant ce service aux consommateurs. Un peu plus de 40% de distribution numérique (DN). Toutefois, par recoupements de différentes sources (données issues des panels de consommateurs faisant l'objet de publications, chiffres fournis par les enseignes), IRI peut estimer que la distribution valeur (DV) de "son" e-commerce GSA est de l'ordre de 70%.
Sont exclus de ce suivi, les pure players, tels que Chronodrive ou Amazon. Ne sont pas non plus intégrées, pour le moment, essentiellement pour des raisons techniques, les ventes de nombreux magasins qui ont mis en place un système de picking au sein de leurs points de vente. Il s'agit essentiellement des points de vente d'enseignes d'indépendants tels qu'Intermarché et Système U, mais aussi les drives du groupe Casino.