[Tribune] La fidélisation, un actif sous-exploité à transformer en moteur de croissance
Dans un contexte où l'acquisition client est de plus en plus coûteuse notamment en raison de la réticence accrue des consommateurs à partager leurs données depuis l'entrée en vigueur du RGPD, la fidélisation s'impose désormais comme l'un des leviers majeurs pour contrer leur volatilité croissante. Pourtant, son potentiel reste largement sous-exploité : 62 % des entreprises ne mesurent toujours pas précisément le profit incrémental généré par leurs programmes de fidélisation.
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Frédéric Dumoulin, Directeur commercial, Collinson France
La fidélisation des clients est un levier essentiel pour la croissance des entreprises, mais elle reste souvent sous-exploitée faute de mesures précises. L'un des indicateurs clés pour démontrer son impact financier est le revenu incrémental, qui permet de mesurer directement la valeur ajoutée des clients fidèles. Pourtant, beaucoup d'entreprises ne l'intègrent pas dans leur stratégie, freinant ainsi la transformation de la fidélité d'un centre de coûts en un véritable moteur de rentabilité et de croissance.
Le revenu incrémental, métrique clé de la fidélisation
Faute de mesures précises, la "loyalty" peine à obtenir les investissements qu'elle mérite. Car contrairement à des indicateurs classiques comme le taux de rétention ou l'engagement client, le revenu incrémental démontre directement l'impact financier d'un programme de fidélisation. En mesurant la valeur additionnelle générée par les clients fidèles, cet indicateur prouve aux directions générales et financières que la fidélité n'est pas une charge, mais un levier de rentabilité et de croissance.
C'est le cas de Sephora, qui a su démontrer l'impact financier positif de son programme de fidélité Beauty Insider. En analysant la contribution des membres à son chiffre d'affaires, l'enseigne a constaté que les clients fidèles dépensaient en moyenne 15 % de plus que les non-membres. Ces données ont permis de convaincre la direction financière d'augmenter les investissements dans le programme, notamment en personnalisant davantage les récompenses et en intégrant des expériences exclusives. Résultat : une augmentation significative de la fréquence d'achat et du panier moyen des adhérents.
Hélas, aujourd'hui, seules 27 % des entreprises intègrent le suivi de leurs programmes de fidélité au sein de leur direction financière, freinant ainsi la transformation de la fidélisation d'un centre de coûts en un véritable centre de profits.
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Ce manque d'implication des directions financières s'explique principalement par une gestion souvent approximative des données et par l'utilisation limitée des méthodologies analytiques disponibles. Deux tiers des entreprises ne suivent pas rigoureusement le chiffre d'affaires généré par leur programme, ignorent souvent l'importance des groupes de contrôle ou l'analyse des segments spécifiques, et restent réticentes à adopter des approches statistiques pourtant simples et efficaces.
Les bonnes pratiques pour évaluer le revenu incrémental
Pourtant, des méthodologies existent et sont aisément applicables. Les entreprises les plus performantes utilisent systématiquement des méthodes comparatives pour mesurer l'impact réel de leurs programmes, mettent en place des groupes de contrôle pour identifier précisément les variations de comportement liées à leurs actions marketing, et analysent en profondeur la fidélité en étudiant notamment la fréquence d'achat et les variations du panier moyen avant et après adhésion.
Ces pratiques, lorsqu'elles sont intégrées à la stratégie globale, prouvent que disposer d'un programme de fidélisation attractif ne suffit pas : il est indispensable de démontrer concrètement sa valeur en impliquant directement les équipes financières dès sa conception.
Faire du revenu incrémental le pilier stratégique de la fidélisation
La fidélisation ne peut rester cantonnée à un levier d'image ou de communication et doit devenir un moteur essentiel de croissance durable et de performance financière. Cela ne sera possible que si les entreprises adoptent une approche pleinement intégrée, impliquant dès l'origine les directeurs financiers aux côtés des équipes marketing pour définir des objectifs communs, clairs et mesurables. L'intégration approfondie des équipes financières permet non seulement d'optimiser l'allocation budgétaire mais aussi de déclencher une dynamique vertueuse beaucoup plus large.
Une meilleure mesure du revenu incrémental renforce en effet la capacité des entreprises à mieux comprendre et anticiper les attentes réelles de leurs consommateurs. À terme, cela favorise un alignement plus profond entre l'entreprise, ses clients et ses parties prenantes, permettant d'orienter les investissements vers une création de valeur plus responsable et plus durable.
Le programme de fidélité Prime d'Amazon en est l'exemple parfait : la direction financière a été impliquée dès la conception du programme pour mesurer précisément son impact sur la rentabilité. En analysant la valeur à vie des abonnés Prime, Amazon a pu démontrer que ces clients dépensaient en moyenne deux fois plus que les non-membres. L'entreprise a donc décidé d'investir massivement dans l'amélioration de l'offre, faisant d'un programme de fidélité un pilier de son modèle économique. En démontrant son utilité tant au niveau économique que de l'engagement, Prime est aujourd'hui un moteur de croissance durable et un avantage concurrentiel clé pour Amazon.
Près de trois quarts des entreprises passent pourtant encore à côté de cette opportunité majeure faute d'avoir su établir un dialogue productif entre les directions financières et marketing autour de la fidélisation. Il est donc urgent d'opérer cette transformation stratégique afin de révéler pleinement le potentiel inexploité de croissance rentable, tout en renforçant la responsabilité sociétale des entreprises et leur capacité à générer une valeur partagée sur le long terme.
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