E-commerce : quelles rémunérations sur ce marché pénurique ?
L 'e -commerce est un important pourvoyeur d'emplois. Les profils recherchés sont de plus en plus experts, avec une tension particulièrement exacerbée sur les métiers techniques et sur la data.
Je m'abonneAvec une croissance de l'ordre de 15 % par an, toute la filière de l'e-commerce est en recherche de talents. Selon la Fevad, 48 % des sites leaders prévoient une augmentation de leurs effectifs en 2017 et 26 % des TPE/PME envisagent de recruter au moins un salarié cette année. Les cabinets de recrutement spécialisés dans ce secteur constatent des besoins sur tous les types de profil, ce qui dope les niveaux de rémunération.
Dans les métiers du marketing, la spécialisation s'accélère. " Les acteurs de l'e-commerce cherchent des compétences expertes car chacun à son niveau contribue à faire progresser le chiffre d'affaires. Tous les profils ont des indicateurs de performance, remarque Frédérique d'Orgeval, directrice associée chez Blue Search. Sur les métiers de manager, de responsable ou de directeur e-commerce, la demande reste importante car de plus en plus de marques de retail créent leur propre boutique, veulent monter en compétence et développer leur chiffre d'affaires rapidement. L'activité e-commerce devient une véritable business unit à laquelle on donne désormais des moyens. "
Les petits sites commencent souvent par recruter un responsable e-commerce avec un poste multifonction. La taille des équipes et l'échelle des rétributions sont étroitement liées à l'importance du chiffre d'affaires. Si la rémunération du directeur e-commerce d'une PME reste inférieure à 100 k€ par an, elle peut atteindre 130 à 200 k€ chez les gros acteurs du secteur.
Les recrutements traduisent l'évolution des usages. Les chefs de projet omnicanal, qui font le pont entre l'e-commerce et le commerce traditionnel, se développent. Avec une vision à 360° de l'entreprise et une très bonne connaissance du digital, ils abordent les chantiers Web-to-store et store-to-Web, font converger les outils CRM...
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Montée en compétence sur la technologie
Désormais, un directeur e-commerce, un directeur marketing ou un responsable acquisition doit être capable de s'intéresser aux outils. " Piloter un site d'e-commerce implique de recourir à toute une série d'outils sur le programmatique, la gestion du catalogue produits... Il faut être capable de tester et d'auditer les solutions marketing ", fait valoir Jacques Froissant, fondateur d'Altaïde. La capacité à identifier les bons KPI et à analyser les tableaux de bord est un autre élément majeur de la maturité sur ces fonctions.
Depuis trois ou quatre ans, tous les gros acteurs de l'e-commerce recrutent des profils de data analyst ou de data scientist. Non sans peine ! " Nous avons en France, une bonne culture de la data, mais peu de gens ont cette double spécialisation data et e-commerce, ou la culture data d'une famille de produits ", constate Jacques Froissant. Les data analysts fournissent des indicateurs factuels à des décideurs qui fonctionnaient beaucoup sur l'intuition.
" Ils vont permettre un pilotage fin de l'animation promotionnelle, par exemple pour déterminer le taux de rabais sur un produit pendant les soldes. Au départ, la compétence data servait surtout à des fins marketing. Elle devient un élément de rentabilisation de la donnée quand on arrive à la revendre à ses partenaires ", ajoute t il. Ces profils sont aussi très recherchés dans la logistique car ils sont à l'origine des entrepôts intelligents. Par leur capacité à rationaliser et structurer les flux de données d'origine très diverse, les data scientists aident à mieux gérer les stocks et anticiper les ruptures. Ils font gagner la logistique en rapidité et en performance. Ces spécialistes peuvent très tôt prétendre à des rémunérations élevées. " En deux ou trois ans, ils acquièrent une expérience technique qui les rend opérationnels sur différents modèles en data science. Ils commencent alors à être chassés et peuvent accéder à des différentiels de rémunération très importants lors des changements de poste. Ils sont d'autant plus sollicités que leur mission a vocation à changer le business model de l'entreprise ", observe Frédérique d'Orgeval. Les chief digital officers ou chief data officiers ont en général 10 à 15 ans d'expérience et sont recrutés à partir de 100 k€ avec des rémunérations qui peuvent atteindre jusqu'à 200 k€.
Des métiers techniques sous-tension
La pénurie en spécialistes de la data n'est rien à côté du manque de développeurs. Difficiles à trouver, les développeurs web démarrent leur carrière autour de 35 à 40 k€, mais progressent rapidement autour de 55 à 60 k€. Ils ont vocation à devenir lead développeurs, puis directeurs techniques. Les architectes ont des compétences plus larges et vont bâtir les fondamentaux d'un projet. Ils peuvent prétendre à des rémunérations allant jusqu'à 90 k€.
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L'évolution des méthodes de développement crée de nouveaux besoins. C'est le cas du "devops", qui consiste en une suite d'opérations de développement de manière agile. " Les devops mobile sont assez prisés car tout le monde développe des applis sous iOS ou Android. On voit aussi se développer des Scrum masters ou coaches agiles, qui gèrent la partie technique des projets d'e commerce. Ou encore des product owners, qui vont faire évoluer le produit grâce à des méthodes agiles, anticiper les attentes, les blocages... ", note Stéphane Boukris, directeur général et cofondateur d'Ametix. Dans les grands groupes d'e commerce, le directeur technique, ou chief technical officer, est la fonction la plus haute sur la partie technique. Au-dessus, le DSI a une fonction plus politique qui inclut le vote des budgets.
La spécialisation des compétences se retrouve aussi sur le volet technique. Un chef de projet technique ou fonctionnel prend en charge un projet de A à Z, tant sur les aspects techniques que business. Expert en CRM rattaché à une équipe d'e-commerce, le prospect relationship manager (37-80 k€, selon Ametix) gère la base de données clients. Le traffic manager (35-60 k€) est en charge des leviers de recrutement avec des compétences sur les liens sponsorisés, le référencement naturel, le real time bidding, les ad exchanges... D'inspiration anglo-saxonne, les technology evangelists (autour de 150 k€) aident les collaborateurs à s'approprier l'usage d'une nouvelle technologie, dont ils sont les ambassadeurs et les référents techniques.
Sur les réseaux sociaux, des profils experts ont un rôle à la fois stratégique et opérationnel. " Ils se sont souvent orientés vers le social par intérêt personnel et par affinité. Plus que leur formation, c'est la capacité à adresser de manière effective des problématiques spécifiques aux marques qui fait la différence ", précise Frédérique d'Orgeval.
Depuis deux à trois ans, certaines start-up de l'e-commerce se dotent de growth hackers pour décupler la croissance sans avoir besoin d'investir en marketing. " Ils sont par exemple chargés de générer du buzz, de personnaliser les envois ou d'affiner les propositions sur la livraison. Un colis livré avec un tarif préférentiel au bureau sera vu par plus de personnes que s'il est ouvert à domicile ", souligne Stéphane Boukris. Ils sont rémunérés autour de 30 à 35 k€, soit un peu mieux que les community managers. Les e-commerçants recrutent aussi des UX designers pour améliorer la performance commerciale de leur site. Encore peu nombreux et très demandés, ces professionnels s'appuient sur des données analytiques, du benchmark, de l'A/B testing... et apportent une vision centrée sur l'expérience client qui permet de générer un chiffre d'affaires incrémental et de fidéliser les clients. Les métiers de la sécurité ont aussi le vent en poupe pour protéger le site d'e commerce contre les tentatives d'intrusion, le piratage de données ou les virus. Un responsable sécurité peut prétendre à une rémunération de 45 à 70 k€ dès cinq ans d'expérience.
Enfin, de plus en plus d'acteurs importants de l'e-commerce se dotent de chief happiness officers (50 à 120 k€). Au carrefour des relations humaines et de la communication, ils aident les collaborateurs à se sentir plus épanouis dans l'entreprise, ce qui augmente la performance de cette dernière et limite le turnover dans les équipes. Un cercle vertueux.