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"Une harmonisation européenne des règlementations est nécessaire", Marc Lolivier

Publié par Stéphanie Marius le | Mis à jour le
'Une harmonisation européenne des règlementations est nécessaire', Marc Lolivier

Fiscalité, règlement ePrivacy, procédures de retrait-rappel... Marc Lolivier, délégué général de la Fevad, fait le point sur les sujets phare de la rentrée pour les e-commerçants.

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Où en sont les projets de taxe commerciale sur les entrepôts et de taxe sur la livraison?

La dernière proposition en ce sens [liée à une taxe sur les entrepôts, NDLR], émise par le Sénat, remonte au projet de Loi de finances de 2018. Elle a été rejetée par le Parlement. Ce sujet revient quasiment tous les ans.

La proposition concernant une taxe sur la livraison date de juin dernier. Elle a été adoptée au Sénat, contre l'avis du gouvernement. Elle doit donc être inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, ce qui n'est pas le cas pour l'heure.

Quelles sont les conclusions du rapport de l'Inspection générale des finances sur l'équité fiscale de l'e-commerce?

Ce rapport, commandé par le Premier ministre, contient une réflexion sur l'état de la fiscalité par rapport à la transformation de l'e-commerce. Je n'en ai pas eu connaissance et ce rapport n'est, pour l'heure, pas publié.

Quel est le sens de ces mesures alors que la tendance est à l'omnicanalité?

La France a une fiscalité particulièrement lourde. La solution n'est pas de l'augmenter via une nouvelle taxe sur l'e-commerce, susceptible de grever la compétitivité des entreprises françaises. Par ailleurs, cela surtaxerait les magasins qui payent déjà les taxes relatives aux points de vente physiques. À l'heure du multicanal, cette vision de la fiscalité est liée au XXe siècle.

Défendez-vous l'idée d'une base fiscale universelle pour le commerce quel que soit le canal? Pouvez-vous préciser les propositions que vous avez émises?

Nous avons constitué un groupe de réflexion dédié à cette problématique. La Fevad regroupe en effet des pure players et des retailers omnicanaux. La réforme ne peut pas se limiter à l'ajout d'une taxe sur l'e-commerce. Nos propositions sont pour l'heure en phase de réflexion.

Qu'en est-il dans le reste de l'Europe?

Aujourd'hui, si l'on souhaite que l'e-commerce français joue son rôle dans le paysage international, notamment face aux entreprises chinoises et américaines, il faut permettre aux acteurs de se développer sur le marché européen. Il est donc essentiel que toute réflexion sur la fiscalité intègre une dimension européenne. Les différences de fiscalité empêchent les entreprises de se projeter sur le marché européen mais surtout, les entreprises situées dans les pays à forte fiscalité se trouvent pénalisées. Nous soutenons toutes les initiatives d'inspiration européenne. Elles permettent le "level playing field", c'est-à-dire l'assurance d'une concurrence loyale entre les acteurs, quelle que soit leur domiciliation fiscale.

Au niveau européen, l'extension du guichet unique facilite les déclarations de TVA dans les différents pays. De même, à partir de 2021, une nouvelle réforme permettra de lutter plus efficacement contre les fraudes à la TVA sur les produits qui entrent dans l'Union européenne. L'harmonisation européenne progresse. Le seuil en-dessous duquel les entreprises ne sont pas redevables de la TVA intra-communautaire est en train d'être harmonisé.

Pour faciliter la vente transfrontalière, l'Europe a mis en place le Moss(1) (mini one stop shop: guichet unique électronique ) pour les services, lequel sera étendu prochainement aux produits.

Quelle est l'avancée du projet de Règlement ePrivacy?

L'Europe a décidé en 2016 de revoir la réglementation en matière de protection des données. Auparavant, il existait une directive générale datant de 1995, la Loi informatique et libertés européenne, ainsi qu'une directive sectorielle (2002), concernant le respect de la vie privée dans le secteur des télécommunications, dédiée à l'e-mailing et au démarchage téléphonique. La disposition de 2002 a été revue en 2009 pour y intégrer la gestion des cookies.

En 2012, l'Europe a décidé de rénover les deux directives. Celle de 1995 est devenue le RGPD, mis en application au 25 mai 2018. La directive de 2009 est maintenant en cours de rénovation, c'est de cela qu'il s'agit aujourd'hui. Le projet de la Commission européenne, adopté par le Parlement européen, prévoit un dispositif inquiétant pour l'avenir de l'économie numérique: l'obligation pour l'internaute de choisir s'il accepte ou non les cookies au moment où il installe son navigateur internet. Nous craignons que le droit de ne pas recevoir de publicité ne s'applique au prix d'une restriction plus grande concernant le choix et la concurrence sur le Web.

Quelles actions avez-vous menées?

Nous avons donc pris position dans le cadre d'une association baptisée "Union française du marketing digital", qui regroupe les éditeurs de presse et les régies internet, pour expliquer qu'il ne s'agit pas d'une bonne solution. Le droit de la personne à ne pas faire l'objet d'une publicité ciblée ne doit pas conduire à un Internet encore plus fermé. Il s'agirait d'une atteinte au pluralisme et au choix du consommateur.

Le travail de pédagogie qui a été mené a porté ses fruits, puisque le texte a été publié par la Commission puis adopté par le Parlement européen. Il est maintenant en discussion au niveau des États-membres. Nous attendons maintenant le rapport du Conseil européen. Ce dernier amendera certainement le texte. Surviendra ensuite une discussion au sein du "trilogue" (Parlement, Commission et États membres) afin de parvenir à un compromis.

Nous demandons par ailleurs un assouplissement de la procédure visant à obtenir l'accord du consommateur. En effet, celle-ci est plus restrictive que ce qui est prévu par le RGPD. Nous plaisons en faveur d'une harmonisation entre les deux textes. L'inconnue concerne le calendrier, notamment en raison des élections européennes qui auront lieu au mois de mai.

Point positif: il s'agit d'un règlement, ce qui unifiera le droit entre les États européens. En effet, la directive de 2002 était interprétée très différemment en fonction des États.

Quelle est la nouveauté en matière de procédures de retrait-rappel, notamment pour les marketplaces?

L'affaire Lactalis a donné lieu à cette demande des pouvoirs publics. Un groupe de travail au sein du Conseil national de la consommation a été chargé de réfléchir à l'amélioration des procédures de rappel en cas de produits dangereux. Un rapport a été remis au gouvernement, contenant des mesures non-spécifiques à l'e-commerce. La question des marketplaces s'est posée, compte tenu de leur développement important. La marketplace n'étant pas un distributeur, elle a un statut d'hébergeur. Ce n'est donc pas sur elle que repose la charge du retrait-rappel. En revanche, elle constitue un vecteur de sensibilisation utile pour sensibiliser les vendeurs. Le Conseil national de la consommation publie plusieurs bonnes pratiques, notamment en termes de suivi du "Rapex" (alertes diffusées par les autorités) et de relais. Si des mesures devaient être prises, il serait souhaitable que ce soit au niveau européen, afin d'éviter de handicaper les marketplaces françaises face à leurs concurrentes étrangères.

Avez-vous noté d'autres sujets en cette rentrée pour les e-commerçants?

Au niveau européen, la directive Platform to Business devrait voir le jour dans les prochains mois. Elle concerne la relation entre plateformes et utilisateurs professionnels. Elle doit être examinée par le Parlement européen.

En parallèle, le règlement New deal for consumers est à suivre de près et devrait réformer en partie la directive relative au droit des consommateurs (laquelle fixe les règles en matière de droit de rétractation, délai de remboursement, livraison...).

Enfin, la DSP2 (nouvelle directive sur les services de paiement), laquelle impose le recours à une authentification forte du consommateur, entre en application à partir de septembre 2019.

(1) Depuis le 1er janvier 2015, les prestations de services électroniques sont imposables dans l'État membre où est domicilié le consommateur. Le prestataire doit désormais déclarer et payer la TVA dans chaque État membre de consommation. Pour simplifier ces nouvelles obligations, un guichet unique électronique appelé "mini-guichet unique TVA", ou MOSS, a été créé.

 
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