[Tribune] La forte baisse des prix des conteneurs redonne du sens à l'optimisation des flux de transport
La forte baisse des prix du transport de conteneurs entraîne un changement dans le rapport de force entre les chargeurs et les compagnies maritimes. Alors que les prix pour le stockage et le transport de fret maritime ont atteint des niveaux élevés pendant plus de deux ans, la chute actuelle des prix entraîne une remise en question massive des contrats en cours. Parallèlement, elle renouvelle l'opportunité de l'optimisation des flux de transport.
Je m'abonneDeux années de fortes tensions
Pendant deux ans, le marché du transport par conteneurs a été en forte tension. La demande était telle que les compagnies maritimes pouvaient se permettre de facturer à des tarifs élevés le stockage et le transport de marchandises. À titre d'illustration, selon le Freightos Baltic Index (indice qui mesure le prix du transport par conteneurs, pour le marché du spot en booking de dernière minute, moins d'un mois à l'avance), le prix moyen d'un conteneur 40 pieds sur une rotation Chine-Europe était de 1 500 USD avant la crise COVID et a dépassé 11 000 USD en septembre 2021.
Comme il y avait pénurie de moyens (conteneurs bloqués dans les ports en raison de confinements et quarantaines notamment), il y avait toujours des clients chargeurs pour payer le prix demandé par les compagnies maritimes, c'est la classique loi de l'offre et de la demande. Demande qui avait par ailleurs baissé (- 20 % environ), impactant les compagnies de fret qui se sont séparées de certains vaisseaux et de nombreux conteneurs.
La garantie de livraison des marchandises n'était, elle, pas à l'ordre du jour. La moindre place sur les navires de transport devait être exploitée pour optimiser les chargements au maximum, ce qui impactait souvent les délais contractuels de livraisons de plusieurs semaines de retard, quand le transport était tout bonnement possible. D'après l'institut Sea Intelligence, en mai 2022, la ponctualité des bateaux n'était que de 30 à 40 %.
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Cependant, les autorités de plusieurs pays, comme les États-Unis, ont lancé des enquêtes contre les grandes compagnies maritimes, notant la concentration excessive du marché. L'actuel président américain, par exemple, a menacé de sévir contre les compagnies qui pratiquent une tarification abusive et excessive.
En France, certains chargeurs influents (ex. M-E. Leclerc) ont dénoncé cette situation, demandant même à ce que le Parlement français ouvre une commission d'enquête sur les origines de l'inflation.
À noter que les armateurs bénéficient d'une exemption aux règles usuelles de la concurrence qui leur permet de s'entendre sur leurs capacités.
Un rapport de force qui s'inverse
Nous assistons aujourd'hui à un revirement de situation. La stagnation de la croissance économique, liée notamment à la crise Covid et à la guerre actuelle en Ukraine, a réduit la demande de biens de consommation. Ce qui a entrainé dans la foulée une normalisation des échanges économiques internationaux et une baisse significative et brutale des taux de fret. La soudaineté de la baisse de la demande conduit aussi de nombreuses entreprises à se retrouver en situation de sur-stock. Le volume transporté par Maersk au troisième trimestre 2022 a ainsi chuté de 7,6 % par rapport au deuxième trimestre de la même année.
En parallèle, la pression exercée par le gouvernement a poussé le leader français (CMA CGM) à diminuer ses tarifs de 500 euros par conteneur en 2022 pour toutes les importations de ses clients de la grande distribution française, dans l'optique de soutenir le pouvoir d'achat des ménages français. Les bénéfices nets records engrangés passant plutôt mal en période de crise.
Les compagnies maritimes, jusqu'ici en position de force vis-à-vis des chargeurs, voient donc le rapport s'inverser. Alors qu'ils étaient contraints de payer des montants élevés pour leur transport en raison d'une offre limitée, les chargeurs disposent désormais d'une plus grande liberté de choix. Le prix d'un conteneur 40 pieds s'affichait ainsi autour de 2 500 USD en décembre 2022, soit quatre fois moins qu'un an auparavant.
On peut imaginer, déjà, que ce changement de paradigme pourrait impacter les envies de relocalisation en Europe de certaines entreprises, poussées jusqu'à présent par la hausse du coût des conteneurs, les difficultés d'approvisionnements et risques sur la chaîne logistique. Ce nouveau contexte est aussi l'occasion pour eux de faire des choix plus judicieux pour optimiser leurs flux de transport, notamment en se basant sur la donnée.
L'opportunité d'optimiser les flux de transport en s'appuyant sur la data
Sur un marché où, en tant que chargeur, l'enjeu principal est de pouvoir expédier son conteneur, l'attention portée à la data et à l'analyse intelligente des données est passée au second plan. L'analyse des données n'a de sens que si elle permet de s'adapter aux résultats qu'elle dégage. Or, la position dominante des compagnies maritimes ne permettait pas vraiment aux entreprises de s'ajuster.
Maintenant que le rapport de force a changé et que les chargeurs ont récupéré plus de flexibilité, l'analyse des données vaut de nouveau la peine. En intégrant tous les processus logistiques dans une seule tour de contrôle, les possibilités d'optimiser les flux de transport sont nombreuses.
Par exemple, lorsqu'il s'agit de choisir le mode de transport : si les chargeurs ont été plus enclins à opter pour le transport aérien ou ferroviaire en raison du prix élevé des conteneurs, ils peuvent désormais envisager de conclure de nouveaux contrats avec les compagnies maritimes pour réaliser des économies et transporter des volumes plus importants en une seule fois.
Autre optimisation possible : la consolidation des expéditions. Maintenant qu'il est possible de négocier plus facilement avec les compagnies maritimes, il peut être plus rentable et plus efficace d'ajuster les volumes des expéditions en conséquence.
Enfin, il faut repenser la gestion des stocks. Dans un marché en forte tension comme celui que nous connaissons depuis ces deux dernières années, l'incertitude sur les délais de livraison fait courir le risque, pour le chargeur, de ne pouvoir réapprovisionner son stock que tardivement. Mais depuis peu, les compagnies maritimes ont plus de capacité de transport, le choix est donc plus large et la chaîne d'approvisionnement devient plus prévisible. Par exemple, en mesurant les données sur la durée des expéditions, les chargeurs disposent de plus d'informations pour améliorer la planification de leurs stocks.
Pour certains secteurs où le stockage des marchandises est très coûteux, l'optimisation du temps de transport et l'amélioration de la planification des stocks en conséquence peuvent donc permettre d'économiser jusqu'à plusieurs millions.
Aujourd'hui, l'enjeu pour les chargeurs est donc de commencer à examiner d'un oeil critique leurs données de transport et, sur la base de ces nouvelles informations, de faire des choix plus judicieux pour améliorer la performance de leur supply chain.
Un bon système de gestion du transport (TMS) est celui qui donne accès aux données utiles et permet d'accroître la maîtrise de ses flux de marchandises.