[Tribune] E-commerce français: un retard technologique qui commence à se voir
Les plateformes françaises de vente en ligne accusent un fort retard en matière de montée en charge et de souplesse, dû à un recours trop faible au mode cloud, selon Arnaud Lemaire, directeur technique de F5 France.
Je m'abonneAvec le Covid et les confinements successifs décrétés en France cette année, nous avons beaucoup parlé du retard de la France en matière de digitalisation de ses petits commerces. Et c'est un fait, en matière de nouvelles technologies, la France a rarement par le passé compté parmi les "early-adopters". L'e-commerce est en cela une bonne illustration: aujourd'hui, seulement 30% de nos commerces sont digitalisés alors qu'ils sont 70% en Allemagne.
Le problème du retard français en matière de digitalisation est bien plus large et n'impacte pas que les petits commerces. Il est évident que nos grandes plateformes e-commerce peinent à faire face à la concurrence des géants de l'e-commerce, Amazon en tête. Pour la plupart, ces plateformes sont nées à l'ère du digital alors que nos plateformes sont celles d'enseignes physiques traditionnelles. Cela change tout, mais cela ne devrait pas être une fatalité.
Des pannes à répétition
Cela aurait pu passer presque inaperçu. Mais les pannes importantes générées par la mise en vente de la Playstation 5 de Sony sur plusieurs grandes plateformes e-commerce françaises il y a quelques jours ont encore une fois démontré les limites de l'approche française en matière d'informatique. Si une plateforme e-commerce sature face à un trop grand nombre de connexions lors de la mise en vente d'un produit, nous sommes en droit de nous interroger sur ce qu'il pourrait advenir de ces plateformes pendant un Black Friday, les soldes, ou à l'approche de Noël? Encore plus cette année, alors que la consommation en ligne a explosé.
Face aux géants mondiaux de l'e-commerce, il est inconcevable aujourd'hui pour une grande plateforme e-commerce de saturer devant une augmentation (qui plus est prévisible) de connexions, même exceptionnelle, comme nous l'avons vu récemment.
Un retard pris dans la transition vers le cloud qui se traduit en perte de business sèche
Les plateformes e-commerce françaises et encore plus celles d'enseignes bien connues mais issues de la vente physique accusent en effet un retard sur le volet informatique. Alors même que la transformation numérique est en cours, le cloud devrait être le vrai enjeu de ces plateformes. Malheureusement, la réalité du terrain en France est que les architectures informatiques traditionnelles sont dépassées et que le discours du cloud a toujours du mal à être entendu.
Pourtant ses avantages sont nombreux. Trois raisons devraient faire basculer les grands e-commerçants vers le cloud: l'agilité, le coût, et l'expérience offerte aux consommateurs. Cette technologie permet tout d'abord un paiement à l'usage des ressources informatiques. En termes de coût, le gain est énorme. Très simplement, une plateforme qui a fait le choix d'une architecture moderne, totalement virtualisée en mode cloud (vs hardware/infrastructure avec des ressources physiques) peut anticiper un futur pic de consommation et augmenter ses ressources informatiques pour tenir la charge face à un pic de connexion, et payer ces ressources que lorsqu'elle les utilise. Cela vaut également dans le sens inverse, la plateforme ne payera que les ressources qu'elle utilise lorsque l'activité est faible (vacances). Concrètement, l'investissement initial est totalement réduit, les ressources de gestion également et la saturation du service est quasi-impossible.
Les plateformes les plus populaires, telles qu'Amazon, fonctionnent totalement en mode cloud, ce qui est loin d'être le cas pour beaucoup d'acteurs traditionnels français qui, au travers de leurs magasins physiques, ont des infrastructures et des datacenters physiques.
L'expérience utilisateur est nettement moins compétitive sans l'agilité du cloud
En matière d'expérience utilisateur, plusieurs éléments font la différence et permettent de fidéliser des clients dans le temps: l'ergonomie du site, la qualité de la navigation, l'offre de services et la simplicité d'achat. Pour tout cela encore une fois, Amazon est un modèle du genre. Là aussi cela repose largement sur la technologie et l'infrastructure sous-jacente.
Le cloud permet, par exemple, une agilité et l'amélioration continue des offres et services. La simplicité d'achat est également un facteur clé. En effet, beaucoup de sites -français mais pas que- renforcent leur sécurité en ajoutant des étapes de sécurité telles que l'authentification multifacteurs. C'est une mesure qui a été longtemps recommandée, notamment pour sécuriser les paiements en ligne. Malheureusement, il est prouvé que toute étape supplémentaire complexifiant le parcours d'achat entraîne une baisse des ventes.
Aujourd'hui, des solutions de sécurité fondées sur l'intelligence artificielle et le machine learning permettent de lutter contre la fraude, de manière totalement transparente pour l'acheteur. Pour être compétitif, le site e-commerce doit prendre à sa charge des étapes de sécurité supplémentaires et ne surtout pas les ajouter à l'acheteur... Ce que proposent aujourd'hui les meilleures plateformes du marché, c'est la simplicité totalement maximisée tout au long du parcours client.
Aujourd'hui en matière d'e-commerce, le constat est simple, alors que les sites e-commerces de dernière génération ont une agilité extraordinaire pour ajouter de nouveaux services, de nouvelles fonctionnalités et les dernières technologies (de sécurité entre autres) en quelques minutes, cela prend des semaines pour une infrastructure traditionnelle, et à la fin cela risque de créer un retard insurmontable. Il faut parfois être un peu alarmiste pour inciter au changement.
L'auteur
Arnaud Lemaire est responsable de la force avant-vente F5 France, une équipe d'experts en réseau et sécurité qui accompagnent les entreprises françaises dans leurs chantiers de transformation numérique des infrastructures applicatives. Avec 20 ans d'expérience dans les domaines réseau et sécurité, un passage désormais obligatoire par du scripting et les infrastructures cloud, son quotidien est d'aider ses clients à adopter une approche moderne de la fourniture de services applicatifs en adoptant des pratiques d'automatisation, de sécurité sans friction et de visibilité sans barrière.