L'e-logistique : un secteur qui se cherche encore
Concentration, modernisation des process, fluidité et interactivité dans les systèmes d'information, la logistique e-commerce innove pour être en phase avec son marché, caractérisé par le cross canal et le temps réel.
Je m'abonneDepuis les rachats d'Orium (septembre 2012) et de Morin Logistic (2013), La Poste règne en maître sur l'e-logistique. " De nombreux acteurs s'affrontent sur le marché et nous devrions assister dans les mois à venir à un mouvement proche de la tectonique des plaques avec comme conséquence des prestations plus ou moins qualitatives " annonce Olivier Moreau, directeur général d'Orium.
Porté par la hausse du nombre de transactions du e-commerce, l'e-logistique se porte bien et aiguise donc les appétits. Après une croissance de 20 % en 2012, le chiffre d'affaires des spécialistes de l'e-logistique devrait continuer de progresser, mais à un rythme moins soutenu. Xerfi-Precepta mise sur une croissance de 17 % de leur activité pour 2013, 15 % pour 2014 et 14 % pour 2015 dans une étude dédiée au secteur, " Le dernier kilomètre dans la logistique du e-commerce - De la massification des flux à la relation client " (septembre 2013).
Les nouveaux enjeux du secteur se résument selon les auteurs à l'amélioration de l'efficacité économique et écologique de la livraison, et donc du dernier kilomètre. Pour l'optimiser, l'étude pointe plusieurs pistes : Éduquer les consommateurs pour leur facturer la livraison, mettre en place des solutions alternatives avec la livraison en points relais ou en magasin, mutualiser les flux.
La première solution semble difficilement défendable tant la gratuité est ancrée dans les usages. Même si certaines stratégies comme celle de Showroomprive.com - qui propose une livraison en 24 heures sur un marché où les délais habituels sont plutôt de 3 à 4 semaines - rencontrent leur audience.
Xerfi-Precepta estime que la deuxième solution, via le web-to-store et les dispositifs click & collect, représente un bon moyen pour déployer l'e-commerce au sein des réseaux d'indépendants, mais ne règle pas la question du dernier kilomètre. A vrai dire, les acteurs du marché cherchent en permanence à optimiser l'efficacité du dernier kilomètre et à réduire les coûts, supportés par les e-commerçants ou par les consommateurs.
Livraison interactive, le nouveau standard
C'est ainsi que s'impose aujourd'hui le principe de la livraison interactive. Ce service, lancé par Chronopost en février 2013, s'adresse à la fois aux e-commerçants et aux consommateurs et modifie l'expérience client. " Les retours sont positifs, de plus en plus d'internautes utilisent le service et se l'approprient " observe Guillaume Guersing, responsable des marchés et de l'offre entreprise de Chronopost.
Concrètement, un message est envoyé la veille de la livraison au destinataire pour l'informer que le livreur passera entre 8 et 13 heures le lendemain. En cas d'indisponibilité, le consommateur donne ses instructions (programmation d'un nouveau passage ou mise à disposition du colis en point relais). " L'enjeu est d'améliorer le taux de livraison lors du premier passage et ça marche puisque depuis le lancement de l'offre, le taux de livraison réussie a augmenté de 30 % " ajoute Guillaume Guersing.
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Le service devrait évoluer en 2014, et proposer davantage d'options de livraison notamment. Un succès n'arrivant jamais seul, en 2014, Exapaq lance l'offre Predict. " Avec Predict, le destinataire recevra automatiquement un SMS lui proposant de choisir parmi plusieurs dates et créneaux horaires de livraison. S'il n'est pas disponible à ces dates, il pourra alors sélectionner une autre modalité de livraison via notre espace destinataire" précise Gildas du Retail, chef de Produit BtoC d'Exapaq. D'autres devraient suivre.
Ces offres répondent aux demandes du marché. L'information et l'interactivité apparaissent de plus en plus comme le nerf de la guerre. Une récente étude menée par Comscore dans six pays européens pour UPS sur les habitudes des clients en ligne (septembre 2013) confirme que le suivi des colis est un service essentiel pour la moitié des acheteurs. Les Italiens (avec 61 %) et les Français (58%) y étant particulièrement sensibles contrairement aux Britanniques (32%). Les internautes attendent des notifications par email avec numéro de suivi, des alertes les informant de la livraison et la possibilité de suivre leurs envois directement depuis le site du détaillant.
Information et reporting
Orium poursuit le même objectif en lançant en septembre 2013 l'offre Sentinelle. Ce support en mode Saas permet au e-commerçant de gérer les flux de marchandises du point de vue de la relation client, d'être proactif et de maîtriser sa chaine logistique de A à Z en traçant chaque colis jusqu'à sa remise au destinataire.
Avec cet outil, le client est informé à chaque étape (préparation de commande en entrepôt, SMS ou mails pour indiquer la mise en livraison, alerte en cas de problème). L'e-marchand dispose d'un reporting détaillé afin de piloter le process. Chez Shipleader, Emmanuel Kowalski, directeur des solutions logistiques confirme que " les e-marchands demandent de plus en plus des solutions de pilotage de la supply chain ".
Il semble que les exigences caractérisant la livraison des petits colis (point relais, livraison sur rendez-vous) gagnent le secteur des plus gros colis. Mais, " alors que La Poste apporte une réponse globale au premier marché, nous sommes obligés de construire une réponse au cas par cas pour les gros colis " ajoute Emmanuel Kowalski. Shipealder fait alors appel à des prestataires locaux et propose le pilotage du process à travers sa plateforme. " Le volume des colis lourds se développent et nos clients ont besoin d'un accompagnement spécifique notamment dans leur développement à l'international, car la question de la reverse n'est pas réglée " poursuit Emmanuel Kowalski.
Shipleader développe à la fois des partenariats à l'international et des outils simples permettant aux marchands de suivre l'état des retours. Le prestataire propose un système d'information facilitant la gestion et le remboursement des produits renvoyés à réception du colis dans le pays de l'internaute. Trois à quatre jours serait ainsi gagnés sur le délai de remboursement.
Les commerçants deviennent logisticiens
Autre tendance, cherchant à réduite les coûts, les e-commerçants développent leur propre offre logistique. Priceminister (groupe Rakuten) a lancé au printemps dernier un service de logistique dédié à ses vendeurs professionnels. L'offre propose un service d'assistance au stockage et à l'expédition.
Mieux, le groupe 3 SI a crée Dispeo en 2012 et ouvert le plus gros centre de préparation e-commerce en France dans la métropole Lilloise. Déployé sur quatre entrepôts, Dispeo dispose de 145 000 m2 au sol et emploie un millier de collaborateurs.
Le logisticien est capable de traiter 400 000 colis par jour. Le centre est innovant par son dimensionnement et par ses équipements industriels (transitique guidée, tri automatique pour la confection des commandes grâce à deux machines capables de traiter 1024 colis simultanément, etc.) " Nous couvrons l'ensemble de la chaîne supply chain et pour éviter les ruptures de charge, nous avons adossé le bâtiment principal au centre de tri de Mondial Relay " explique Bernard Avril, directeur général de Dispeo.
Cette organisation groupée permet d'accélérer les activités de préparation de commandes et de livraison via une passerelle équipée de convoyeurs par laquelle transitent les colis.
" Cette organisation, unique en Europe, nous permet de préparer les commandes en 2 heures, une commande passée avant midi peut donc être livrée en points relais dès le lendemain en France et en Belgique, sous réserve de disponibilité des produits " ajoute Bernard Avril.
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Dispeo traite les commandes des enseignes du groupe 3 SI, avec celles de 3 Suisses depuis février 2013, puis intègrera progressivement les commandes de Blanche Porte, Becquet et Vitrine Magique avant de s'ouvrir en 2014 à l'ensemble des acteurs du marché.
Vers l'omni logistique
En réponse à l'omni canal de commande et pour optimiser les coûts, l'omni logistique apparaît. " Elle se caractérise par une hyper agilité avec un service plug and play, des réseaux étendus intégrant les boutiques en ligne, leurs fournisseurs et la plateforme logistique et une expérience client homogène " indique Olivier Moreau. Pour ce spécialiste de l'e-logistique, " la vente en ligne sans entrepôt, suivant le modèle des places de marché, devrait concerner 20 % des ventes du e-commerce d'ici 2020".
Au niveau organisationnel, cette logistique d'un nouveau genre se passe de stockage et d'inventaire pour se recentrer sur le système d'information. " Nous développons un outil en mode Saas, commercialisé sous forme d'abonnement, qui intègre les fournisseurs du e-commerçant et lui permet de gérer la logistique de ses marchandises sans entrepôt " explique Olivier Moreau. Le service devrait être disponible en 2014. Le niveau des coûts sera calculé en fonction des volumes, de la localisation des fournisseurs, des caractéristiques des produits (prix, taille, poids) via des devis établis au cas par cas.