[Portrait] Sébastien Badault, le web en grand
Parmi les sommités du web, Sébastien Badault tient son rang. Son pedigree professionnel atteste de sa valeur dans l'écosystème digital à l'échelle mondiale. Après Amazon, Google et Alibaba, il vient de rejoindre Ledger, licorne française qui sécurise les cryptomonnaies. Sa mission ? Accompagner les marques dans le metaverse et le Web3 en prônant la propriété et la sécurité digitales.
Je m'abonneIl a certainement commencé sa journée par 10 minutes de méditation, suivies d'une séance d'étirements et d'une douche froide. Ce rituel matinal, Sébastien Badault ne s'y soustrait pas. Gage d'équilibre du corps et de l'esprit pour un éveil au monde en pleine conscience. Une sorte de digitale détox quotidienne avant de plonger dans le grand bain des actifs numériques. En effet, en février dernier, l'ex-directeur d'Alibaba France a rejoint la start-up française Ledger, licorne prometteuse oeuvrant dans la sécurité de la cryptomonnaie.
Nommé vice-président metaverse et Web3, il rejoint une entreprise de 800 personnes (effectif mondial) après des décennies d'exercice dans des grands groupes mondiaux hégémoniques. « Ledger, c'est devenu ma vie, mon obsession. J'y mets beaucoup d'énergie et c'est passionnant. Mais il est vrai que certaines nuits, je dors mal au regard de l'enjeu et de mes responsabilités », confie le quadra, quatre mois après sa prise de fonction. Il faut dire qu'il faut une sacrée dose de patience et de conviction pour évoluer dans l'univers des cryptomonnaies, du metaverse et des NFT, tant la dimension virtuelle pourrait faire perdre pied à ceux qui construisent leur avenir dans ce nouveau monde de l'immatériel. « Au contraire, à tous les sceptiques, je dis : achetez un Ledger, un bitcoin, un NFT, testez l'écosystème et vous verrez... », encourage le dirigeant.
Nouvel eldorado
Sébastien Badault a pour mission de développer de nouvelles activités liées au metaverse et aux NFT, qui permettent d'authentifier et tracer des actifs via la blockchain. Il devra développer de nouveaux services dans des secteurs prometteurs comme le luxe et le jeu vidéo. « Le Web3 est une opportunité formidable pour l'Europe de créer des champions globaux. Il faudrait mettre en place l'équivalent de la French Tech dédié à l'écosystème Web3 et une Fevad dédiée pour structurer ce nouveau marché », analyse Sébastien Badault. Passionné par son nouveau challenge, il n'hésite pas à parler de nouvel eldorado d'internet pour mettre enfin les marques en contact direct avec les consommateurs. « Avec le Web3, le consommateur garde la main sur son engagement avec la marque. Aujourd'hui, notre identité digitale appartient à Facebook, Amazon et à Google mais, demain, on va pouvoir reprendre le contrôle sur le partage de nos informations. Cela va changer le monde, comme internet à ses débuts. Si les créateurs, les artistes viennent au Web3, les utilisateurs suivront. Pour cela, il faut un usage facile d'adoption et sécurisé », explique le dirigeant. À l'instar de Sébastien Borget, CEO de The Sandbox (jeu virtuel) pour qui le metaverse s'apparente à un territoire de conquête et de revanche sociale, Sébastien Badault définit le Web 3 comme la nouvelle frontière d'internet qui nourrit l'égalité des chances et qui rétablit les équilibres, grâce à la blockchain. « Apple prend 30 % aux développeurs d'applications, YouTube 55 % aux créateurs, Spotify donne 4 milliards de dollars aux maisons de disques dont seulement 16 % reviennent aux artistes... Il faut accompagner les créateurs pour sécuriser leurs oeuvres. »
Aligné avec ses choix
Une mission culturelle dont s'emparent d'autres dirigeants, comme Thierry Jadot, président cofondateur de Minteed, start-up de l'ArtTech et ex-président de Dentsu Aegis Network France : « Nous voulons promouvoir les oeuvres et protéger les droits des artistes, générer des galeries dédiées, créer des expériences collaboratives aussi bien réelles que virtuelles. Nous voulons faire de la blockchain un espace respectueux de l'art et de la culture ». Sébastien Badault plaide pour une économie de la possession numérique. « Jusque-là, seul le nom de domaine nous appartenait... Demain, la plupart des marques vendront un produit et son jumeau digital qui sera un NFT. C'est une question de temps ». Dans un écosystème en ébullition, les carrières se construisent. Celle de Sébastien Badault est riche, dense et cohérente. « On est au début de l'aventure chez Ledger mais je me sens très aligné avec mes choix. Quand j'étais chez Google, je représentais 6 ou 7 % du CA global mais je n'avais que 1 % de part de voix car il faut être au siège pour influer sur la stratégie globale de l'entreprise. Ce qui était un peu frustrant. En rejoignant une start-up, je sais que j'ai une influence directe sur le développement de l'entreprise, mais j'exerce aussi de lourdes responsabilités », détaille le dirigeant.
Le Web3 est une opportunité formidable pour l'Europe de créer des champions globaux. »
Network mondial
Pour mener à bien sa mission, il va pouvoir prendre exemple sur celui qui l'a recruté, Pascal Gauthier, le charismatique Pdg de Ledger. Ils se connaissent depuis 22 ans, ont réalisé leur premier deal d'affiliation quand Sébastien était directeur marketing d'Amazon. « J'étais chez Google, il était chez Criteo, nous nous sommes toujours suivis et appréciés. Il m'impressionne beaucoup. Il est taillé pour être CEO, il est juste, courageux... Il a toutes les vertus cardinales, je crois... » Les deux associés, complémentaires, sont aussi de très bons amis qui travaillent ensemble pour la première fois. Une complicité et un respect mutuel les unissent. Pour Pascal Gauthier, la prise est de taille : « C'est un des rares leaders en France à disposer d'un tel network mondial. Il connaît tout le monde partout, en Chine, en Europe, aux États-Unis... Par ailleurs, c'est un expert mondial de l'engagement des marques sur le digital. C'est un businessman hors pair qui sait gérer des problèmes complexes », reconnaît son partenaire professionnel.
Bâtir des ponts
Le digital n'a plus de secret pour cet expert qui s'est formé au sein des plus grandes entreprises mondiales du web. Cinq ans chez Amazon, dix ans chez Google, sept ans chez Alibaba... « Ma carrière est un mixte de chances et de choix mais tout est une question de timing et de moments. Quand j'analyse mon parcours professionnel, je m'aperçois que j'ai fait du Web1 avec Amazon, du Web2 avec Google et maintenant du Web3 avec Ledger. C'est une sorte de progression naturelle et je cherche, à chaque fois, à aider les entreprises "traditionnelles" à tirer parti de nouvelles opportunités, à bâtir des ponts », analyse-t-il. Doté d'une double culture franco-américaine, Sébastien Badault a toujours eu un lien direct avec la technologie. Son père, ingénieur à la Thomson, part s'installer avec sa famille aux États-Unis. Sébastien, âgé de 13 ans, s'initie aux balbutiements d'internet, étudie à Boston et décroche son premier job dans une start-up. Il rentre en France en 1998, rejoint l'agence Textuel-La Mine et crée la première newsletter sur l'actualité du web "Metanews". Il rencontre alors Denis Terrien (actuel CEO Salesforce) qui montait Amazon en France et qui lui propose de rejoindre l'aventure. Aujourd'hui, cette double culture fait la force de sa famille. « Avec mes trois enfants et ma femme vénézualo-libanaise, rencontrée aux États-Unis, nous échangeons tous en anglais et cultivons le goût des voyages »... Décidément, le monde de Sébastien Badault est sans frontière.
Son parcours :
1991-1994 : Boston College
1996-1998 : TBS Education à Toulouse
1997-1999 : Directeur marketing Textuel / La Mine
1999-2004 : Directeur marketing France Amazon.com
2004-2014 : Directeur du développement Southern Europe, Eastern Europe, Middle East & Africa Google
2015-2022 : Directeur Alibaba France