TRIBUNE - Totsy.com, quand la vente privée rencontre le social media
La scène se passe au congrès Internet Retailer, une après-midi de juin 2012 à Chicago. À la tribune, dans un américain impeccable, teinté d'une légère pointe d'accent français, Guillaume Gauthereau, cofondateur et CEO de Totsy. Compte-rendu de Laurence Faguer, customer insight.
Je m'abonneFondé à New York en 2009 par Guillaume Gauthereau et son associé Christophe Garnier, sur le marché de la maman et de la naissance, Totsy emploie aujourd’hui 120 employés et compte 3 millions de membres. On apprendra plus tard que Guillaume Gauthereau, diplômé de l’École vétérinaire d'Alfort, a travaillé tour à tour pour Colgate Palmolive et Nestlé Ralston Purina, qu’il signa sa première success story entrepreneuriale en créant un site d'e-commerce dans le petfood, Alidoo.com.
Puis cap vers le luxe : il dirige une business unit du flagship de Louis Vuitton sur les Champs-Élysées, avant de prendre la présidence de Lalique North America pendant quatre ans, son dernier poste. À cette liste de "super achievers", on peut ajouter son titre de "NYC Venture Fellow", que lui a décerné l’année dernière le maire de New York, Michael Bloomberg, distinguant ainsi les entrepreneurs d’exception qui créent des emplois à New York City. Et cette année, Guillaume Gauthereau est finaliste de "the Entrepreneur of the Year Award", organisé par Ernst & Young. Son entreprise, créée en 2009, emploie 130 salariés et est le deuxième site d'e-commerce privé américain sur le secteur des ventes privées dédié aux mamans et aux enfants. Il compte 3 millions de membres et a réalisé deux levées de fond de 25 millions de dollars au total.
Tout ceci accompagné de méditations quotidiennes, de plantations de légumes bio et d’un grand activisme envers des causes environnementales, son autre grande passion, qu’il exerce en tant que fondateur et chairman de Sequoia Lab.
Mais revenons à Totsy. Certains se lancent dans l’aventure entrepreneuriale par affinité pour un secteur (la mode, le golf…) sans s’interroger sur la taille du marché. Pas Guillaume Gauthereau et Christophe Garnier. Ils ont choisi, très méthodiquement, un marché à potentiel, et c’est sans nul doute l’un des secrets de leur réussite. À titre personnel et de par son parcours professionnel, Guillaume Gauthereau aurait plutôt penché pour le secteur du luxe. Mais outre le fait que le marché est plus petit, le coût d’acquisition d’une cliente "luxe" est beaucoup plus élevé qu’une "maman"."La petite enfance est un marché de 65 milliards de dollars aux États-Unis, hors couches et nourriture, et 400 000 bébés naissent chaque mois, un nombre en progression de 3 % par an", explique Guillaume Gauthereau.
Le concept de Totsy.com : les membres s’inscrivent gratuitement et reçoivent un e-mail quotidien les informant des ventes en cours et à venir. Une cinquantaine de marques sont mises en ligne chaque semaine. Une fois la vente terminée, Totsy passe commande auprès du fournisseur, qui envoie sa marchandise dans l’entrepôt de la start-up dans le New Jersey. La gestion et l’envoi des commandes se font le jour même.
Cette activité commerce est le "core business". Mais à côté, viennent se greffer les contenus et la communauté (les 3 C) : une multitude de "conversations" (sur Facebook, Twitter, Pinterest et sur les blogs) auxquelles les mamans prennent part, "in real time" et "on the go", à leur façon, lorsque cela les arrange. Et pourquoi s’arrêter aux produits physiques ? Totsy ne se résume plus à la vente de vêtements, poussettes ou autre layettes mais a élargi son offre à des produits et services autour de la maman : baby-sitting, cosmétiques (avec de grandes marques telles que Clarins, Dior, Sisheido, LaMer) mais aussi des offres dans le domaine du voyage, des parcs d’attraction, et … demain, autour des pères et des grands parents.
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En marge du congrès Internet Retailer, le cofondateur de Totsy explique la stratégie social media mise en place pour réussir à acquérir 3 millions de membres en trois ans.
Pourquoi avoir choisi le modèle de vente privée on line pour mamans, bébés et enfants ?
Guillaume Gauthereau : Pour de nombreuses raisons. Lorsqu’en 2009, avec mon associé Christophe Garnier, nous avons commencé à réfléchir à une idée d’entreprise à créer, le concept de vente privée était très en retard aux États-Unis. Le succès de Venteprivee.com en France avait donné quelques idées à certains, mais ces sites se concentraient sur des verticaux : la mode, le design, le voyage. Les Gilt, HauteLook, Rue LaLa, sur le secteur de la mode, sont des business qui aujourd’hui font 200 à 500 millions de chiffre d’affaires. Et le marché américain est si vaste qu’on ne peut pas vendre de tout, comme le fait Venteprivee.com en France. Nous devions nous focaliser sur un segment.
Et pourquoi le segment des mamans ?
Dans le luxe, le consommateur final est beaucoup plus cher à toucher. Pour atteindre la cible des revenus annuels supérieurs à 100 000 dollars, il faut dépenser 15 dollars, et encore, ce prix a augmenté de 15 % en quelques années. Pour atteindre une maman, il faut compter deux à trois dollars. Ce prix est stable, car cela fait longtemps que les Procter & Gamble et autres PGC acquièrent la cible des mamans en ligne. Le prix est connu.
Autre raison : il est plus facile de trouver une "digital mum" qu’une acheteuse d’un sac Gucci. Nous savons où la trouver. La première audience sur Facebook, ce sont les mamans. Alors nous avons été pragmatiques. Quel est le marché le plus grand ? Un marché vertical comme le sport, les seniors ? Non, il s’agit du marché des mamans.
En conférence, vous avez révélé que pour Totsy, les blogs sont aussi importants que Facebook. Comment travaillez-vous avec eux ? Nous avons dix mamans blogeuses, externes à l’entreprise, sur les principaux marchés américains (NewYork, Chicago, Boston, Los Angeles, San Francisco…). Elles relaient nos messages et sont supervisées chez nous par la Totsy’s chief mom, une Américaine, mère de deux jeunes enfants, qui fait office de correspondant avec les blogeurs et est véritablement le visage de Totsy auprès des médias. Dès que nous sommes sollicités pour une émission de TV ou une interview médias, c’est elle qui y va, car elle représente parfaitement la cible. En parallèle, nous entretenons au quotidien des relations avec 250 bloggeurs sur Twitter et Facebook, à la manière d’une chat room permanente.
Comment suscitez-vous l’intérêt de ces mom blogeuses, par ailleurs très sollicitées ? Nous créons du contenu. Nous avons, par exemple, mis en place une grande étude annuelle sur la consommation des mamans aux États-Unis. C’est devenu une institution. Les résultats sont annoncés en conférence de presse et sont repris par tous les grands médias.
Et chaque jour, nous choisissons un thème – par exemple, la Journée de la Terre – et nous rédigeons des posts en choisissant un axe qui suscite avis et commentaires.
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Qui met en œuvre votre social marketing : votre équipe ou une agence ? Tout est réalisé en interne, sauf les relations publiques, confiées à une agence. Je crois peu au travail des agences extérieures, même si certaines font de belles choses pour de grandes marques. Pour Totsy, le risque serait que notre "voix" soit dénaturée et que nos membres n’arrivent pas à y croire.
Quel rôle attribuez-vous à Facebook ?
Facebook engage nos clients, il leur apporte un sentiment d’appartenance. Or, notre cible, les mamans, sont particulièrement engagées. Elles sont attirées et reviennent régulièrement lire notre Page Facebook. C’est important : tout le monde vend à peu près la même chose, donc au moment de choisir, le consommateur va acheter la marque à laquelle il est le plus attaché émotionnellement. Facebook créé une relation différente avec le client.
Et comment utilisez-vous Twitter ?
Nous nous servons de Twitter pour apporter du contenu et aussi comme canal de service clients. Nos clients posent des questions et nous leur répondons en temps réel. Nous avons aussi une opération qui a beaucoup de succès, les Twitter Parties : nous invitons le président d’une grande marque à répondre pendant une heure aux questions des mamans, sur le mode de la conversation. Selon les soirs, de 20 000 à 40 000 personnes sont là, de chez elles, entre 20h à 21h, à twitter.
Pensez-vous que tous les secteurs puissent bénéficier à ce degré de leur présence sur les réseaux sociaux ?
Il n’y a pas de recette gagnante et il faut savoir s’adapter. D’autant que Facebook et Twitter ont chacun leur vie propre. Mais on peut parfaitement imaginer qu’un distributeur tel que La Fnac twitte sa promo du jour. En revanche, nous ne croyons pas beaucoup au commerce sur Facebook. Les gens ont plus d’opinions qu’on ne le pense et ils aiment se rencontrer sur Facebook. Mais ce n’est pas forcément le lieu pour acheter.
- Ce que Totsy a appris de ses clients : tout est une question de recommandations, de partage et d’invitations et de services.
- Ce que Totsy a appris des réseaux sociaux : bons résultats avec les blogs (400 blogs partenaires), faire partager sur Totsy des caractéristiques exclusives. Facebook Connect n’est qu’une première étape et la croissance organique est en baisse.