Les Instagramers, nouveaux influenceurs courtisés par les marques
Avec un engagement supérieur à Facebook et une plus forte émotion liée à l'image, les Instagramers séduisent de plus en plus les annonceurs français.
Je m'abonneCréé en 2010, Instagram a été racheté en 2012 par Facebook pour 747 millions de dollars (594 millions d'euros). A l'époque, il comptait 80 millions d'utilisateurs actifs. Aujourd'hui, il en cumule 300 millions et vient de dépasser Twitter. De quoi susciter l'intérêt des marques, surtout quand Instagram affiche un taux d'engagement 60 fois supérieur à celui de Facebook.
Mais, en dehors du fort engagement des membres, qu'est-ce qui attire ainsi les marques sur Instagram ?"L'image est le contenu le plus partagé sur Internet, répond Séverine Bourlet de la Vallée, co-fondatrice de l'agence Tribegram Lab, première agence française consacrée à Instagram et aux réseaux sociaux visuels. Avec l'image, pas de barrière de la langue, on joue directement avec les émotions. Face à la paupérisation actuelle du texte, on a vu ces deux dernières années l'avènement des réseaux sociaux sur la photo, comme Instagram, Tumblr, Pinterest, Snapchat...". Autre avantage d'Instagram : sa mobilité. Certains Instagramers, comme @vutheara, ne travaillent qu'avec leur iPhone.
Si le sponsoring des blogueurs par les marques est une pratique commune depuis longtemps, les partenariats entre influenceurs sur Instagram et annonceurs sont plus récents, surtout en France. Ainsi, ils seraient une cinquantaine d'Instagramers français rémunérés par les marques. Pour en faire partie, mieux vaut dépasser les 50.000 followers (abonnés). Les plus fédérateurs, au nombre de 6 ou 7 en France, arrivent à se faire facturer 1.000 à 3.000 euros la journée. Parmi ces photographes stars, on trouve @vutheara (733.000 followers), @saaggo (228.000 followers) ou @oliviathebaut (311.000 followers). Mais cela reste une exception.
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0,002 centime d'euro par abonné
Pour l'instant, les annonceurs français proposent surtout des avantages en nature (voyages, vêtements...). Les Instagramers plus influents (plus de 100.000 abonnés) peuvent toutefois être rémunérés. Tribegram Lab s'occupe de mettre en relation photographes influents sur Instagram et annonceurs. L'agence a mis en place un barème, qui sert de base pour les négociations : 0,002 centime d'euro par abonné la publication. Un Instagramer avec 10.000 followers peut ainsi toucher 20 euros par photo. "C'est encore beaucoup moins cher que des blogueurs, et beaucoup plus transparent", indique Séverine Bourlet de la Vallée.
Les annonceurs s'intéressent aux Instagramers avec une forte audience (nombre d'abonnés) et une signature visuelle ou un style identifiables. Ils cherchent également sur Instagram une expérience sociale, en tirant parti du fort lien créé entre l'influenceur et sa communauté, très active sur le réseau social. "Il ne faut pas mettre trop le produit en avant sur Instagram, ni y venir pour passer un message commercial, prévient Séverine Bourlet de la Vallée. Le but est de créer de l'émerveillement, de faire adhérer beaucoup de personnes en jouant sur le visuel et l'émotion".
Avec 157.000 followers, @qorz fait partie de ces Instagramers courtisés par les marques. A son actif, des opérations pour Etam, Renault, Boseou les hôtels Splendia. Pour ces derniers, il est parti avec quatre autres influenceurs découvrir des grandes villes du monde, dans le cadre du dispositif "Splendia Instagramers City Guides", mené avec l'agence Kindai. On peut voir ses photos sur le guide de voyage Inside Istanbul with Qorz, mis en ligne par la marque (un autre influenceur, Vuthera, a signé les images de New York). Seule contrainte imposée par la chaîne d'hôtels : publier 2 photos par jour sur Instagram et citer la marque.
Une photo par jour en mentionnant la marque
Autre annonceur, autre opération : le meilleur job d'été par Etam. Qorz est parti à l'été 2014 en Californie pour accompagner la gagnante du concours annuel de testeuse de maillot de bain, organisé par la marque. "Cette année, Etam souhaitait de belles photos, d'où l'opération Instagram, explique Qorz. J'ai eu une réunion avec eux avant de partir pour préparer ma mission, comme la fréquence de publication." Au final : 1 photo publiée par jour sur son compte et 1 photo par jour avec la gagnante en maillot de bain pour Etam, en mentionnant à chaque fois la marque avec un hashtag. "J'ai eu carte blanche, précise Qorz. Personne ne validait mes photos avant publication sur Instagram. Etam validait juste celles reprises sur le site, mais ça leur convenait presque toujours".
Côté annonceurs, mieux vaut laisser les Instagramers suivre leurs instincts dans de telles opérations. C'est notamment ce qu'a choisi Costa Croisières Italie, pour son "Costa Photoblog Tour". En juillet 2013, Costa a embarqué 9 Instagramers et photo-blogueurs européens à la découverte des fjords norvégiens, accompagnés d'un photographe professionnel.
Promouvoir le produit et enrichir sa bibliothèque d'images
Costa Croisières souhaitait avant tout "améliorer la connaissance du produit et l'image de Costa Croisières, précise Federico Sisinni, Responsable Social Media Corporate et RP Digitales. Mais également enrichir notre bibliothèque d'images de la côte nord européenne, et, enfin, restaurer la confiance dans la marque et l'humaniser". Car c'est pour la haute qualité des photos publiées que Costa Croisières a choisi Instagram, plutôt qu'un autre réseau social. Et pour en bénéficier, la marque n'a pas imposé de règles aux participants.
"Nous avons laissé les Instagramers libres de profiter de leur voyage, et raconter à leurs abonnés ce qu'ils ressentaient vraiment, indique Federico Sisinni. Nous leur avons juste demandé de mentionner Costa Croisières le plus possible. Sur place, le photographe professionnel leur a donné quelques conseils techniques. C'était notre seule action auprès d'eux."
Le résultat s'est révélé plutôt positif pour Costa Croisières : "Le coût par impression a été très bon, comparable à une large campagne print en terme d'audience touchée. Nous avons atteint près de 1,5 millions d'utilisateurs avec 94 contenus partagés sur différents canaux".
Les marques n'ont pas fini d'aller chercher sur Instagram de nouveaux ambassadeurs pour leurs produits. Une opération gagnante, à condition d'en respecter les règles: de la transparence, et une liberté de contenu assurée pour les photographes amateurs. En attendant, à l'image des blogueurs, de voir apparaître les premiers Instagramers français professionnels.