La livraison hors domicile : solution miracle ou simple alternative ?
La livraison à domicile peut se révéler un casse-tête pour les retailers. Si elle demeure largement la norme, elle est néanmoins porteuse d'un certain nombre de complexités.
Je m'abonneLa livraison à domicile peut se révéler un casse-tête pour les retailers. Si elle demeure largement la norme, elle est néanmoins porteuse d'un certain nombre de complexités. Au premier rang de ces difficultés, on trouve l'incertitude planant autour de la présence du destinataire. En effet, pour une livraison standard menée en 2 à 3 jours ouvrés, il n'y a aucune garantie de le trouver à son domicile. On estime que 10 à 40 % des premières livraisons sont en échec. De fait, une relivraison doit être programmée, ce qui entraîne des coûts supplémentaires, sans compter l'insatisfaction du client et les émissions de gaz à effet de serre (GES). Les flux de livraison à domicile sont, comparativement aux flux de transport B2B, peu optimisables : ils sont irréguliers, imprévisibles et les destinataires finaux varient d'un jour à l'autre.
Mais l'e-commerce doit-il nécessairement être synonyme de coûts de transport élevés et d'importants rejets de GES ? Les points relais et les consignes de livraison constituent une alternative solidement installée qui, théoriquement, résout une partie des problèmes posés par la livraison à domicile. Alors, la livraison hors domicile est-elle une solution miracle ou une simple alternative vouée à demeurer secondaire ? Passons en revue 3 arguments employés par les spécialistes du point relais ou de la consigne afin de démêler le vrai du faux.
1- Praticité et faible coût avant tout
La praticité est un critère de choix pour les consommateurs. À ce titre, la livraison hors domicile a de nombreux atouts à faire valoir, au premier rang desquels la possibilité d'aller chercher son colis au moment choisi. Aussi, pas besoin de poser un jour de congé sans avoir la garantie que la commande arrive au moment prévu. Bien sûr, la livraison à domicile propose un certain nombre d'options permettant de préciser la date et l'heure de réception (créneaux de RDV, livraison en moins de 24h...) mais celles-ci sont parfois payantes et souvent précisées au dernier moment par le livreur. Le point relais demeure donc l'option de référence pour combiner praticité et gratuité.
À ce postulat, il faut néanmoins opposer quelques réserves. Car en dépit de sa praticité, la livraison hors domicile n'est, tout simplement, pas l'option la plus favorisée par les consommateurs (sauf pour quelques pays tels que la Finlande, la Russie, la Pologne...). Il y a un travail d'évangélisation à mener, les infrastructures prennent du temps à se développer, mais le potentiel est là. Il faut cependant souligner que la livraison hors domicile ne date pas d'aujourd'hui et qu'elle peine encore à s'imposer dans nombre de ses bastions historiques. L'Allemagne, par exemple, est considérée comme un pays pionnier de la consigne à colis et dispose d'un des réseaux les plus étendus au monde. Pourtant, la livraison à domicile y demeure l'option la plus plébiscitée.
2- Maximiser les possibilités d'optimisation du transport et limiter ainsi les pertes financières
La livraison est le plus souvent un gouffre financier pour les e-commerçants – une livraison de petit colis à domicile peut coûter 5 à 10 fois plus cher que l'acheminement du même produit en magasin. Or, le secteur étant fortement concurrentiel et les consommateurs absolument pas prêts à payer le « vrai » prix de la livraison de leur colis, les marchands proposent le plus souvent la livraison à perte. Et ces pertes créent des inégalités profondes entre entreprises car toutes ne peuvent pas se permettre la saignée financière que s'infligent certains leaders de l'e-commerce.
Dans ce contexte, la livraison hors domicile doit pouvoir réduire le coût de la livraison supporté par les e-commerçants car elle offre davantage de possibilités d'optimisation. Le délai de livraison étant généralement plus étendu qu'en livraison à domicile, il est possible de mieux consolider les expéditions en amont. Livrer des points fixes plutôt que des adresses variables doit également permettre d'optimiser les tournées, de déposer plusieurs livraisons au même endroit, de limiter le nombre de relivraisons liées à l'absence du destinataire et les déplacements du livreur hors de son véhicule, permettant là aussi des gains de productivité.
La diminution de la dépense n'est toutefois, en pratique, pas forcément automatique. Cela dépend d'un nombre de facteurs important, allant de l'étendue du maillage en points de retraits, au coût de la livraison à domicile, très variable d'un pays à l'autre. Ensuite, le coût des infrastructures, dans le cas des consignes par exemple, n'est pas neutre. Le transporteur peut aussi être tenté de ne pas entièrement répercuter cette réduction des coûts dans ses tarifs. Ainsi, en fonction des pays, les différences tarifaires observées avec la livraison à domicile peuvent être significatives (plus de 20 %) comme décevantes (moins de 10 voire moins de 5 %). Il y a enfin une problématique de volumes : la livraison hors domicile n'étant pas l'option la plus populaire, sont-ils suffisants pour générer des économies d'échelle significatives ?
3- Une option plus vertueuse pour le climat et les émissions de GES de la livraison
On sait qu'en matière de transport de marchandises, les optimisations économiques reposant sur des leviers techniques sont souvent synonymes de réduction des émissions de GES. Aussi, toutes les améliorations évoquées dans la partie précédente s'appliquent ici aussi : des expéditions davantage consolidées, des tournées de livraison rationalisées et stabilisées et surtout un taux de retour largement amoindri. La livraison hors domicile serait donc une alternative particulièrement positive pour la planète.
Toutefois, là encore, l'efficacité du point de retrait, qu'il soit un commerce ou une consigne, est conditionnelle. En effet, en coeur de ville, les déplacements pour récupérer le colis seront souvent faits à vélo, à pied ou en transport en commun. Au contraire, dans une ville faiblement dotée en offre de transport alternatif, ou en milieu périurbain ou rural, le bilan ne sera pas forcément aussi reluisant et un trajet individuel en voiture sera bien plus émetteur de GES qu'une tournée de livraison, même sous-optimisée.
La livraison hors domicile, une solution complémentaire plus qu'une alternative totale
Il est incontestable que la livraison hors domicile a de nombreuses vertus comparativement à la « classique » livraison à domicile. Elle peut être moins chère, moins émettrice et mieux correspondre aux attentes des clients. Mais son efficacité est soumise à conditions.
Et dans un avenir proche ? Le paysage n'est pas fixe. Et si les réseaux continuent à se développer, permettant d'accroître les bénéfices éventuels, l'essor du télétravail pourrait en revanche rendre la livraison à domicile encore plus attrayante pour les consommateurs. À moins que, par souci écologique, les pouvoirs publics ne changent la donne ?