Les robots seront-ils les patrons de demain?
Au service des humains
Depuis 18 mois, de nombreuses personnalités ont exprimé leurs craintes face aux progrès de l'intelligence artificielle. Bill Gates a ainsi confié, en janvier 2015 : "Je suis dans le camp de ceux qui s'inquiètent du développement d'une intelligence forte." Avant lui, Elon Musk, fondateur de Paypal, SpaceX et Tesla Motors, avait ouvert la voie en déclarant : "Dans quelques années, les progrès de l'intelligence seront tels que ça deviendra un problème." Quant à l'astrophysicien britannique Stephen Hawking, il redoute même d'y voir "la fin de l'espèce humaine". Mais face à eux, d'autres voix s'élèvent, comme celle de Mark Zuckerberg. Selon le créateur de Facebook, ces avancées s'accompagnent de formidables opportunités car "par défaut, toutes les machines que nous construisons servent les humains". Nous sommes, en effet, encore loin d'une vraie intelligence, proche de celle de l'homme. Les machines ont appris à apprendre, et c'est un progrès spectaculaire, mais elles sont loin d'apprendre à penser. Les robots de demain seront certes autonomes, mais aussi conçus pour répondre à nos demandes et nos besoins. Plus que remplacé, c'est donc vers un dirigeant augmenté que nous nous dirigeons.
Déjà, les premières applications de l'intelligence artificielle sur les aspects comptables, ou de stratégie prédictive, ont montré leur efficacité, mais d'autres missions du chef d'entreprise pourraient bientôt être redessinées. "Les robots constituent, par exemple, une alternative aux déplacements professionnels grâce à la téléprésence avec le gain de temps et de confort qui s'ensuivent", indique Catherine Simon. Télégérées à distance par l'utilisateur, ces machines, avec leur base mobile et leur écran, offrent ainsi au dirigeant un véritable don d'ubiquité. "Il ne s'agit pas ici uniquement de participer à des réunions, mais de se déplacer sur le lieu de travail pour discuter, échanger avec ses employés ou ses partenaires, en envoyant son avatar", précise Raja Chatila. C'est, par exemple, la fonction des robots Beam d'Awabot ou Waldo d'Immersive Robotics. Plus audacieux encore, un scientifique japonais a créé son double artificiel, baptisé Geminoid IV, qui, capable d'imiter ses expressions, pourrait même, à terme, le remplacer pour prononcer ses discours.
De nouveaux enjeux pour le dirigeant
En 2025, 20 % des tâches seront automatisées avec pour conséquence la destruction de 3 millions d'emplois. Telles sont les prédictions du cabinet Roland Berger. Aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Japon, ce seraient même la moitié des postes qui seraient supprimés. Or, là où l'automatisation touchait il y a encore quelques mois principalement les métiers industriels, elle s'attaque désormais aux cols blancs. Ainsi, 3 000 robots Pepper et Nao sont déjà au service d'entreprises pour l'accueil, l'information, l'orientation des clients, le conseil produit ou les enquêtes de satisfaction. De même, Microsoft a annoncé au début du mois d'avril sa volonté de remplacer ses applications par des chatbots, des robots conversationnels utilisant l'intelligence artificielle pour interagir avec les humains en adoptant leurs expressions et mécanismes de langage. L'idée : commander son billet d'avion ou son repas du soir en discutant avec une machine savante plutôt qu'en cliquant avec sa souris sur un bouton. Un pari un peu fou annoncé par le géant informatique, et ce malgré les déboires qu'il a connus quelques jours plus tôt avec son profil Twitter artificiel féminin Tay, devenue, en quelques heures à peine, raciste et misogyne.
Mais si les robots s'invitent de plus en plus dans le monde de l'entreprise, cela implique aussi de nombreux changements dans le management, l'organisation et la gouvernance des dirigeants. D'abord parce que, "en remplaçant un emploi par un robot, il est de la responsabilité sociétale du chef d'entreprise d'en créer un autre par l'innovation" , souligne Catherine Simon. Supprimer les tâches répétitives ou pénibles lui permet ainsi de déplacer ses ressources vers la création de services et de produits et donc de créer un nouvel élan pour son business. Mais aussi car l'intelligence artificielle et la robotique améliorent les processus de prise de décision. "Les robots vont pouvoir détecter des situations dont les hommes n'ont pas forcément conscience en faisant apparaître des patterns répétitifs, indique Raja Chatila. Ça peut aider les dirigeants à mieux comprendre le fonctionnement de leur entreprise et donc à mieux diriger." La machine réalise alors une sorte d'audit constant, elle devient un vecteur de connaissance de ce qui se passe réellement dans l'entreprise. "Ce sont des outils d'aide à la décision extrêmement puissants, qui forcent le chef d'entreprise à changer son comportement et ses prises de décision, appuie Bruno Bonnell. Le patron qui prend des décisions basées sur sa propre expérience, sur son intuition ou par autorité, est terminé." Mais surtout, il doit désormais savoir interagir non seulement avec des humains, mais aussi avec ces machines savantes qui peupleront, demain et de plus en plus, les allées de son entreprise. Plus que les patrons de demain, les robots sont en passe de devenir, et ce sans aucun doute, les collaborateurs de demain.
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