Jumia, symbole de l'Afrique connectée
Afin de séduire les consommateurs moins frileux vis-à-vis du paiement en ligne, plusieurs initiatives de paiement mobile ("mobile money") sont également déployées. Plusieurs actionnaires de l'entreprise sont des opérateurs téléphoniques, comme Orange, mais seul le Kenya connaît une pénétration véritablement importante du mobile money, via le service M-Pesa. L'arrivée des smartphones chinois a contribué au développement des connexion Internet mobile 3 et 4G et permet aux consommateurs d'acheter un smartphone pour une centaine de dollars.
Au-delà de l'acquisition de nouveaux clients, l'une des questions récurrentes pour le marché africain concerne l'aspect logistique, qui ressort avant tout du bon sens. En réponse à "un écosystème (livraison, logistique) peu développé", Jérémy Hodara et son comparse ont d'abord misé sur l'internalisation des équipes et des structures, avant de décider d'élargir leur réseau de prestataires : "Nous fournissons des tenus, des outils, des process, à des anciens employés (mais pas seulement) qui, avec un petit capital de départ, achètent un camion, une moto et deviennent prestataires", explique, satisfait, le codirigeant.
L'investissement, prioritaire sur la rentabilité
Interrogé sur le délai sous lequel Jumia peut espérer devenir rentable (l'entreprise annonce un Ebitda ajusté négatif de 111 millions d'euros en 2015, soit deux fois supérieur à 2014), Jérémy Hodara balaye l'argument: "Il ne s'agit pas d'un délai mais d'une décision. Nous avons décidé d'investir en marketing pour accompagner la croissance et la mettre en phase avec la croissance extraordinaire des marchés, avec l'assentiment de nos actionnaires. Si les investissements marketing étaient plus faibles, nous serions dans les clous, mais ce n'est pas l'objectif."
La logistique, selon le codirigeant, ne représente pas un coût supérieur à celui qu'elle aurait en Europe, grâce à des entrepôts bien remplis, et ne représente pas un problème pour l'activité de Jumia.
Et pour l'avenir? Jumia souhaite accélérer la croissance dans la deuxième vague de pays sur lesquels il s'est implanté, mais également continuer de bâtir son écosystème. Jérémy Hodara envisage même des livraisons récupérables dans les hôtels, à l'image du système de consignes en France. En Afrique aussi, l'expérience client prime.
Les idées reçues sur le marché africain:
- Les consommateurs sont encore trop peu à avoir accès à Internet: FAUX.
Selon le dernier rapport "The State of Broadband 2015" coproduit par l'UIT et l'Unesco, la pénétration de l'internet mobile en Côte d'Ivoire tutoie à peine les 25% tandis qu'elle n'atteint pas le seuil de 12% au Nigéria, premier marché de Jumia : selon Jérémy Hodara, "la réalité n'est pas visible avec ces chiffres. Toute personne qui souhaite avoir accès à Internet en a la possibilité en Afrique. Les consommateurs prêtent leurs téléphones et ordinateurs, nous remarquons plusieurs comptes clients sur une même adresse IP. Même dans les campagnes, je n'ai jamais entendu une personne affirmer qu'elle ne parvenait pas à avoir accès au Web."
- Il est impossible de toucher les populations isolées: FAUX.
Jumia a déployé une force de vente physique à domicile, inspirée des "ventes Tupperware", composée de 60000 personnes munies de tablettes et rémunérés à la commission.
- Les difficultés logistiques sont insurmontables pour le moment: FAUX.
Selon Jérémy Hodara: "Il n'y a pas de système d'adresse dans la majorité des pays du monde. Nos livreurs connaissent les quartiers et appellent ou se font renseigner sans difficulté. Il s'agit simplement d'un usage différent."
- Il est difficile de tenir des standards de professionnalisme élevés: FAUX.
"Nos employés, ravis d'avoir un travail régulier, font preuve d'un professionnalisme irréprochable, explique Jérémy Hodara. Beaucoup sont recommandés par leurs proches, nous n'avons pas de problèmes de vol ou de mauvais comportement, car cela rejaillirait sur l'entourage de la personne malveillante. Nos standards sont comparables à l'Europe, nous livrons entre un à trois jours." La productivité est cependant moindre, en raison de l'état des routes, souvent non goudronnées ou difficilement carrossables et des embouteillages importants en ville.
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