[Tribune] E-commerce transfrontalier en Chine, l'heure du changement a sonné
La mise en place d'un nouveau régime fiscal en Chine bouscule les acteurs du marché.
Je m'abonneHaitao est un terme souvent utilisé dans l'industrie du e-commerce. Il fait référence aux consommateurs chinois qui achètent des produits sur des sites Web étrangers en faisant appel à des services de livraison transfrontaliers. Or, la nouvelle règlementation fiscale, entrée en vigueur cette année, a un impact direct sur les entreprises de ce secteur.
Entrée en vigueur au mois d'avril, cette nouvelle loi définit des plafonds pour l'exonération des taxes sur les achats de produits importés : 2 000 renminbis par transaction et 20 000 renminbis par personne et par an.
Elle établit également deux listes de produits pouvant être importés sous douane : " the List of Cross-Border E-Commerce Retail Imports " et " the List of Cross-Border E-Commerce Retail Imports (Second Batch) ". Les biens n'apparaissant pas sur ces listes sont couverts par la politique commerciale générale applicable, ou assujettis à la taxe sur les articles postaux personnels.
Les modifications apportées au régime fiscal représentent un vrai défi pour les acteurs du e-commerce transfrontalier en Chine. Les petites et les moyennes entreprises ont été les plus durement touchées. En effet, si les produits ne figurent sur aucune des listes, elles doivent les importer dans le cadre du système commercial général. Une procédure qui nécessite un nombre important de documents, contrats, factures et certificats d'origine. Seulement, dans certains cas, il n'est pas toujours possible pour l'entreprise importatrice d'obtenir de tels documents auprès de distributeurs étrangers. Après l'entrée en vigueur des modifications de la fiscalité, certaines d'entre elles ont uniquement sorti des produits des entrepôts sous douane (sans en faire entrer), ce qui a entraîné une diminution brutale du nombre de commandes.
Après l'approbation du Conseil des affaires d'État, une période de transition d'un an a été instaurée. Au cours de cette période, seuls les biens importés sous douane entrant dans les zones franches de l'une des dix villes pilotes en matière de e-commerce transfrontalier sont exemptés de la vérification des certificats lors du processus de dédouanement. Les dix villes pilotes désignées sont : Tianjin, Shanghai, Hangzhou, Ningbo, Zhengzhou, Canton, Shenzhen, Chongqing, Fuzhou et Pingtan. Il est à noter que les autorisations, les enregistrements ou les déclarations d'importation ne seront pas exigés pour les premières importations de produits cosmétiques, de laits infantiles, de matériel médical et de certains produits alimentaires.
Expérience et confiance des clients
Si cette année de transition accorde une période de répit, des changements fondamentaux sont inévitables dans ce secteur. " La mise en oeuvre de cette nouvelle législation nous permet de voir notre avenir avec plus de clarté ", affirme Huang Xiaoyan, porte-parole de Guangdong Funsens Network Technology. " Nous avons d'ores et déjà pris des initiatives et créé un centre de distribution pour les produits étrangers à Canton, dans le district de Nansha. "
Première du genre en Chine, la boutique d'achat direct de la société Funsens a adopté le modèle O2O, qui consiste à proposer à la fois un espace physique hors-ligne et une plate-forme d'achat en ligne. Cette configuration permet ainsi aux clients de tester concrètement les produits importés avant de les acheter sur Internet.
Dans la boutique physique, les produits sont catégorisés comme importés ou dédouanés. Les acheteurs peuvent repartir directement avec les produits dédouanés, tandis que, pour les produits importés, ils doivent s'inscrire à l'avance et commander en ligne. La livraison aux clients se fait ensuite depuis l'entrepôt sous douane de l'entreprise.
La plate-forme d'achat proposée par Funsens est considérée comme une garantie de qualité, ce qui est extrêmement important lorsqu'il s'agit d'acheter des produits tels que du lait infantile. Le système permet aussi aux consommateurs de suivre leurs commandes depuis leur point d'origine grâce à Smart Inspect, une plate-forme de suivi de la qualité pour le e-commerce transfrontalier qui est gérée par le Bureau pour l'inspection et la quarantaine des entrées et sorties de Nansha.
Livraison directe
Certains consommateurs chinois s'inquiètent de l'impact de la nouvelle fiscalité sur les prix d'achat en ligne. Huang Xiaoyan remarque toutefois que le taux des taxes varie désormais selon les catégories de produits, ce qui rend au contraire certains prix plus attractifs.
Avant ces changements, les achats de type haitao se limitaient généralement à des produits d'une valeur inférieure à 100 renminbis. En effet, certains biens d'une valeur supérieure à 100 renminbis, tels que les produits cosmétiques importés, étaient soumis à une taxe sur les articles postaux personnels de 50 %. Depuis l'entrée en vigueur du nouveau régime fiscal, un taux global inférieur de 32,9 % s'applique désormais aux produits cosmétiques importés. Il est donc plus avantageux aujourd'hui pour les clients d'acheter des produits pour un montant supérieur à 100 renminbis.
Bien que les tarifs de certains produits infantiles et de maternité aient augmenté à la suite de cette réforme, Huang Xiaoyan reste confiant car de nombreux consommateurs sont enclins à acheter des produits de qualité même à des prix élevés.
D'après Huang Xiaoyan, les consommateurs chinois sont également nombreux à préférer le modèle de la livraison directe depuis l'étranger car les produits distribués directement par des entreprises étrangères leur paraissent plus fiables. Cela signifie aussi qu'ils ne seront pas touchés par la nouvelle politique à court terme et qu'ils resteront soumis à la taxe sur les articles postaux personnels.
Un grand nombre de boutiques de la plate-forme Funsens proposent toujours un service de livraison depuis l'étranger.
Les entreprises chinoises ne sont toutefois pas les seules à proposer ce type de service depuis l'étranger. En effet, plusieurs sociétés australiennes ont compris la forte demande des consommateurs dans ce domaine. Une étude de marché menée sur le sujet par l'un des exposants australiens, Premium International, a confirmé la préférence des consommateurs chinois pour les livraisons depuis l'étranger.
Premium International joue un rôle d'intermédiaire pour différents produits de santé professionnels, mais également pour des marques australiennes de produits infantiles et de maternité. L'entreprise s'approvisionne aussi directement auprès d'une grande variété de fournisseurs internationaux.
Des gammes de plus en plus diversifiées
La fiabilité de l'approvisionnement des produits et l'efficacité de la logistique sont particulièrement importants. L'accès aux sources principales permet de garantir un approvisionnement continu et contribue à maintenir le niveau de qualité des produits.
D'après Zhou Guoping, Senda, entreprise spécialisée dans l'achat et la vente en gros, gère plus de 1 000 marques et 50 000 articles individuels issus de 30 pays et régions. Pour la gestion de ces produits, la société a mis en place un système logistique polyvalent composé d'un entrepôt franc, d'un entrepôt à l'étranger et d'un entrepôt sous douane pour les biens étrangers. Dans le cadre de son processus de fourniture de produits aux clients, l'entreprise cherche à recueillir leurs commentaires et ajuste sa gamme de produits en fonction de l'évolution des demandes du marché.
Cette évolution des demandes a poussé plusieurs marques étrangères, auparavant inconnues en Chine, à s'aventurer sur ce marché. Ce phénomène est encouragé par la demande de consommateurs plus jeunes à la recherche de produits personnalisés. Parmi les entreprises qui ont bénéficié de cette tendance, on peut citer Beck, un fournisseur japonais de produits optiques.
La demande de produits " cosméceutiques " (association de " cosmétiques " et " pharmaceutiques "), mais aussi de produits cosmétiques pour hommes s'est accrue. Ainsi, selon Euromonitor, les ventes au détail de produits cosmétiques pour hommes en Chine devraient connaître une hausse moyenne annuelle de 13,5 % entre 2016 et 2019, contre 5,8 % à l'échelle mondiale. D'ici à 2019, on estime que le marché continental devrait représenter quelque 1,9 milliard de renminbis.