Jérôme Hiquet - Directeur Internet et CRM du Club Méditerranée « Nous souhaitons atteindre 20 % de notre chiffre d'affaires sur Internet d'ici à 2012 »
LA PLATEFORME E-COMMERCE DU CLUB MEDITERRANEE A ETE TOTALEMENT REFONDUE DANS 27 PAYS DEPUIS MARS 2010. UN PROJET D'ENVERGURE QUI S'INSCRIT DANS UNE STRATEGIE DIGITALE AMBITIEUSE.
Je m'abonneQuand vous êtes arrivé, il y a deux ans, à la direction Internet et CRM du Club Méditerranée, quelles ont été vos priorités?
Jérôme Hiquet: Le Web au sein du Club Méditerranée suit deux grands axes. Il s'agit tout d'abord d'un canal de distribution qui s'intègre dans un ensemble multicanal. Ensuite, c'est un média de communication. L'enjeu le plus important à mon arrivée était le développement du site. Historiquement, Internet a en effet accompagné la stratégie de montée en gamme du Club Méditerranée. Cela s'est concrétisé par une nouvelle campagne de notoriété et une évolution de l'offre produit. En 2004, seulement 25 % de nos villages comptaient quatre à cinq tridents (l'équivalent des étoiles pour le Club Méditerranée, NDLR). L'objectif en 2012 est que cette proportion dépasse les deux tiers. Pas moins de 1 milliard d'euros a été investi dans la rénovation, la fermeture et, bien sûr, l'ouverture de villages. Mécaniquement, Internet est apparu comme un canal primordial pour accompagner cette stratégie, en termes de communication.
L'un des autres projets-phares dès mon arrivée était l'évolution de la plateforme e-commerce. Avec plusieurs contraintes: développer la notoriété du Club Méditerranée et, parallèlement, optimiser le site en travaillant sur les aspects d'intuitivité et de fonctionnalité. Nous avons mené ces projets depuis août 2008 jusqu'au lancement de la nouvelle version du site en 2010. Dans un premier temps, nos efforts se sont focalisés sur la partie «étude client» et «web analyse». L'objectif était de remettre la data au centre du projet pour éviter toutes les perceptions subjectives.
Quels ont été vos partenaires sur ces phases de pré-lancement?
Concernant le Web Analytics, Omniture a été notre partenaire pour analyser les problèmes de navigation sur le site. Ensuite, nous avons utilisé la méthodologie de Yuseo pour mener des études clients. Nous avons ainsi testé la performance du site existant. Un bel exercice d'humilité pour identifier les problèmes de navigation et leur origine. Et nous avons entrepris ces analyses dans deux pays: la France et les Etats-Unis. Cela nous a permis de déterminer les axes à travailler en priorité: éliminer les impasses et parvenir à une navigation plus intuitive.
A partir des demandes des clients et des prospects, nous avons considéré qu'il fallait revoir l'architecture du site pour mieux valoriser l'offre. Nous avons également refondu la page d'accueil et travaillé sur les moteurs de recherche internes pour un meilleur accès à l'information. Le but était de mettre en place des modules qui mêlent à la fois la recherche et les éléments multimédias. En effet, dans le secteur du voyage, les principaux éléments d'aide à la décision sont les vidéos, les photos... Il ne fallait donc pas négliger cette dimension. Point important, nous avons collaboré avec l'agence FullSIX sur l'accompagnement fonctionnel et la déclinaison créative du site, et avec LSF Interactive pour les problématiques liées au référencement naturel.
@ Marc Bertrand
Parcours
Diplômé de l'ESC Bordeaux (promo 2000) avec une spécialisation en marketing, Jérôme Hiquet travaille, de 2000 à 2004, au sein du groupe Accor sur les différentes problématiques liées à la fidélisation. En 2004, il rejoint Voyages-sncf pour s'occuper du marketing relationnel et, en 2007, il orchestre le lancement de Voyages-sncf sur le m-commerce. Par la suite, il intègre le Club Méditerranée en 2008 au sein de la cellule marketing stratégique où il prend en charge Internet au niveau mondial, puis le CRM, en 2009.
La refonte du site en mars 2010 est-elle uniquement fonctionnelle?
Oui, c'est un élément que nous avons dû répéter et faire comprendre en interne. Il s'agit d'une refonte fonctionnelle avant tout, et non pas graphique. Nous avons cependant développé des expériences immersives nouvelles pour les internautes. Un outil multimédia a vu le jour, une sorte de Google Maps, à partir duquel on peut accéder aux différents villages et visionner les vidéos de présentation des clubs.
Vous avez également mis l'accent sur les aspects liés à la personnalisation du site...
La valorisation de l'espace client a, en effet, été au coeur de notre travail. Nous avons décliné sur la home page ce que l'on a appelé une zone relationnelle. Il s'agit du prolongement de l'espace client qui nous permet de personnaliser le contenu, en fonction de profils différents, de manière dynamique. Au total, près de 35 profils ont été identifiés et 1 000 à 1 500 combinatoires tournent sur le site. L'enjeu, in fine, est de personnaliser le contenu en fonction de l'historique du client.
Combien de temps vous a-t-il fallu pour mener à bien ce projet?
Près d'un an et demi. La plateforme e-commerce a été lancée, en France, le 24 mars 2010. Ensuite, toutes les semaines, nous avons mis en ligne la plateforme de deux nouveaux pays. Soit au total 27 pays en trois mois et en 14 langues! Le dernier pays en date à avoir été lancé est la Chine. L'ensemble de ce chantier a bien sûr nécessité un gros travail.
Quels sont les premiers résultats obtenus?
Après quelques mois, les premiers résultats se révèlent probants. La navigation sur le site est plus éclatée, l'internaute passe plus de temps en ligne. En outre, nous enregistrons plus de conversions de la part des nouveaux GM (gentils membres, NDLR). La part des nouveaux membres provenant d'Internet s'est en effet accrue. Il y a un véritable enjeu autour du recrutement de nouveaux clients via le site. Notre objectif avec la plateforme refondue est de permettre à ces clients-là d'acheter avec une réassurance plus importante et une navigation plus intuitive...
@ Marc Bertrand
Quel budget avez-vous consacré à ce projet d'envergure internationale?
Nous ne communiquons pas sur le montant global de ce projet, mais le retour sur investissement va être rapide, compte tenu de l'amélioration du taux de conversion et de l'augmentation du panier moyen qui devraient découler de ces actions. Nous estimons que le retour sur investissement sera de moins de six mois.
Quelles sont vos ambitions sur le digital?
Nous souhaitons atteindre 20 % de notre chiffre d'affaires sur Internet d'ici à 2012. Pour schématiser, notre stratégie digitale est orientée autour de quatre grands axes: le contenu, la plateforme e-commerce, l'outil de gestion de la relation client et, enfin, quatrième volet et non des moindres, le social média. C'est une dimension importante que nous allons nous employer à développer...
A quand une communauté de «Gentils internautes» labellisée Club Méditerranée?
Effectivement, ce que j'appelle la socialisation va être notre prochain grand chantier. Sur ce sujet, nous sommes dans une démarche de test et d'apprentissage. Aux Etats-Unis, par exemple, nous avons d'ores et déjà intégré dans le descriptif des villages le widget de TripAdvisor, c'est-à-dire les notes données par cette communauté de voyageurs aux hôtels et restaurants du Club. Nous redirigeons du trafic vers ce site pour que les internautes aient des avis. Et parallèlement, TripAdvisor redirige également du trafic vers nos sites. Il y a un puissant cercle vertueux que nous sommes en train de développer. Et cela pays par pays. Les autres éléments de socialisation sur lesquels nous réfléchissons touchent aux nouvelles fonctionnalités liées à Facebook. Dans Club Med, il y a «club» et les médias sociaux sont inscrits dans notre ADN. En France, nous travaillons notre présence sur les réseaux sociaux. Nous comptons près de 70000 membres sur notre fan page de Facebook. Aux Etats-Unis, nous avons déployé une plateforme communautaire propre à la marque. Elle permet aux internautes de communiquer et de pouvoir poster des vidéos sous l'ombrelle de la marque Club Med. Au travers de ces pays laboratoires, nous tentons de nous faire une religion, avant de déployer et d'internationaliser nos stratégies. C'est une démarche intéressante, elle nous permet de tester les stratégies pour ensuite déployer les plus efficaces.
Quelle place occupe le Web dans votre mix média?
Concernant notre stratégie de communication et notre mix média, les choses évoluent et deux tendances principales se dégagent. Internet devient, en termes d'investissement média, un canal qui prend de plus en plus de poids. Nous avons en effet multiplié par trois nos investissements sur le on line depuis 2006. Et certains pays, comme le Royaume-Uni, ont même basculé 100 % de leurs investissements sur le Web. Parallèlement, nous tentons d'accélérer le développement du trafic non payant, qui provient essentiellement du référencement naturel et des réseaux sociaux.
Parmi tous vos pays d'implantations, quels sont les plus prometteurs?
Sur les 27 pays de notre plateforme, dix réalisent environ 80 % de notre activité. Dans le secteur du tourisme, de nombreux critères structurent le marché. La pénétration d'Internet dans le pays, tout d'abord, est un facteur dont il faut tenir compte. Les Pays-Bas, par exemple, ont une très forte pénétration d'Internet. Donc, mécaniquement, le poids des ventes en ligne y est plus important. L'autre paramètre à prendre en compte est la structure du réseau de distribution dans le pays concerné. En France, notre réseau de distribution d'agences de voyages est important. Le rôle d'Internet n'est donc pas forcément le même que dans des pays comme les Pays-Bas ou le Royaume-Uni, où notre réseau d'agences est moins dense. En moyenne, nous réalisons près de 15 % de nos ventes sur Internet. Mais certains pays comme le Royaume-Uni, les Etats-Unis ou les Pays-Bas réalisent 30 à 40 %, voire plus, de leurs ventes en ligne. Chaque pays a donc une stratégie spécifique. On peut d'ailleurs noter que des antennes sont présentes dans tous les pays. La base de données est centralisée et unique, ce qui nous permet d'avoir une approche multicanal plus intéressante. Les évolutions de sites sont pilotées à l'échelle mondiale en collaboration avec les pays. En revanche, les investissements médias sont davantage décidés au niveau local.
Le Club Méditerranée, en ligne
En 2009, le site enregistre 25 millions de visiteurs uniques environ. L'e-commerce a représenté 15 % des ventes du Club Méditerranée la même année, et l'ambition affichée est de peser 20 % du chiffre d'affaires, à l'horizon 2012. La plateforme est présente dans 27 pays et est disponible en 14 langues. Le panier moyen sur le site est de l'ordre de 3 000 euros. La plateforme constitue un canal prioritaire d'acquisition: en 2009, Internet progresse de dix points par rapport aux autres canaux de distribution. Actuellement, 50 % des internautes arrivant sur le site sont des nouveaux membres...
Vous avez lancé votre activité en Chine récemment. Quel est votre retour d'expérience sur ce pays?
C'est un marché très atypique. Concernant la recherche d'abord, le leader n'est pas Google mais Baidu. La culture du C to C y est prédominante. La complexité de la Chine réside aussi dans ses différents modes de paiements. Il y existe des contraintes légales assez fortes dans le domaine de la vente en ligne. D'ici cinq ans, l'objectif du Club Méditerranée est d'implanter cinq villages en Chine. Ce marché pourrait potentiellement devenir le deuxième pays en termes de nombre global de GM (gentils membres).
Nous devons donc positionner Internet dans ce paysage, comme un canal de distribution et d'information.
Quel est le profil de l'internaute-type du Club Méditerranée?
Nous cherchons à être spécialistes sur notre coeur de cible, les familles, ainsi que sur les 4 à 8 %, selon les pays, des personnes gagnant le plus d'argent.
Il y a peu de différences entre un GM standard et un GM de l'Internet, d'un point de vue sociodémographique. Les personnes qui achètent sur Internet appartiennent à notre cible traditionnelle. En revanche, nous avons plus de nouveaux GM grâce au Web. Le recrutement y est donc un enjeu majeur. Quant au panier moyen, il reste inférieur sur Internet que dans d'autres canaux de distribution comme les agences. Cela renforce l'intérêt d'une approche multicanal.
Un mot de vos ambitions...
A court terme, nous allons continuer à travailler sur l'ergonomie et l'optimisation de notre plateforme e-commerce. Cela va passer par la valorisation de certains éléments et par un travail sur le tunnel de conversion. La dimension relationnelle, la personnalisation du site, la mise en valeur de l'espace client et également la sociabilisation seront des éléments importants dans le futur. Nous réfléchissons aussi à la dimension mobile de notre site. Sur tous ces nouveaux médias, nous sommes aussi en phase d'apprentissage. A ce jour, la France possède son site mobile sur différents smartphones et nous avons déjà enregistré 100 000 visites en quatre mois, c'est encourageant. Les applications mobiles, en village, sont à l'étude. Tous ces sujets sont passionnants, il faut les prioriser afin de donner un cap à l'ensemble et coordonner les différentes actions.