Femme en quête d'audience
A la tête de Jupiter MMXI Europe depuis 1999, Arielle Dinard a appris à gérer les hauts et les bas du Net en toute sérénité. Car, en dépit de la morosité ambiante, les chiffres de l'audience d'Internet ne reflètent qu'une seule chose : sa croissance constante.
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Novembre 1998, Waterloo Station à Londres, Arielle Dinard traîne sa
mauvaise humeur sur les quais de la gare. « Je déteste me lever à 5 heures du
matin pour prendre le train. » Directeur général France de Publicitas, groupe
mondial de promotion publicitaire, elle ne jure alors que par la presse, son
secteur de prédilection. Ce matin-là, elle croise, par hasard, Didier Truchot,
le patron d'Ipsos, qui n'aura besoin que d'un retour Londres-Paris et d'un
aller Paris-Madrid pour la convaincre de rejoindre MMXI, toute jeune structure
née de la fusion entre Ipsos, GfK et MediaMetrix, le leader américain de la
mesure d'audience sur Internet. Le challenge à relever est tentant : il s'agit
ni plus ni moins que d'exporter le succès de MediaMetrix en Europe pour y
devenir le leader de la mesure du nouveau média. Ainsi, après 10 ans passés
dans le milieu de la presse, Arielle Dinard se convertit brutalement au Web...
Non sans quelques réticences initiales. « Je regardais l'univers du Web comme
un monde de fous, très créatifs certes, mais qui allaient droit dans le mur »,
évoque-t-elle. A l'époque, elle n'aurait pas misé 2 francs sur la croissance de
la bulle financière du Web. Mais elle apprend vite les règles du secteur.
Passée du rôle de Dg à celui de P-dg Europe en à peine deux ans, Arielle Dinard
n'a eu aucun mal à maîtriser les spécificités d'un secteur où la rapidité et la
réactivité sont des atouts incontournables. Loin de l'odeur de l'encre et des
rotatives de la presse, Arielle Dinard vit une vague rafraîchissante. Entre les
lancements de filiales, les recrutements d'équipes, les repositionnements
stratégiques et les fusions (notamment avec Jupiter Communication), cette
"femme en quête" dirige à distance les 15 filiales européennes de Jupiter MMXI
d'une poigne ferme et rigoureuse. Son objectif pour 2001 est d'atteindre un
chiffre d'affaires de 30 ME, contre 7,8 ME réalisés en 2000. Des chiffres
encourageants, à l'image de ceux de l'audience d'Internet qu'elle considère
fascinants parce qu'ils ont un impact colossal sur la vie des entreprises. «
Les analystes s'y réfèrent pour évaluer une société, valider son entrée en
bourse et soutenir ses investissements », explique-t-elle. Consciente du rôle
clé que jouent ces chiffres sur l'économie du Net, Arielle Dinard en assume la
mesure et la démesure. Et si, par l'éclatement de la bulle spéculative,
quelques prévisions apparaissent aujourd'hui anachroniques, elle n'en reste pas
moins convaincue de la viabilité du média. « N'oublions pas qu'Internet a fait
en 5 ans ce que d'autres médias ont fait en 50 », rappelle-t-elle. Et de
préciser : « Internet vit une crise d'investissement, pas une crise
d'utilisation. Et il faut expliquer à nos clients pourquoi, sur un million
d'internautes qui fréquentent leur site, seul un millier est significatif. »
Or, si les chiffres qu'elle analyse au quotidien semblent cautionner son
optimisme - « on ne mesure actuellement que de la croissance d'audience » -,
force est de constater qu'ils n'épatent plus les investisseurs. Ce qui, selon
Arielle Dinard, témoigne d'une économie en passe de devenir saine et qui a
désormais cessé de se regarder le nombril. « En se focalisant uniquement sur
les fonctionnalités d'Internet, investisseurs et entrepreneurs en ont perdu de
vue l'essentiel, à savoir comment seraient générés les retours sur
investissements. » Arielle Dinard a le chic de le rappeler, que cela plaise ou
non à ses interlocuteurs, l'économie de marché doit valoriser l'actionnaire et
ne peut faire l'impasse sur la rentabilité. Internet ne sera sans doute pas
l'univers libertaire dont ses précurseurs rêvaient, mais l'économie en ligne
atteindra ses objectifs. Femme de bon sens, Arielle Dinard est persuadée d'une
chose : « Le marché revient toujours à son seuil d'équilibre et il faut savoir
tirer les leçons des abus que nous avons connus. » Ce qui signifie, pour elle,
apprendre à gérer l'incertitude en restant serein. « Dans la croissance comme
dans la décroissance, trimestre après trimestre, il s'agit de tout réinventer
sans cesse : votre société, vous-même, votre mode de fonctionnement, en se
concentrant uniquement sur les aspects que vous pouvez influencer, avec
acharnement, et sans jamais perdre de temps sur les aspects macro-économiques
qui vous dépassent. »
Repères
Diplômée de l'Edhec en 1988 et de l'American Press Institute de Reston (Virginia). 1989-1996 : responsable marketing, puis chef des ventes d'Havas Régies Orléans. 1996-1998 : directrice marketing de Publicitas Promotion Network. 1998-1999 : Dg de Publicitas France. 1999-2000 : Dg Europe de MMXI. 2000-2001 : P-dg de Jupiter MMXI Europe.