Chez les dotcoms, e-CRM = e-mail
Commenr gérer sa relation client quand on est une entreprise du Web, dotcom ou dotcorp ? Les outils du e-CRM, pourtant aux nues par leurs concepteurs, sont encore peu utilisés, à l'exeption de l'e-mail, via des logiciels de gestion de ses messages écrits. Si la personnalisation est aujourd'hui entrée dans les moeurs, le plus gros du travail qui reste à éffectué, concerne la constitution et l'exploitation de sa base de données clients.
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Si les cordonniers sont censés êtres les plus mal chaussés, les entreprises
du Web ne sont pas les mieux loties en matière d'e-CRM. Malgré l'essor de ce
nouveau média et son importance grandissante en tant que canal de communication
avec les clients, les dotcoms ne semblent pas très pressées de s'équiper des
outils de gestion de la relation client à distance. On assiste ainsi à une
situation paradoxale : le monde de l'entreprise s'ouvre largement au Web, mais
les pure players rechignent à se doter des instruments nécessaires à une
relation client efficace. Commentaire de Gilles Cohen, associé consumer
business chez Deloitte Consulting : « Le e-CRM est une pratique en devenir. »
Si les dotcorps sont plus avancées dans leur utilisation des outils de relation
client, c'est parce que leurs maisons mères "mortar" ont déjà intégré d'autres
outils CRM, comme les progiciels de front-office de type Siebel. Le CRM via le
Net, ou e-CRM, devient alors un outil supplémentaire dans une stratégie globale
de gestion de la relation client. Néanmoins, ces groupes eux-mêmes ont du mal à
appréhender ce nouveau canal. « Les enseignes de grande distribution, par
exemple, peinent à reproduire sur le Net ce qu'elles font dans le monde réel »,
explique Gilles Cohen. Pour illustrer ses propos, celui-ci raconte qu'un
consultant de Deloitte ayant acheté un micro-ordinateur dans un point de vente
Fnac n'a pas été reconnu deux semaines plus tard en se connectant sur le site
fnac.com. Toutes les informations qu'il avait données (adresse, e-mail,
cordonnées bancaires, etc.) lors de son achat en magasin, ne lui ont été
d'aucune utilité sur le site marchand. « Les distributeurs ont beaucoup investi
sur les parties ergonomie et logistique mais pas encore sur l'exploitation des
données clients », poursuit Gilles Cohen. Après avoir pris le train du Net en
marche, les enseignes se sont aperçues que le e-commerce ne représentera jamais
plus de 5 à 8 % de leur chiffre d'affaires. Elles ont alors ralenti leurs
dépenses internet, préférant se concentrer sur leur business classique.
Résultat : « Je ne connais aucun site de distributeur qui fasse du vrai e-CRM
», indique Gilles Cohen.
Une stratégie de multicanal intégré
D'autres secteurs sont plus avancés que la grande
distribution dans cette utilisation des instruments d'e-CRM. Dans le monde
bancaire, par exemple, la Société Générale a mis en place une stratégie dite du
"multicanal intégré" qui consiste à permettre au client de contacter sa banque
en utilisant le média qu'il souhaite. Dans le cadre du Net, un portail dirige
le client ou prospect vers le site dédié à sa catégorie : B to C, entreprises,
professions libérales et artisans, associations. « Sur chaque site, on peut
accéder à l'ensemble des offres et des produits, de la gestion des comptes à la
réservation de produits financiers en ligne », détaille Frédérique Dompeyre,
responsable commerciale des canaux d'accès à distance. L'outil d'e-CRM le plus
utilisé, à la Société Générale comme au sein des autres sociétés qui utilisent
le Web, reste l'e-mail. Ainsi, lorsqu'un internaute remplit et envoie une
demande de financement de prêt à la Générale, son mail arrive sur une
plate-forme dédiée. Une équipe, de dix-sept opérateurs formés, se charge d'y
répondre dans les 48 heures. Ces téléconseillers font également de la prise
d'appels téléphoniques pour le service de banque par téléphone Vocalia.
L'objectif, à terme, étant d'installer une solution de web call center, pour
faire dialoguer en temps réel internautes et téléopérateurs. Comme beaucoup de
banques qui entretiennent de gros services informatiques, la Société Générale a
fait développer cette application de traitement des mails en interne. Ce
système est pour l'instant indépendant du reste de l'informatique, y compris
des progiciels de CRM, et il a reçu le prix de l'interactivité web lors du
treizième Grand Prix de la relation client organisé par Teleperformance. Le
traitement des mails est séparé en deux parties. La première, sous-traitée à
Hays Ceritex, concerne les questions techniques ("mon navigateur n'est pas
configuré correctement", "je n'ai pas le bon plug-in", etc.). La seconde
concerne les questions d'ordre commercial. L'équipe y répond ou dirige le
client vers une agence bancaire. La plupart des mails sont dits "libres",
c'est-à-dire qu'ils sont envoyés directement par l'internaute, qui s'enquiert
d'une garantie de carte Visa ou de l'ouverture d'un Plan d'Epargne en Actions
(PEA). « Les téléconseillers se chargent de 80 % de ces mails libres. S'il
s'agit d'informations plus personnelles, nous les renvoyons sur l'agence
concernée », explique Régis Bizot, responsable projet traitement des mails. Des
formulaires sont présents sur le site et permettent d'envoyer des propositions
personnalisées aux internautes qui les ont remplies en ligne. Le service de la
banque traite environ 3 000 e-mails et formulaires par mois, hors questions
techniques. Cet outil d'e-CRM fait partie du dispositif global de banque
multicanal (projet 4D), qui devrait intégrer l'ensemble des canaux de relation
avec le client. « L'objectif, c'est que tout le monde soit au courant quel que
soit le média utilisé », précise Frédérique Dompeyre. En attendant cette
intégration totale, le service de traitement des mails remplit son office. «
C'est un vrai succès, plus particulièrement pour les demandes d'ouverture de
comptes », se félicite Régis Bizot. Un succès qu'il faut toutefois relativiser
au vu de ce que représentent les 30 000 e-mails annuels reçus face aux quarante
millions de coups de téléphones, ou encore les quarante millions de visites en
agence enregistrés par la banque en une année. Néanmoins, pour la Société
Générale, le Web est devenu un vrai média, avec ses 350 000 utilisateurs du
service Logitelnet, sur quatre millions de comptes. De même, le serveur vocal
Vocalia, qui enregistre 900 000 appels, est le leader du genre dans le monde
bancaire. Pour continuer dans la voie du e-CRM, la Société Générale envisage de
s'équiper d'un web call center, et de réaliser des campagnes d'e-mailings
personnalisés.
La SNCF poursuit son approche client
Dans le secteur du transport, la SNCF s'est également dotée d'un outil de
gestion des mails, celui d'Akio, pour son nouveau site de réservation et de
vente voyages-sncf.com (voir aussi e-Commerce n° 12). « Ce logiciel fait partie
d'une refonte plus globale du e-CRM visant à mettre à jour les dispositifs »,
explique Pierre-Yves Minguella, webmaster du site. Le transporteur national a
effectué une étude de marché avant de se décider pour la solution d'Akio. «
Elle disposait du meilleur rapport qualité prix et était la plus ergonomique »,
indique Pierre-Yves Minguella. Quatre personnes sont affectées à la gestion des
mails et un call center doit être ouvert prochainement pour les offres "train
plus hôtel". Quand les clients auront commandé une de ces formules, ils
recevront un mail de confirmation, agrémenté d'un numéro de téléphone à
rappeler. Mais il n'est pas question de créer un web call center (avec bouton
de rappel sur le site) pour l'instant. Le site voyages-sncf.com reçoit environ
16 000 mails par mois. Selon les questions, ils sont répartis vers la cellule
service clientèle située à Tours, ou vers l'assistance technique, à Levallois
Perret, près de Paris. Les échanges entre les deux sites se font via le
logiciel d'Akio. La réponse arrive sous 48 heures. « Tout est semi-automatisé,
mais l'opérateur peut toujours personnaliser son message », précise le
webmaster du site. Si la SNCF se dit satisfaite de son choix pour la gestion
des mails, Pierre-Yves Minguella aimerait que le module de statistiques du
logiciel soit plus étoffé, car « c'est la partie la plus faible du programme »,
estime-t-il. Les outils de personnalisation de type Vignette ou BroadVision ne
sont en revanche pas envisagés, en raison de leur coût trop élevé. D'autant que
la SNCF a déjà investi près d'un million de francs dans le site et les outils
de e-CRM. Toujours dans le cadre de sa politique de gestion de la relation
client via le Net, le site de la SNCF garde le contact avec ses internautes
grâce à une newsletter envoyée à environ 200 000 voyageurs. Ces envois sont
sous-traités à un ASP. Côté fidélisation, un partenariat avec Maximiles
(programme de fidélisation par points) a été mis en place, et des campagnes
d'e-mail marketing sont également prévues. Pour les réaliser, Pierre-Yves
Minguella souhaite qu'Akio Manager puisse s'interfacer avec un outil d'envoi en
masse. La mise en route de voyageurs-sncf.com a permis la création de quatre
emplois, dont un de superviseur. Satisfait de son outil, le webmaster avoue : «
Je ne vois pas comment on a pu travailler sans jusqu'à présent ! » Le logiciel
donne en effet aux gestionnaires du site une meilleure efficacité en termes de
service client, particulièrement en matière de rapidité de réaction. Le groupe
Lycos Europe (Lycos, Caramail, Comundo, Hotbot, Multimania, Spray, Tripod) a
lui aussi fait le choix du logiciel d'Akio. Début 2000, Multimania cherchait un
outil pour traiter ses mails. « A l'époque, la concurrence était quasi nulle.
Le plus proche contact commercial, excepté Akio, était la business unit
anglaise d'un éditeur américain », se souvient Charles-Christian Croix,
responsable des outils CRM du groupe Lycos. Alors que le site (encore
indépendant) était prêt à signer avec Kana, un éditeur américain, il découvre
la première version du produit d'Akio. « Nous étions le premier client d'un
logiciel qui avait 75 % de fonctions en moins que ses concurrents anglo-saxons,
mais était plus simple d'approche, et tournait sur Linux. Dès le départ, ils
nous ont prouvé leur réactivité », avance Charles-Christian Croix pour
expliquer ce choix. Aujourd'hui, le groupe Lycos se sert de cet instrument pour
gérer les flux de mails entre les différents sites et leurs membres (hors
newsletters).
Interfaces propriétaires
Parallèlement,
le groupe a développé en interne des interfaces pour l'administration des
chats, l'hébergement des pages personnelles et les forums. Multimania est,
depuis sa création, attachée à la gestion de l'information et la fidélisation
des membres. Par exemple, il y a enregistrement systématique des
correspondances entre le site et ses internautes, afin que les services
marketing, études et développement bénéficient d'informations fiables. Les
campagnes marketing de mails sont effectuées avec des outils internes et gérées
par le service marketing, le logiciel d'Akio étant orienté sur la réception des
mails. De même, les newsletters sont envoyées par des moteurs d'envois massifs,
jusqu'à 300 000 en une journée pour Multimania ou Caramail. Charles-Christian
Croix évalue le budget d'un tel outil d'e-CRM entre 150 000 et 300 000 F,
contre 500 000 F minimum pour un équivalent d'origine nord-américaine. Le
responsable des outils CRM n'envisage pas d'installer un web call center, en
raison du coût prohibitif du téléphone par rapport au volume de mails reçus. «
Avec 40 000 e-mails par mois, si on devait répondre aux coups de téléphone
engendrés, on atteindrait des sommes astronomiques ! », estime-t-il.
D'ailleurs, la demande des internautes pour un tel service est marginale selon
lui. Une étude interne, datant de l'automne dernier, a montré que 80 % des
utilisateurs de Multimania préféraient le mail comme moyen de contact, suivi
par les messageries instantanées de type ICQ. Le groupe est en train de se
réorganiser du point de vue marketing et envisage des projets de
personnalisation. « Les bases de données sont déjà prêtes », affirme
Charles-Christian Croix. Procédures et outils doivent être améliorés pour
renforcer le service client. Le tout étant fait « par petites touches, plutôt
qu'en engageant une révolution culturelle », selon les termes du responsable
des outils CRM. Grâce à une bonne maîtrise des différentes plates-formes
techniques (y compris celles qui sont localisées à l'étranger, en Allemagne et
en Suède), Lycos veut que sa relation avec les internautes soit constamment
améliorée, ce qui passe aussi par une réorganisation des horaires de travail,
par exemple. Aujourd'hui, le service client est ouvert de 8 à 22 heures cinq
jours sur sept. L'objectif est d'augmenter les plages de disponibilité pour
arriver finalement au sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur
vingt-quatre.
L'importance de maîtriser la donnée originelle
Ce gros chantier est fondé sur une maîtrise de la
donnée originelle, qui passe, selon Lycos, par des développements internes,
plus faciles à personnaliser en fonction des marques. « Ce n'est pas forcément
le cas pour les instruments achetés à l'extérieur », estime Charles-Yves Croix.
Le site Chronoresto.com (livraison de repas à domicile) a choisi un autre outil
de gestion des mails, celui du "Web intégrateur" WIS. Fondé en août 1999, ce
site vise trois types de clientèles : les particuliers à leur domicile, sur
leur lieu de travail, et les entreprises (plateaux-repas, réceptions).
Chronoresto a développé un logiciel de prise et gestion de commande, qu'il
revend à des partenaires. Sur le site, on peut commander chez 300 restaurants
partenaires à Paris, Lille et Marseille. Ils sont tous sélectionnés et testés,
et reversent 10 % du chiffre d'affaires réalisé grâce à Chronoresto.com. Le
paiement des repas se fait à la livraison, mais un module de paiement en ligne
doit être installé prochainement. Le prix moyen des repas s'établit autour de
100 francs, et le site annonce un chiffre d'affaires mensuel de 500 000 francs.
La relation avec les internautes est assurée via WISmail. A la première
commande, un mail est envoyé au client. En cas de retard ou de problème dans la
commande, un mail est généré automatiquement. WISmail permet aussi de réaliser
des envois à partir de bases de données externes. Le système de "narrow
casting" permet de différencier les messages selon des critères géographiques
intégrés dans la base de données. En revanche, les réponses aux mails entrants
se font manuellement via un logiciel de bureautique, en l'occurrence Outlook de
Microsoft, dans un délai de quarante-huit heures. « Une solution automatisée ne
serait pas rentable », estime Etienne Fauveau, co-fondateur et directeur
général de Chronoresto. WIS développe un autre outil, WIStrack, qui sert à
établir des statistiques par clics et par commandes. « On sait d'où vient
chaque commande, c'est très intéressant », apprécie Etienne Fauveau. Pour lui,
bien gérer sa relation client, en direct et en différé, est vital. « Notre taux
de satisfaction, avec 93 % de réponses positives, est excellent. » La
fidélisation est assurée par un partenariat avec le programme Oh Points !
(Consodata). « Il amène pas mal d'internautes et nous évite de gérer une
boutique », analyse Etienne Fauveau qui a investi environ 500 000 F pour un
forfait global. Hormis la gestion des mails, certains sites s'essayent à la
personnalisation. C'est le cas du nouveau site de tourisme EasyVoyage.com.
Fondé en février dernier par Jean-Pierre Nadir, précédemment éditeur de
plusieurs magazines dont Voyager Magazine, il a pour but de fédérer l'ensemble
des producteurs de voyages du marché. « Le tourisme représente près de la
moitié des transactions en ligne. Un franc sur deux dépensé sur le Web va à ce
secteur. Le chiffre d'affaires en France a été de deux milliards de francs en
2000 et devrait doubler cette année », analyse le P-dg d'Easy Voyage, qui
prévoit que, dans trois ans, 20 % des achats de voyages se feront sur le Net,
soit un potentiel de douze milliards de francs en France. Bien que parti « un
peu tard », selon ses termes, Jean-Pierre Nadir a réussi à lever 10, 5 millions
de francs auprès d'Ixo, HighCo et Interactive Partners. Marché d'avenir mais
soumis à une forte concurrence, le tourisme demande un positionnement original
de la part des nouveaux entrants. C'est celui qu'a adopté Easy Voyage, en se
présentant comme intermédiaire, ni marchand en ligne ni distributeur de
circuits. « Nous restons neutres et essayons de proposer toute l'offre du
marché », explique Jean-Pierre Nadir. Le site se rémunère en prélevant des
commissions sur les ventes effectuées par les voyagistes partenaires. Easy
Voyage a choisi la voie de la personnalisation avec la plate-forme One to One
Enterprise de BroadVision, intégrée par Sema Group. Mais, pour le moment, ce
progiciel est surtout utilisé pour la gestion dynamique des pages web. La
fonction de personnalisation (My Easy Voyage) va être mise en place
progressivement. En se loguant avec son identifiant et son mot de passe,
l'internaute se verra proposer une page adaptée à ses demandes. S'il a consulté
des informations sur tel pays ou acheté tel circuit, il arrivera sur une page
proposant des informations sur ces destinations. De même, les promotions (deux
séjours et deux circuits chaque semaine) seront mises en avant en fonction du
profil du connecté. Ensuite, des actions de marketing, comme des alertes
envoyées par mail sur les destinations préférées des internautes pourront être
lancées. Le site est d'autre part en train de constituer une newsletter en
opt-in pour ses internautes.
Du CRM à l'ERM
Pour
Jean-Philippe Favrot, directeur marketing de BroadVision, le CRM passe
obligatoirement par un intermédiaire humain, tandis que l'ERM (Enterprise
Relationship Management), concept que promeut cet éditeur, permet au client de
faire lui-même son choix dans les services proposés. « Créer un catalogue et le
mettre en ligne ne suffit pas pour faire de la gestion de la relation client »,
estime Jean-Philippe Favrot. Le P-dg d'Easy Voyage indique avoir investi
environ 15 % de son budget de développement (6 MF) dans l'outil BroadVision,
soit moins d'un million de francs. Chez l'éditeur, on évoque des tarifs de 150
000 dollars (1 MF) plus 30 000 dollars (200 kF) par application métier
supplémentaire. Concernant le délai d'implantation, le directeur marketing de
BroadVision cite le Groupe Lafarge, qui a construit un site B to B
"trois-en-un" (chaque catégorie de clients dispose de son portail) et l'a
équipé du progiciel en trois mois. Easy Voyage compte beaucoup sur sa
technologie et celle de son prestataire pour développer son business. Il
prévoit de réaliser un chiffre d'affaires de 4 MF en 2001 et envisage un
chiffre dix fois supérieur pour l'année prochaine. Des partenariats avec
Wanadoo et Sélectours, la vente de publicité en ligne et bientôt la mise en
place d'une boutique devraient aider Jean-Pierre Nadir à remplir cet objectif
ambitieux. François Pichon, marketing manager d'ATG, autre éditeur qui propose
sa plate-forme de personnalisation Dynamo, estime pour sa part que l'e-CRM a sa
logique propre et ne doit pas être une resucée des canaux de communication
classiques. « Le site OK Annonces, par exemple, n'est pas redondant avec le
réseau de gratuits. Le couplage avec l'e-mailing permet d'effectuer une vraie
relance et une fidélisation des clients. » La solution Dynamo fonctionne avec
des scénarios métiers (templates) et se compose de deux suites : Dynamo
Customer Management Suite, qui comprend trois modules, et Dynamo Commerce, la
même avec une couche supplémentaire pour le e-commerce. Ces suites progicielles
valent respectivement 550 000 et 850 000 F. Elles permettent de changer
dynamiquement les scénarios et de se relier aux autres canaux d'interaction
(mails, mobiles, PDA, TV interactive). ATG revendique huit clients en France,
dont OK Annonces, Castorama.fr et AGF.fr. Pour millemercis.com (listes de
cadeaux), le premier outil de e-CRM reste la base de données. Issus du monde du
data mining, les deux fondateurs du site se concentrent sur l'exploitation de
leur base de 230 000 membres. « Les données du Web sont assez particulières.
Leur valeur varie énormément en fonction du lieu et du motif de la collecte. La
donnée comportementale est nettement supérieure à la donnée déclarative »,
estime Yseulys Costes, co-fondatrice de millemercis.com. Ainsi, le taux de
clics est quatre fois supérieur chez les internautes qui ont placé un objet
dans leur liste par rapport à ceux qui ont simplement déclaré vouloir le faire.
Le site effectue des études de ciblage pour les annonceurs et propose des pré
et post-campagnes. Il a aussi développé en interne un "moteur cadeaux" qui peut
aider l'internaute à trouver le cadeau approprié, en fonction du profil de la
personne (sexe, âge, prix) ou de son style de vie. En direction des
internautes, le site envoie des mails avec des offres promotionnelles à partir
des profils enregistrés dans la base. « Nous personnalisons complètement le
message, précise Yseulys Costes, tout en avertissant des dangers de l'hyper
personnalisation. Si vous achetez une cravate pour quelqu'un sur un site et que
pendant deux ans on ne vous parle plus que de cravates, il y a un problème. »
Enfin, une bonne relation client nécessite une réactualisation constante de la
donnée, qui perd de la valeur au fil du temps.
L'état du CRM dans les grandes entreprises françaises
La société de conseil Valoris a réalisé en avril et mai une enquête sur "Les initiatives CRM dans les grandes entreprises françaises". Elle s'appuie sur 89 dossiers choisis parmi les mille premières sociétés hexagonales, alimentés par un questionnaire de 129 questions. Concernant l'e-CRM, appelé ici "nouveaux canaux d'interaction" (Internet, mobiles, télé interactive), 57 % des dirigeants interrogés (directeurs marketing, commerciaux, service clients) estiment "qu'il ne fait que commencer". Par ailleurs, les technologies effraient les décideurs qui sont plus de 40 % à penser "qu'elles sont trop en avance". A la question "quelle part de votre budget vous a réservé les surprises les plus désagréables ?", la plate-forme logicielle arrive en tête des doléances avec 33,3 % des réponses. L'intégration technologique représente 37,5 % des problèmes rencontrés. Le Web est considéré comme un canal qui possède un potentiel "fort" (66,7 %) pour développer l'image et promouvoir la marque et "très fort" pour développer le service au client (40,8 %) et acquérir de la connaissance client (42,3 %). L'e-mail est potentiellement "fort" surtout pour développer la proactivité commerciale (44 %) et l'acquisition de la connaissance client (52 %). A noter qu'il s'agit d'une étude qualitative et que toutes les questions ont fait l'objet de réponses multiples. Pour Gérard Labonne, associé marketing et e-commerce chez Valoris, « l'e-CRM est considéré par les dotcorps comme un canal d'interaction supplémentaire, mais elles ne savent pas encore vraiment comment l'utiliser ». S'il est vu comme très intéressant en matière de connaissance des clients, il ne fait pas recette pour développer l'e-commerce. La solution prônée par le consultant de Valoris est de pousser les dirigeants au plus haut niveau de l'entreprise à posséder des éléments de mesure des résultats pour constituer un véritable retour sur investissement de ces outils. Gérard Labonne préconise la création d'une "balance score card" de la valeur client, c'est-à-dire une grille d'évaluation comparable à celle qu'utilisent, par exemple, les industriels et les distributeurs pour évaluer leur logistique. En attendant, l'e-CRM possède une première vertu incontournable : obliger l'entreprise à mettre en commun tous ses savoir-faire.
Etude : l'industrie plébiscite l'e-CRM
La société Deloitte Consulting a publié récemment une étude intitulée "Fidélisation des clients et croissance rentable en Europe", réalisée dans le secteur de l'industrie. Or, sur les 200 industriels européens interrogés, moins d'un quart sont centrés sur la relation client, contrairement aux sociétés de services (banques, compagnies aériennes). Pour combler leur retard, ces entreprises veulent tirer profit du e-CRM, moins cher que les outils traditionnels de gestion de la relation client. Pour Deloitte Consulting, l'e-CRM va permettre de rendre accessibles à tous des informations auparavant gardés jalousement par les département marketing et vente. De plus, "l'e-CRM saisit les attentes du client à tous les niveaux d'interaction". Surtout, soigner sa relation avec ses clients est rentable. D'après le cabinet de consulting, les industriels centrés sur le client ont des marges bénéficiaires 60 % plus élevées que les autres entreprises. « Notre étude souligne le fait que les industriels du type "le client d'abord" ont environ deux fois plus de chance de dépasser leurs objectifs de rendement de l'actif (retour sur investissement) et de parts de marché », affirme Philippe Burucoa, associé du cabinet.
160 MF pour l'e-mail marketing en 2000 en France
Digital Business Surveys a sorti en juillet dernier une étude sur le marketing par e-mail en France. Il en ressort que ce marché pesait 160 millions de francs en 2000, mais sa croissance devrait se tasser légèrement cette année. Marché jeune, l'e-mailing attire sans cesse de nouveaux entrants, mais l'ère de la restructuration a déjà commencé, selon Digital Business Surveys, comme le prouve, par exemple, le rachat de MessageMedia par DoubleClick. L'étude fait plus que présenter des tendances. Elle adresse aussi plusieurs recommandations aux spécialistes du mail et aux annonceurs, pour éviter de « plomber l'avenir de cet outil de marketing direct pertinent », selon Thomas Vincensini, analyste. Parmi celles-ci on trouve la transparence des prestataires à l'égard des annonceurs, en particulier sur le dédoublonnement des adresses e-mails et la réalité de l'opt-in pour les newsletters. L'enquête de 350 pages (vendue 8 000 F HT) est fondée sur le fonds éditorial de Digital Business (20 000 articles) et les réponses de soixante-dix intervenants. Elle contient aussi un annuaire de cinquante prestataires.
AOL soigne ses abonnés
Pour le fournisseur d'accès à Internet AOL, soigner la relation avec ses abonnés est un credo. « Nous utilisons tous les outils du e-CRM dans la relation avec nos internautes : e-mails, newsletter, pop up... Dès qu'un abonné se connecte, il reçoit un mail de bienvenue », rappelle Octavie Baculard, du service de presse. Un programme d'accueil accompagne le nouvel utilisateur du service en ligne en lui envoyant des mails pour lui faire connaître les contenus et les outils d'AOL. Des messages spéciaux l'invitent à utiliser des services comme les messages instantanés, avec une explication en image. L'abonné peut aussi souscrire à des mailing lists. Toutes les newsletters (Trucs et astuces, Shop@AOL, etc.) sont envoyées selon le principe de l'opt-in. Une revue de presse personnalisée est également disponible. « Pour le lancement de la version 6 de notre logiciel, un mailing a été adressé à tous les abonnés et la nouvelle version mise en avant dans un pop up. La migration des anciens abonnés vers la nouvelle version s'est effectuée dans des délais plus courts que prévu », détaille Octavie Baculard. Grâce à des partenariats, AOL segmente également les cibles de ses utilisateurs. Par exemple, dans le cas d'une opération marketing avec Auchan, les abonnés reçoivent des offres spécifiques de ce distributeur. Pour l'attachée de presse d'AOL, « l'objectif du e-CRM est la satisfaction des abonnés, donc il joue un rôle de fidélisation ». C'est le service clientèle, fort de 700 personnes réparties sur trois sites (Lens, Dublin, Marseille), qui est le plus gros utilisateur des outils du e-CRM. Ce service est à l'écoute des abonnés sept jours sur sept par téléphone, mail ou en ligne sur le site.