Marketing de contenu et e-commerce : incontournable mais peut mieux faire !
Le content marketing, notamment quand on le décline pour le e-commerce est une discipline plus complexe qu’il y paraît. Dans une nouvelle série d’articles, nous avons demandé à des experts en e-commerce de réagir par rapport à ce billet et de nous livrer leurs réflexions relatives au content marketing et son application pour le commerce en ligne.
Je m'abonnePremière interview, celle d’Olivier Laborne, ancien responsable e-commerce chez Intermarché, Carrefour et consultant dans le domaine depuis de nombreuses années. Olivier a une grande expertise en e-commerce. Il a également le recul nécessaire pour évaluer la situation, en tant que praticien du Web et du e-commerce depuis 20 ans. Dans cette interview, Olivier confirme notre intuition liée à l’importance du contenu pour le e-commerce, tout en soulignant le manque de maturité du secteur en ce domaine.
Marketing de contenu et e-commerce : peut mieux faire !
Olivier Laborne est clair et direct quant à l’application du marketing de contenu au e-commerce : « peut mieux faire » résumerait assez efficacement sa pensée. Ceci, alors-même que le contenu a une importance cruciale pour le commerce en ligne, selon lui.
Le Marketing de contenu est-il approprié au e-commerce ?
La première chose que je désirais vérifier avec Olivier était la pertinence du marketing de contenu pour le e-commerce. Sur ce sujet il est clair et direct : « Le marketing de contenu est tout à fait pertinent » mais il continue en ajoutant « je dirais qu’aujourd’hui, c'est un peu le chaînon manquant du e-commerce ».
Son avis a résonné particulièrement à mes oreilles. Je me souviens en effet avoir évoqué ce sujet du contenu lors de l’édition 2014 de e-commerce 1to1 à Monaco et avoir reçu un feedback assez mitigé : d’une part tous mes interlocuteurs étaient nettement d’accord avec moi sur l’importance du sujet pour leur métier et de la pertinence de la démarche. En même temps, la discussion n’allait pas beaucoup plus loin et je sentais en fin de compte que si la méthode séduisait, peu de véritables initiatives étaient lancées concrètement.
Il y a bien entendu des exceptions et d’ailleurs, Olivier a insisté sur la bonne pratique réalisée il y a déjà quelques années par Leroy Merlin, avec une démarche « réellement orientée vers les bricoleurs » et sur la base de contenus profonds et d’UGC. Nous la décrivons dans ce billet avec une analyse en profondeur de la stratégie de contenus de la chaîne de bricolage.
Ce contenu collaboratif a aussi la faveur d’Olivier : « On préfère évidemment le contenu dynamique, gage d'une meilleure modernité du produit, d'une meilleure information et d'une meilleure fraîcheur sur le produit et de sa valorisation » a-t-il précisé. « On » pouvant s’appliquer ici, aussi bien à lui qu’au consommateur en général.
Le contenu généré par l’utilisateur est une tarte à la crème du marketing de contenu, nous en connaissons tous l’efficacité, ne serait-ce qu’implicitement, de ces démarches qui font qu’« un client préférera toujours écouter un client » comme le dit fort justement Olivier.
Et pourtant, ce n’est pas moi qui le dit mais le grand chercheur en marketing Bernard Cova, les marketeurs manquent cruellement d’imagination quand il s’agit de traiter le marketing communautaire.
Le ROI du marketing contenu resterait un problème
Mais les stratégies de contenu en e-commerce ne sont pas toujours simples. « L'une des difficultés du content marketing en reste la valorisation », poursuit Olivier Laborne, tant la quantification des impacts du contenu sont difficiles à prouver. Un problème qui a été aussi souligné par les autres experts du e-commerce que nous avons interviewés, nous y reviendrons dans de prochains billets.
En fin de compte, il y a sans doute un souci de maturité du content marketing en e-commerce. Olivier Laborne se lance même dans une comparaison entre le content marketing et l’affiliation des débuts du Web.
« Le content marketing c'est un peu ce qu'a été l'affiliation au tout début du Web où on ne pouvait pas savoir qui était à l'origine de la vente » souligne avec pertinence Olivier.
Il y a donc sans doute des progrès à faire dans ce domaine, même si pour certains secteurs, c’est le cas du B2B, la question du ROI se pose moins ou pas du tout.
Content marketing en e-commerce : le B2B en première ligne
« Le B2B est selon moi beaucoup plus intéressant que le B2C [NDLR : pour ce qui est du content marketing] ».
La vente professionnelle s’effrite et son efficacité diminue (voir notre article « Vente en B2B, chronique d’une mort annoncée ». Les démarches d’inbound marketing s’imposent donc largement dans la sphère business to business, et en toute logique le e-commerce B2B n’échappe pas à cette règle non plus.
Il en résulte que le « le contenu dans le B2B est un élément extrêmement important puisqu’il va permettre d'assurer non seulement la pré-vente mais la vente, voire même l'après-vente du produit » nous explique Oliver Laborne.
Faire l’impasse sur le marketing de contenu serait non mortel mais dangereux
Face à cette situation, les e-commerçants peuvent-ils se passer du content marketing ?
La réponse, logique, d’Olivier Laborne, est non ambiguë. Ne pas avoir de content marketing sur son site de e-commerce ne causera pas la mort immédiate du site, mais à long terme, c’est l’efficacité des ventes qui en souffrira, avec des e-commerçants se battant tous avec les mêmes armes, et faisant monter les enchères sur les mêmes mots-clefs.
Le résultat ? Certains mots-clefs en B2B (DMP par exemple) peuvent facilement grimper au-dessus de 25€ par clic. Avec ce genre de chiffres, l’acquisition du trafic devient, pour les domaines fortement concurrentiels, un casse-tête pour les marketeurs qui sont inquiets à l’idée que leurs budgets s’évaporent au profit des mêmes fournisseurs qui font monter les enchères sur un marché où l’offre est limitée à quelques grands acteurs.
En B2C également, les réactions récentes de grands annonceurs sur ce sujet et leurs décisions assez radicales en matière de publicité ont fait couler beaucoup d’encre. Bien que le problème soit moins sensible en B2C, on peut donc néanmoins penser que les stratégies de contournement, dont le content marketing et le marketing du bouche-à-oreille, vont s’imposer dans les années qui viennent.
En conclusion, le marketing de contenu, certes encore mineur aujourd’hui, est l’avenir du e-commerce, comme le montre le chapitre suivant, dédié à l’exemple de Leroy Merlin. Mais il y aura encore bien du chemin à parcourir.
Histoire d’une bonne pratique : Leroy Merlin
« J'ai beaucoup apprécié tout ce qui a été fait par Leroy Merlin dans le bricolage et la reprise de différentes informations venant des forums et surtout un esprit d'ouverture qui est vraiment de renseigner le bricoleur et pas forcément de le focaliser, de l'enfermer dans un entonnoir de vente spécifique sur Leroy Merlin mais vraiment un pôle de conseils et d'avoir une vision complète du produit ou de ce qu'on recherche. »
Olivier Laborne.
J’ai rebondi sur le témoignage d’Olivier pour décrire le cas Leroy Merlin et analyser une bonne pratique de l’utilisation du marketing de contenu en e-commerce.
Cours de bricolages en ligne (Leroy Merlin Campus)
Le site internet de la chaîne de bricolage du groupe Auchan propose plus de 280 cours en ligne (et en magasin), conçus par des spécialistes. Le niveau de complexité de chaque opération est évalué par une note sur 3, leur permettant ainsi de s’adresser à tous les types d’utilisateurs.
Chaque tutoriel commence par lister le matériel et l’outillage nécessaire à l’opération. Cette liste est liée à la fiche technique de chaque produit sur le site e-commerce de Leroy Merlin.
Figure 1 : un tutoriel pris sur le site de Leroy Merlin
Ces cours filmés peuvent êtres filtrés par pièce de la maison ou par « univers », tel que la menuiserie, la plomberie, la peinture etc. Leroy Merlin a également pensé à fournir des notices explicatives dans la catégorie Idées et Projets.
Il est également possible de télécharger gratuitement des guides d’inspiration, permettant une navigation plus fluide parmi le flux d’idées, et un livre publié chez Hachette (le livre de bricolage le plus facile du monde), également disponible en magasin.
À la fin de chaque fiche, des articles de fond sont proposés à l’utilisateur « pour aller plus loin » via un algorithme qui vous proposera des contenus riches. Voir par exemple la vidéo « histoire originale d’un parquet » qui met en avant un partenaire (Artens) du distributeur.
Chez Leroy Merlin, l’UGC est au cœur du e-commerce
Si vous ouvrez un compte sur le site, vous pourrez accéder à la communauté et contribuer au forum d’entraide (https://communaute.leroymerlin.fr). Plus de 60 000 sujets — traités par les utilisateurs — y sont classés par catégorie. La communauté en ligne est une véritable caverne d’Ali Baba de contenu riche avec blogs, concours photos.
Qui plus est, il n’est pas même besoin d’être client pour y avoir accès, une simple adresse mail suffit.
L’équipe du site intervient régulièrement pour proposer des articles de blog sur des projets de rénovation. Ces articles sont accompagnés de photos du projet en question, sur lesquels les membres peuvent donner leurs avis et commentaires.
Impossible d’en faire le tour en quelques minutes, Leroy Merlin a pris le marketing de contenu au sérieux, ce qui en fait un site de référence pour l’animation en e-commerce et en magasin.