Promotions: qu'en est-il de la notion de loyauté?
En réponse au rapport 2016 de la DGRRCF pointant des fraudes à la promotion de la part de plusieurs e-commerçants, Laure Boëté, juriste à la Fevad, fait le point sur une réglementation imprécise.
Je m'abonneEn 2016, la DGCCRF a publié un rapport consacré à la fraude de certains vendeurs en ligne lors de leurs opérations de promotion des ventes. Plusieurs acteurs sont accusés d'avoir haussé les tarifs de certains articles de manière artificielle pour proposer ensuite des rabais plus élevés. 19 procès-verbaux ont été dressés.
- Quels sont les critères de contrôle de la DGCCRF pour les e-commerçants en matière de promotions?
Les pénalités sont laissées à l'appréciation de la DGCCRF. Cette dernière peut faire la publicité des vendeurs incriminés (ce qui s'est produit dans Le Parisien, le 23 février dernier). Elle peut, en complément, infliger des amendes administratives.
L'arrêté encadrant la promotion des ventes date de mars 2015 et s'avère assez large. Il se fonde sur des critères de loyauté et de transparence vis-à-vis du consommateur. La notion de loyauté s'apprécie au cas par cas, or, il n'existe aucune jurisprudence pour éclairer le texte. Le jugement dépend donc de la pratique du secteur et de l'appréciation de la DGCCRF, mais il n'existe pas de ligne directrice. Cet arrêté a abrogé un texte de 2008, dont les indications étaient plus précises. Le prix de référence d'une promotion, par exemple, était étudié sur les 30 jours précédant la promotion. Depuis 2015, seul le concept de loyauté demeure. Chacun navigue donc dans le flou.
Par ailleurs, le texte de 2015 est remis en cause par une ordonnance de la Cour européenne de justice, datant de septembre 2015. Cette dernière stipule que le prix de référence, c'est-à-dire le prix barré, n'est pas obligatoire, à partir du moment où l'e-commerçant peut prouver, en cas de contrôle, que les prix qu'il pratique sont loyaux. Pour un distributeur, le prix de référence conseillé est déterminé par le fabricant.
- Quels sont les souhaits de la Fevad pour éclaircir cette situation?
La Fevad est ainsi dans l'attente de l'abrogation de l'arrêté de 2015 car il ne respecte plus les dispositions légales européennes. En effet, la promotion des ventes et les réductions de prix sont gérées par une directive de 2005, "Pratiques commerciales déloyales", qui se veut d'harmonisation maximale (elle fixe des règles impératives pour rapprocher au maximum les réglementations des États membres de l'Union européenne). Or, lorsqu'elle a été transposée au niveau français ainsi que dans plusieurs autres pays, elle n'a pas été reprise à l'identique, ce qui explique l'existence de disparités.
La Commission européenne s'engage fortement pour faire respecter les directives de 2005 telles qu'elle les a écrites.
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- Que répondez-vous à la DGCCRF qui indique que "ces pratiques trompeuses sont généralisées sur la Toile"?
Il importe de relativiser cette assertion car sur 10000 sites contrôlés (sur les 200000 sites de vente en ligne en France), seuls 19 procès-verbaux ont été dressés, soit 0,1%. En tant que fédération représentant les e-commerçants, la Fevad privilégie le dialogue avec la DGCCRF.
En effet, la sensibilisation de l'opinion via la citation de certains acteurs ne nous semble pas aller dans ce sens. Suite à la communication de la DGCCRF au mois de février 2017, nous lui avons adressé un courrier au début du mois de mars, sans retour pour l'instant. Nous répétons cependant notre volonté d'avancer en partenariat avec la DGCCRF, car professionnels et consommateurs ont besoin de lignes directrices pour avancer au sein de ce flou juridique sur la notion de loyauté.
- Quelles sont les recommandations de la Fevad en matière de promotion des ventes?
La Fevad met à la disposition de ses adhérents un code professionnel, qui sert de base pour la promotion des ventes. Ce thème est très important pour nous car il touche à la notion de confiance. Sur Internet, la concurrence étant à portée de clic, il est primordial que le consommateur puisse nouer un lien de confiance avec les vendeurs. La loyauté passe par la transparence de l'information.
De plus, la Fevad recommande à ses adhérents de conserver tous les éléments prouvant qu'ils sont en conformité avec la loi et qu'ils se fondent sur un prix que le fabricant leur a communiqué. Ces preuves sont demandées en cas de contrôle.
Nous souhaiterions d'ailleurs une réflexion sur l'harmonisation des contrôles. En effet, les inspecteurs (les DDPP), en fonction de leur département, ont des demandes différentes lors de leur visite. Parfois, il convient de fournir des preuves de tarifs datant du dernier mois, tandis que certains vendeurs ont dû remonter jusqu'aux quatre derniers mois. L'arrêté de 2008 fixait le contrôle aux prix des 30 derniers jours, mais cette notion a disparu. La Fevad appelle ainsi les différents acteurs à la transparence, à la coopération et au dialogue.
Pour aller plus loin:
L'e-commerce a atteint 72 milliards d'euros en 2016