[Extraits] Gilles Babinet décrypte la transformation digitale des entreprises
La fonction de CDO est actuellement la plus glamour au sein des grandes organisations. En réalité, ce rôle est imprécis, et cette ambiguïté est souvent mise à profit pour faire peu de transformations - ou pour ne pas en faire. Le premier constat est que le rôle des CDO n'est pas unanimement perçu comme stratégique: une minorité de 27 entreprises du CAC ont un CDO rattaché au directeur général1. Ce chiffre résume l'impact limité d'une telle fonction, surtout lorsque l'on sait que l'une de ses principales missions consiste à remodeler substantiellement les organisations. L'origine du CDO est également importante. Le fait de maîtriser le métier est un atout incontestable et il n'est donc pas anormal que ce salarié puisse éventuellement être promu en interne. Promotion interne d'autant plus justifiée que son travail est transversal et nécessite le doigté d'un diplomate byzantin!
En revanche, le CDO devra avoir une solide culture de l'innovation, et plus particulièrement des modèles d'innovation issus du monde digital. Il est inimaginable de nommer un CDO qui n'a pas été, de façon très régulière et de longue date, en contact avec le monde numérique. Il faut à cet égard pourfendre l'idée qu'un DSI puisse généralement faire l'affaire: la culture qui préexiste dans le monde informatique, dont les méthodes de travail sont particulièrement incrémentales et éloignées du monde qui vient, est antinomique avec celle qui existe dans le digital. Le profil idéal du CDO serait donc celui-ci: avoir travaillé au sein du métier, avoir eu des responsabilités liées aux stratégies d'innovation et être très agile à l'égard du digital. Autant dire que ce profil est rare!
Le chief digital officer, un pilier de la transformation digitale
La lettre de mission du CDO est au moins aussi importante que sa compétence. Son rôle serait très proche du CCO (chief change officer) aux USA , qui est chargé de remodeler l'organisation pour la rendre plus agile; soit, généralement, de faire passer l'entreprise d'un modèle vertical à un modèle plus transversal.
Cette lettre de mission devra de surcroît définir clairement les relations que le CDO entretient avec le DSI de l'entreprise. Sera-t-il autorisé à accroître le "shadow IT", c'est-à-dire les projets numériques menés en dehors du contrôle de la direction des systèmes d'information? Si c'est le cas, il importe de définir clairement le rôle de chacun. Si ce n'est pas le cas, soit le DSI devrait lui être rattaché à terme (c'est souvent le cas dans les entreprises anglo-saxonnes), soit le rôle du CDO n'a que peu de sens.
En réalité, pour que le CDO ait une chance de réussir, il est difficile d'imaginer qu'il ne soit pas rattaché au directeur général; de surcroît, il doit avoir le plein soutien de celui-ci. De nombreux arbitrages se présenteront et il est à craindre que ceux-ci n'apparaissent pas toujours pour les meilleures raisons. Il faut enfin souligner que plusieurs entreprises très avancées en matière de transformation digitale n'ont pas nécessairement de CDO. Ce n'est pas une faiblesse structurelle, car ce choix peut signifier que l'enjeu a été réparti sur l'ensemble du comité de direction de l'entreprise. Il faut alors souhaiter que les directeurs soient agiles sur le plan digital, de façon relativement homogène. Je confesse qu'au sein des sociétés dont j'ai eu l'opportunité de rencontrer tout ou partie du comité de direction, je n'ai jamais vu un niveau d'expertise digitale reconnu par tous comme étant totalement satisfaisant.
Publié par Gilles Babinet, aux éditions Le Passeur. 221 pages, sortie le 1er décembre 2016, 18,50 euros.
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