Working girl
Isolée dans un milieu profondément masculin, cette "expert" de Leonardo Finance mène néanmoins sa barque de main ferme pour le plus grand bonheur des start-up qu'elle conseille.
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Les clichés ont la peau dure. Et celui qui consiste à réserver le monde de
la finance à la gente masculine en est un coriace. A bien observer les tenues à
la mode dans les "first tuesday" et autres manifestations où se nouent les
contacts entre investisseurs aux aguets et jeunes pousses affriolantes, force
est de constater que le costume trois pièces supplante allègrement la
combinaison jupe-talons aiguilles. Pour autant, Florence Ribes ne se considère
pas comme une marginale et n'accorde finalement que peu d'intérêt à ces
considérations machistes. « A ce niveau, il suffit d'avoir les compétences
techniques pour s'imposer et faire taire les mauvaises langues, tranche-t-elle.
J'évolue, Dieu merci, dans un monde où la personnalité de l'individu prime
davantage que son sexe ». Le fait d'être une femme a-t-il en revanche une
influence sur ceux qui la rencontrent pour lui présenter leur projet ? « Je ne
pense pas. Leur priorité, comme la mienne d'ailleurs, n'est pas de séduire par
sa personne, mais par son projet. Les rapports se construisent au fur et à
mesure. » La finance, Florence Ribes s'y consacre depuis ses débuts
professionnels et ne lui a tourné le dos que pour un interlude de deux ans,
pendant lequel, saturée, elle a préféré coupé les ponts et se consacrer au
journalisme et à l'édition. Deux brèves expériences au Monde et à Tennis
Magazine l'a conduite au sein du groupe Hachette où elle s'occupe de la
promotion des titres enfants. Un dépaysement total et une grande bouffée
d'oxygène qui ne survivront pas à la joint-venture réalisée par le groupe avec
Disney. Mais peu importe, en guise de nouveau challenge, elle rejoint Infonie,
qui se lance dans l'aventure de l'Internet. Des trois années passées dans
l'entreprise, elle en garde une passion pour les nouvelles technologies et la
satisfaction d'avoir mené à bien son introduction en Bourse. « J'ai gardé en
mémoire l'esprit pionnier qui animait l'équipe dirigeante d'Infonie et qui
caractérise l'ensemble des entrepreneurs qui nous envoient leur projet.
L'aspect le plus intéressant de ce métier, c'est de voir un projet prendre une
dimension ou évoluer vers une voie que ces créateurs n'avaient pas forcément
imaginée au départ. Car c'est à ce moment-là que l'on a réellement le sentiment
de construire quelque chose de neuf. » Comment faire le choix parmi tous les
dossiers qu'elle reçoit quotidiennement ? « J'accorde une grande importance à
la valeur de l'équipe. Pour qu'un projet tienne la route, il faut qu'il soit
mené par des individus à la fois compétents et clairvoyants. Deuxièmement, le
marché doit exister et le potentiel de croissance du produit doit être fort. »
Bénéficiant du luxe de pouvoir elle-même choisir les projets sur lesquels elle
souhaite travailler, notre expert se considère davantage comme un partenaire
que comme une marraine. « Notre métier consiste à accompagner les entreprises
jusqu'à leur deuxième tour de table ou leur introduction en Bourse, pas de les
représenter. De toute façon, bien souvent, j'ai à faire à des gens qui sont
bien plus expérimentés que moi dans leur domaine. Je suis en fait le miroir qui
renvoie aux start-up l'image que le marché a d'elles ». A ce jour, Florence
Ribes confesse avoir connu un taux de réussite de 100 % dans ses diverses
levées de fonds et introductions en Bourse. Newsfemme, Net4music, Netcrawling
et Cyrano figurent entre autres à son palmarès. Sa plus grosse levée de fonds ?
101 millions de francs pour un site B to B de produits pharmaceutiques. Une
chose est sûre en tout cas, les récents déboires de quelques-unes des plus
fortes valeurs de la nouvelle économie n'altèrent en rien sa motivation. Selon
elle, ces excès étaient prévisibles car le marché est encore très jeune et
avait besoin de cet élan pour démarrer. « Contrairement à ce que l'on veut
faire croire aux gens, les fonds d'investissements ne diminuent pas tant que
cela, ils sont simplement devenus plus sélectifs. Mais les investisseurs ont
toujours autant d'appétit. » Financer des idées, cela crée des envies. A force
de voir passer tous ces projets et de côtoyer ces ambitieux entrepreneurs,
l'envie de les rejoindre ne l'a-t-elle jamais titillé ? « Bien sûr que si, mais
jamais au point de franchir le pas. On m'a déjà fait plusieurs propositions,
mais j'estime que j'occupe pour le moment un poste privilégié. Et puis une fois
que j'ai sélectionné un projet intéressant, je ne me crée plus d'envie. »
Repères
38 ans. Diplômée de l'ESCP et MBA "Affaires Internationales" à Atlanta. 1981 : intègre Coopers & Lybrand pour son premier poste. 2e trimestre 1999 : rejoint Leonardo Finance.